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Concept purement marketing ou réelle innovation ?

Le terme « Smart Beta » a réussi à s’imposer au sein du secteur de la gestion d’actifs pour désigner une multitude de stratégies d’investissement diverses et variées. Ces différentes approches de « smart beta » ont un dénominateur commun : l’objectif d’offrir aux investisseurs une exposition actions « différente » à celle des indices traditionnels capi-pondérés, mais qui reste systématique.

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Le terme est nouveau, moderne, et joue sur la connotation positive liée aux technologies « smart » de l’électronique grand public. En effet, qui aujourd’hui ne possède pas de smartphone ou n’aspire pas à une « smart TV » ? En termes d’image marketing, le concept « smart » est associé à des produits qui répondent quasi-intuitivement aux besoins de leurs utilisateurs, sans nécessiter l’intervention de spécialistes techniques qualifiés.
Il s’agit donc bien d’un nom nouveau et tout à fait dans l’air du temps - mais le concept est-il réellement novateur ?
La réponse est bien évidemment « non ». Des mécanismes de pondération systématiques, fondés sur des éléments autres que la capitalisation boursière, existent en fait depuis plus de trente ans.

Du bêta idiot ?

En qualifiant le « smart beta » d’intelligent, le terme implique que le bon, vieux bêta traditionnel l’est moins. L’idée selon laquelle le marché peut avoir un bêta date des années 1960. Au fil des années, ce symbole grec est devenu l’abréviation employée par le secteur pour définir l’exposition au marché telle que mesurée par un portefeuille capi-pondéré. Malgré le fait que ces portefeuilles ne représentent qu’une seule des méthodes systématiques permettant de pondérer les valeurs dans un portefeuille, ils sont devenus aujourd’hui des substituts pour mesurer la performance globale du marché. Ils présentent en effet plusieurs avantages : faibles coûts, simplicité totale et aucune limite de capacité.

Les portefeuilles capi-pondérés, qui permettent d’investir des sommes considérables sur les marchés actions de manière simple et rapide, ont attiré des billions de dollars provenant d’investisseurs partout dans le monde. La méthodologie de pondération en fonction de la taille de capitalisation boursière a été encouragée dès ses débuts par le Capital Asset Pricing Model, qui soutient (dans la mesure où l’on accepte une série d’hypothèses simplistes et peu réalistes) qu’un portefeuille capi-pondéré est un portefeuille efficient. Cette clé de voûte de la Théorie Moderne de Portefeuille est à l’origine de la conviction (toujours d’actualité pour de nombreux investisseurs) qu’un portefeuille construit sur la base d’un indice capi-pondéré offre un niveau de rendement optimal par rapport aux risques pris. Les fonds de ce type continuent d’attirer de larges flux, de tous types d’investisseurs partout dans le monde, qui continuent de croire en cette notion, pourtant largement réfutée.

A quand remontent les premières notions de « smart beta » ?

Les premières stratégies de gestion systématiques, conçues pour répondre aux défauts inhérents des portefeuilles à indices capipondérés, ont émergé dans les années 1980, soit trente ans avant la naissance du terme « smart beta ». Dès 1982, Dr Robert Fernholz, fondateur d’INTECH et créateur des méthodes de construction de portefeuilles actions optimisés, a publié un article de recherche déterminant dans lequel il démontre que non seulement un indice capi-pondéré n’est PAS un portefeuille efficient, mais que des performances supérieures peuvent être générées avec un niveau de risque similaire simplement en diversifiant et en rebalançant les positions. INTECH met en œuvre cette stratégie de gestion depuis plus de 25 ans et gère aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars d’encours sur la base de ces principes.

Par la suite, les travaux réalisés par différents acteurs du secteur et du monde universitaire visant à identifier des « biais » de portefeuilles capables de générer des performances régulièrement supérieures sont largement connus. Au fil des années, le nombre de méthodologies de pondération alternatives a été pléthorique : équi-pondération, pondération en fonction des revenus, des dividendes, des bénéfices, de la liquidité, du bêta, des actifs (wealth-weighted) ou encore du PIB, pour n’en citer que quelques-unes. Différentes associations de ces facteurs, et d’autres, ont servi de base à l’offre de produits indiciels optimisés commercialisés par les gérants quantitatifs à compter des années 1990. Ces produits auraient pu être labellisés « Smart Beta » à l’époque, si le terme avait existé.

