L’équipe d’investissement ALM (Asset Liability Management), qui gère 56 milliards d’euros d’actifs assurantiels*, a présenté un panorama des stratégies à performance absolue et livré les clés d’une intégration efficace en portefeuille.
Transparisation, IFRS 9, Solvabilité 2, décarbonation des portefeuilles… « les investisseurs institutionnels de l’univers assurantiel et de la prévoyance sont confrontés à d’importants défis, d’ordre prudentiel, comptable et financier, dans un contexte de marché caractérisé par des taux d’intérêt durablement bas et une volatilité accrue » comme le souligne Olivier Le Braz, Directeur du développement de la gestion assurantielle chez Groupama Asset Management.
Parmi ces enjeux, la quête de diversification et de décorrélation des actifs au sein des portefeuilles ALM est d’autant plus vitale aujourd’hui, qu’IFRS 9 imposera une plus grande sélectivité des sous-jacents pour répondre aux contraintes de volatilité établies par la directive.
Parallèlement, Solvabilité 2 a participé à un changement profond d’approche d’investissement : « les investisseurs assurantiels sont passés d’une approche ‘buy & hold’ traditionnelle sous Solvabilité 1, à l’intégration de nouvelles classes d’actifs, notamment illiquides de type actifs réels sous Solvabilité 2. Le bilan assurantiel a fortement évolué et la diversification fait désormais structurellement la part belle aux stratégies dites de performance absolue » explique Claire Bourgeois, Directrice des Investissements ALM chez Groupama Asset Management. Les investisseurs attendent de ces stratégies une exposition différente de celle des classes d’actifs traditionnelles (taux, crédit, actions), avec une prime compensant suffisamment le risque pris.
Stratégies de performance absolue : identifier la promesse de couple rendement-risque et les expositions implicites
Vaste et disparate, l’univers des stratégies à performance absolue - qui représente près de 530 milliards d’euros d’actifs en Europe - n’est pas toujours facile à appréhender pour les investisseurs. « Pour simplifier, il existe deux grandes catégories de stratégies de performance absolue : d’un côté les stratégies systématiques qui reposent sur une gestion quantitative, à fort degré de réplicabilité et à fort bêta [1], basées sur des back-tests, de l’autre, les stratégies discrétionnaires fondées sur une gestion active, de conviction, à faible degré de réplicabilité et visant la génération d’alpha [2]. Dans les deux cas, la recherche de valeur ajoutée liée à ce qu’on peut appeler des primes factorielles est présentée comme complémentaire à celle des primes de risque traditionnelles » détaille Hamid Louaheb, Responsable de la Gestion ALM France.
L’implémentation en portefeuille de telles stratégies nécessite quelques prérequis. Les investisseurs doivent non seulement s’assurer que celles-ci sont intégrables dans une allocation globale, que leur monitoring est adéquat et identique à celui des autres expositions, mais aussi prendre rigoureusement en compte leur coût en capital sous Solvabilité 2. « L’enjeu est avant tout de bien identifier la promesse du couple rendement-risque de chaque stratégie et d’intégrer les jeux de corrélation, visibles et implicites, avec les classes d’actifs traditionnelles en portefeuille » ajoute Hamid Louaheb.
Car les risques et expositions implicites ne sont pas à négliger. D’une part, l’approche historique peut s’avérer insuffisante pour appréhender les risques qui ne se sont pas encore produits, comme l’a illustré Nassim Taleb avec sa dinde de Thanksgiving dans son célèbre ouvrage « Le Cygne noir ». D’autre part, dans le cadre des stratégies systématiques notamment, les back tests peuvent être entachés par le biais du « survivant » qui les rend peu fiables pour l’avenir comme le montrent divers exemples.
« L’observation des corrélations historiques fait apparaître plusieurs relations entre les stratégies de performance absolue, comme par exemple une forte corrélation entre les stratégies systématiques ‘low volatility’ et les obligations souveraines, entre les stratégies systématiques ’low size’ et les obligations à risque de crédit, ou dans l’univers discrétionnaire l’identification d’une famille de stratégies plutôt exposées au risque actions et d’une autre plutôt exposée aux risques de taux. Pour autant, attention à ne pas confondre corrélation et causalité. Si les stratégies de performance absolue partagent une partie de leur risque avec les classes d’actifs traditionnelles, cela peut sembler décevant mais aussi rassurant (limite l’effet « dinde ») et n’empêche pas de pouvoir bénéficier d’une diversification du risque comme le montrent certains indicateurs. Cependant il n’existe aucune certitude quant à la réalisation des risques et primes de risque associés à ces stratégies dans le futur » affirme Emmanuel Paty, Responsable Ingénierie financière.
Il est aussi essentiel de considérer l’intégration des stratégies à performance absolue, du niveau stratégique au niveau tactique. Les investisseurs auront alors à bien définir en amont la valeur de leur stock d’actifs et la marge de solvabilité, leur objectif de rendement, la tolérance au risque et les niveaux de volatilité des différents univers d’investissement.
« Sur le plan de l’allocation stratégique, il s’agit de calibrer la proportion d’actifs traditionnels par rapport aux objectifs et représentation des engagements. Sur le plan tactique, il s’agit d’apparenter et de substituer les stratégies à performance absolue aux classes d’actifs classiques, sur des critères de volatilité, rendement espéré et corrélation. Les stratégies de performance absolue, discrétionnaires ou systématiques, doivent plutôt s’inscrire en substitution tactique » poursuit Hamid Louaheb.
In fine, le recours à des stratégies à performance absolue au sein de portefeuilles assurantiels a pour objectif d’optimiser l’allocation sur le plan du couple « rendement-risque » autant que de bénéficier d’arbitrages relatifs pertinents en fonction du stock d’actifs, du passif et de l’évolution des marchés financiers.