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Kerviel : « ma hiérarchie m’avait garanti un bonus de 300.000 euros »

Après une année exceptionnelle au cours de laquelle il aurait réussi de nombreux « coups », Jérôme Kerviel s’attendait à toucher un bonus de 300.000 euros...

L’affaire « Jérôme Kerviel », l’homme aux 4,9 milliards d’euros, n’en finit pas de secouer le landerneau financier. Et d’accabler de plein fouet le management de la Société Générale.

En effet, les dernières déclarations de l’ex trader, que le site Media Part et Le Monde ont publiées hier, laissent à penser que ses supérieurs auraient été informés de ses positions au-delà des limites autorisées : « Je ne peux croire que ma hiérarchie n’avait pas conscience des montants que j’engageais, il est impossible de générer de tels profits avec de petites positions. Ce qui m’amène à dire que lorsque je suis en positif, ma hiérarchie ferme les yeux sur les modalités et les volumes engagés. Au quotidien, au titre d’une activité normale avec des engagements normaux, un trader ne peut générer autant de cash. », aurait déclaré le jeune homme de 31 ans aux enquêteurs.

Au-delà des accusations de Kerviel à l’encontre de sa hiérarchie directe, qui remettent en question les premières déclarations du Président de la banque, il est opportun de s’interroger sur les responsabilités du management en général et sur l’intégrité des systèmes informatiques au sein du département Dérivés Actions Indices de la Société Générale, fleuron de l’Ingénierie financière dans le monde sur cette classe d’actifs.

En effet, s’il est désormais acquis que le jeune trader a contourné les failles des systèmes de contrôle (ce que l’intéressé a d’ailleurs reconnu lui-même), il est évident que ce n’est certainement pas grâce à ses talents particuliers d’informaticien, puisqu’il n’en avait pas le background. L’ex trader semble avoir tout simplement conservé tous les identifiants et les mots de passe du middle référentiel et du middle industriel (où travaillent les assistants traders sur les produits vanilles), dans lesquels il a fait ses classes avant d’arriver au Trading en 2005. Il était donc encore titulaire des droits sur des applications pour lesquelles, dès son passage au front office, il n’aurait plus dû avoir accès. Détails qui lui ont vraisemblablement permis de « booker » des deals fictifs pour couvrir ses positions à risque dans Eliot, outil développé dans la banque au début des années 90 et qui demeure le Saint Graal pour gérer les opérations du front office.

Autre information d’ importance : la gestion des mots de passe à la Société Générale est assurée par les services informatiques, mais ce sont les managers, très souvent lors des changements d’équipe ou des départs, qui sont sensés en informer les équipes compétentes pour que les modifications soient enterinnées. Et si l’ex trader a pu avoir le loisir de faire ce qu’il voulait dans les systèmes jusqu’en 2007, alors il apparaît vraisemblable que ses supérieurs successifs sur ses deux précédents desks - ou les équipes informatiques si elles avaient été avisées - n’ont pas endossé leurs prérogatives.

L’ex trader met d’autant plus en cause le management de la Générale dans cette affaire qu’il aurait affirmé à la brigade financière, toujours selon une information de Media Part et du Monde, que « durant l’année 2007, plusieurs mails interrogatifs en provenance du back office ont été envoyés à plusieurs de [s]es assistants collaborateurs afin d’obtenir des explications sur les opérations enregistrées dans [s]on book. Ces mails concernaient des opérations qui ne sont pas redescendues au back office ». Et Kerviel d’ajouter :« Les techniques que j’ai utilisées ne sont pas sophistiquées du tout, à mon sens, tout contrôle correct correctement effectué est à même déceler ces opérations ».

Au début de l’année 2007, le trader avait réussi sa première grosse transaction, couverte fictivement, en prenant des paris sur le Dax. Au second semestre, il avait continué : « J’ai généré du cash comme jamais je ne l’ai fait. En novembre 2007, voyant que c’était juteux, j’ai également pris des positions à partir d’autres automates de collègues en même temps et ce au vu et au su de tous » puis il précise aux policiers : « Je ne peux croire que ma hiérarchie n’avait pas conscience des montants que j’engageais, il est impossible de générer de tels profits avec de petites positions. Ce qui m’amène à dire que lorsque je suis en positif, ma hiérarchie ferme les yeux sur les modalités et les volumes engagés ».

Fin 2007, les plus values avoisinent 1,4 milliards d’euros. Le trader, selon ses propos, n’aurait pas su comment les déclarer à sa hiérarchie sans dévoiler sa technique frauduleuse. Il n’en déclarera finalement que 55 millions d’euros. Il aurait ainsi obtenu de ses supérieurs, la garantie d’un bonus de 300 000 euros au titre de ses bons résultats pour l’année 2007.

Plusieurs interrogations planent aussi en interne sur la série de licenciements orchestrés après la publication des pertes de la SocGen. Comment expliquer le départ de Luc François, ingénieur Supélec qui était depuis 1999 directeur adjoint de la division Dérivés Actions Indices, alors que Christophe Mianné, co-responsable de cette même division, reste en poste ? Qu’est ce qui justifie le départ de Grégoire Varenne et Marc Breillout, ex co-responsables de la division des marchés de taux, de change et de matières premières alors que Kerviel ne dépendait pas de leurs activités ? Et, quid de Jean Pierre Mustier, X-Mines, patron de la banque de financement et d’investissement, qui conserve lui aussi son fauteuil ?

De nombreuses zones d’ombre subsistent donc dans cette affaire, qui, en plus de fragiliser considérablement le comité exécutif de la Société Générale dont Daniel Bouton, mettent à mal la réputation de la place financière française et le savoir faire qu’elle était en train de se bâtir dans le domaine de l’ingénierie du risque.

Yann Olivier Janvier 2008

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