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Ce qui fait peur aux banques centrales : que l’impact de la baisse des prix du pétrole sur l’inflation ne soit pas transitoire

La baisse des prix du pétrole fait mécaniquement baisser l’inflation. Toute la question est de savoir si l’impact sur l’inflation sera temporaire ou permanent.

La baisse spectaculaire des prix du pétrole depuis l’été 2014 emmène à la baisse l’inflation presque partout dans le monde. L’inflation totale est passée en territoire négatif en zone euro, a atteint 0,5 % au Royaume-Uni et est passée sous 1 % aux États-Unis. L’effet de la baisse des prix du pétrole est mécaniquement fort, l’énergie représentant peu ou prou 10 % du panier des biens de consommation dans les pays développés. Les prix de l’énergie sont, avec les prix de l’alimentation, considérés comme volatils et les banques centrales préfèrent habituellement prendre en compte « l’inflation sous-jacente », c’est-à-dire l’inflation hors alimentation et énergie, qui est censée mieux refléter l’état de l’économie, notamment au travers des tensions sur le marché du travail. Selon cette logique et en faisant l’hypothèse que les prix du pétrole se stabilisent au niveau actuel, l’impact de la baisse des prix du pétrole sur l’inflation ne devrait être que « transitoire » et ne devrait donc pas constituer un problème pour les banques centrales. Pourtant le doute est bel et bien permis.

L’exemple éclairant de la BoE. Prenons l’exemple de la Banque d’Angleterre (BoE) : alors que deux des neuf membres (McCafferty et Weale) du Comité de Politique Monétaire (MPC) ont voté en faveur d’une hausse de taux lors des 5 derniers MPC de 2014 et en dépit de chiffres d’activité plutôt convenables au Royaume-Uni, ils ont cessé de demander un resserrement lors du MPC de janvier 2015. D’où vient la reculade des faucons de la BoE ? Les minutes du MPC de janvier expliquent que la BoE distingue effectivement les perspectives d’infl ation de court terme (sur lesquelles le pétrole vient peser directement) et de moyen terme. Or, la BoE estime qu’il « est possible que la baisse de l’infl ation de court terme puisse devenir plus persistante si elle a abaissé les anticipations d’infl ation, la croissance des coûts salariaux d’une façon auto-entretenue » et qu’il est « possible que la croissance des salaires nominaux soit plus faible qu’anticipé et que cela se traduise par une infl ation plus faible ». Selon les deux faucons du MPC, il existe un « risque que l’infl ation basse persiste pour plus longtemps que les facteurs temporaires en jeu et que ce risque soit accru par une remontée de taux directeurs. »

Le caractère transitoire de la baisse des prix du pétrole est en question lorsque la dynamique salariale est faible. Il est frappant de voir que les anticipations d’inflation à long terme ont baissé parallèlement aux prix du pétrole. Le point mort d’inflation 5 ans est négatif en Allemagne et aux alentours de 1 % aux États-Unis.

Comme le rappelait Ben Bernanke il y a quelques années (“Inflation expectations and inflation forecasting”, 2007), une variation en une fois des prix de l’énergie ne se mue en inflation permanente que si cela mène à une variation des anticipations d’inflation et vient influer sur l’interaction entre prix et salaires. En d’autres termes, le pétrole ne joue pas sur l’inflation sous-jacente quand les anticipations d’inflation sont bien ancrées. C’est tout le problème auquel font face les banques centrales des pays développés, avec des anticipations d’inflation déréglées par rapport à la période de la Grande Modération. Dans la plupart des pays développés, et même dans ceux où le taux de chômage a baissé de façon substantielle, l’inflation salariale se fait attendre et le débat sur la quantité de ressources inutilisées sur le marché du travail fait encore rage. Dans une économie où les entreprises ne subissent aucune pression pour relever les salaires mais plutôt pour trouver des débouchés, il est tout à fait possible que la baisse des prix du pétrole se répercute dans leur prix de vente.

Le caractère transitoire de la baisse des prix du pétrole est en question lorsque la dynamique salariale est faible

Le débat risque de se poser à la Fed. Mi-janvier, Eric Rosengren, le président de la Fed de Boston a reconnu qu’il y avait une déconnexion entre la confiance qu’a la Fed en ce qui concerne la remontée de l’inflation à moyen terme et les doutes du marché, et qu’il n’était lui-même « pas particulièrement confiant » sur le fait que l’inflation revienne vers sa cible de 2 %, insistant sur la faiblesse de l’inflation salariale. Eric Rosengren a laissé entendre que le NAIRU [1] aux États-Unis était en fait bien plus faible que les estimations généralement réalisées, ce qui signifi erait qu’il faudrait être encore plus « patient » pour envisager des hausses de fed funds…

Bastien Drut , Nicolas Doisy Février 2015

Notes

[1] Le NAIRU (Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment) est le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation. L’inflation accélère quand le taux de chômage passe en dessous de ce niveau, notamment car les salaires partent à la hausse.

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