Un petit nombre de ces facteurs individuels se démarquent particulièrement. Il s’agit de la « taille » (1981), « la valorisation » (1992) et le « momentum » (1997). Le succès qu’ont connu ces facteurs au cours des trente dernières années leur a valu d’entrer dans la cour des grands et de devenir des « effets ». Nous pourrions également inclure dans ce groupe la « volatilité » et « l’anomalie de faible volatilité » qui entrent dans ce club select des facteurs de risque. Les portefeuilles construits sur la base de ces facteurs sont désormais reconnus comme des stratégies de gestion gagnantes. Nous pouvons douter de cette affirmation, mais ce débat fera l’objet d’un article ultérieur. Nous nous contenterons de noter que des sociétés de gestion ont monté des activités entières et gèrent des centaines de milliards de dollars sur la base de produits d’investissement visant à exploiter ces effets. De plus, au même titre que le bêta, ces effets se sont immiscés dans les publications, les pratiques et les convictions de la place financière pour devenir des composantes de la performance d’un portefeuille : des facteurs de risques pouvant servir à justifier la performance d’autres portefeuilles.

Smart Beta – un nom à la recherche d’une catégorie ?

Comment expliquer l’émergence soudaine de la catégorie « smart beta », alors que ses composantes existent depuis plus de 30 ans ? La réponse se trouve sans doute dans des thématiques propres au secteur de la gestion d’actifs qui ont pris une importance particulière au cours des 5 dernières années : comment générer de meilleures performances ; comment réduire les risques et comment contrôler les coûts.

Depuis l’an 2000, les marchés ont connu deux crises boursières majeures qui ont laissé les investisseurs meurtris, les fonds de pension déficitaires et tous les acteurs en quête de plus de rendement. En parallèle, les administrateurs de fonds de pension, les autorités de tutelles et les comités d’investissement ont accordé une importance accrue au risque – ou comment diversifier son exposition au marché et donc la réduire. Dans un contexte d’austérité économique mondiale et de perspectives de performances globalement modestes sur les marchés financiers, atteindre ces objectifs tout en maîtrisant les coûts est au cœur des préoccupations des investisseurs. Le concept de « smart beta » a été mis en avant pour répondre à ces attentes.

Rappelons que le terme « bêta » est synonyme de gestion passive, dont un des atouts clés est son coût très faible. Or depuis environ 50 ans, la seule option passive au menu était la gestion indicielle capi-pondérée, qui bien qu’économique, présentait de nombreux défauts. Les principaux désavantages de ce type de gestion sont notamment la surexposition aux valeurs survalorisés et aux grandes capitalisations, et l’absence de protection à la baisse. En effet, même en étant investi dans un fonds indiciel, un investisseur peut tout à fait perdre la moitié de son capital sur une période de 12 mois.

Les approches « smart beta » ont pour vocation d’offrir la même approche « low cost » et passive que les fonds indiciels capi-pondérés, mais sont conçus pour exploiter certains des facteurs de risque mentionnés ci-dessus – l’objectif étant de générer des performances supérieures pour un niveau de risque similaire, voire inférieur. Ces produits sont parfois connus sous le nom de portefeuilles indiciels « alternatifs », car ils emploient des mécanismes de pondération fondés sur des mesures autres que la capitalisation boursière, comme la valorisation fondamentale ou la volatilité des titres. Désormais entrés dans les mœurs, ces « effets » sont assimilés à des expositions disponibles, auxquelles un investisseur peut accéder de manière systématique et passive, dans le cadre de son allocation « smart beta » - une source de diversification par rapport aux portefeuilles capi-pondérés traditionnels. Si ces stratégies de gestion fondées sur des facteurs de risque existent depuis 30 ans, les portefeuilles indiciels « smart beta » ont pour objectif de supprimer le recours obligatoire à des gérants actifs et qualifiés. Il semblerait que l’alpha d’hier ait été repackagé sous forme de bêta, et proposé aux investisseurs dans un format « indiciel » générique.

Mais ces stratégies sont-elles réellement des indices ? Sont-elles réellement passives ? Le « smart beta » est-il intelligent comme son nom l’indique, et s’agit-il vraiment de bêta ? Nous tâcherons de répondre à ces questions (et à d’autres) dans notre second article de la série Smart Beta.

David Schofield Décembre 2014

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