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L’Afrique devient-elle chinoise ?

Alors que tout le monde s’affaire à déterminer comment la réouverture de la deuxième économie mondiale va impacter les économies européennes et américaines, il y a un continent dont on parle (trop) peu et qui continue de succomber au Yuan : l’Afrique.

« La Chine a pris du retard à cause de sa politique du Covid-zéro », c’est une rengaine que vous avez évidemment entendue ces derniers mois. Pourtant, alors que tout le monde s’affaire à déterminer comment la réouverture de la deuxième économie mondiale va impacter les économies européennes et américaines, il y a un continent dont on parle (trop) peu et qui continue de succomber au Yuan : l’Afrique. Où en est-on exactement et quelles sont les conséquences économiques ? Synthèse et analyse.

a. Les faits

En 2022, la Chine était le premier fournisseur de biens pour plus de 30 nations du continent africain. Il y a 23 ans c’était seulement le cas pour 4 pays (le Soudan, la Gambie, le Bénin et Djibouti)

Le lien entre la Chine et l’Afrique s’est intensifié au cours des deux dernières décennies. Comme le rapporte le site Statista, la valeur des exportations chinoises vers les pays africains est passée de cinq milliards de dollars américains à 110 milliards. Mais il ne s’agit pas d’une voie à sens unique puisque les exportations africaines vers la Chine ont également augmenté, mais à un rythme plus lent.

En 2020, la valeur totale des exportations vers la Chine a atteint près de 62 milliards de dollars, un ralentissement causé par la pandémie de Covid-19. La demande chinoise croissante de matières premières a trouvé un fournisseur solide en Afrique, avec des exportations évaluées à environ 14 milliards de dollars en 2020. Bien au-delà d’une simple relation commerciale, la Chine est depuis plusieurs années le premier investisseur étranger en Afrique. De plus, le pays a été à l’origine de 25 % du financement des infrastructures sur le continent en 2018 - la deuxième part la plus élevée cette année-là et juste derrière les engagements financiers des gouvernements nationaux africains.

b. Des travaux pharaoniques

L’autoroute de Nairobi serpente à travers la métropole comme une rivière géante sur pilotis. Elle s’étend sur 27 kilomètres (17 miles) au cœur de la capitale kenyane et relie le plus important aéroport du pays d’Afrique de l’Ouest au quartier central des affaires de Nairobi, au musée national et au palais présidentiel. La construction sous l’égide de la Chine n’a duré que deux ans. Aujourd’hui, la route à péage contribue à désengorger les artères encombrées de la ville.

Ceci n’est qu’un exemple des travaux mis en place sous l’égide de la Chine et exécutés en un temps record. Entre 2000 et 2020, la Chine a aidé les pays africains à construire plus de 13 000 km de voies ferrées, près de 100 000 km d’autoroutes, environ 1 000 ponts, près de 100 ports et plus de 80 grandes centrales électriques.

La Chine a également contribué à la construction de plus de 130 installations médicales, 45 sites sportifs et plus de 170 écoles, a formé plus de 160 000 professionnels dans divers domaines et a créé plus de 4,5 millions d’emplois pour l’Afrique, selon l’ambassadeur chinois au Libéria.

Le déficit d’infrastructures existant constituant un frein à la croissance économique de l’Afrique, la coopération en matière de modernisation des infrastructures revêt une importance particulière pour le continent. La Banque africaine de développement estime que l’amélioration des infrastructures facilitera le commerce intérieur et international de l’Afrique, réduira les coûts des entreprises et renforcera sa compétitivité en tant qu’exportateur et destination d’investissement.

Dans un rapport de Deloitte cette fois-ci, en 2020 les entreprises chinoises étaient responsables de 31 % de tous les projets d’infrastructure en Afrique d’une valeur de 50 millions de dollars américains ou plus. c. Pourquoi la Chine investit-elle en Afrique ?

Il y a plusieurs réponses à cette question. Tout d’abord, l’une des raisons de cette situation pourrait bien être d’ordre financier, la Chine fournit beaucoup plus de fonds pour les partenariats public-privé dans le domaine des infrastructures que les institutions financières de développement (IFD) occidentales, sans parler des prêts considérables accordés par le pays aux infrastructures publiques.

En 2020, on estime que près de 15 % du financement total de tous les grands projets de construction dans la région provenaient de Chine. D’autres explications de la domination chinoise en matière de construction s’orientent vers la gouvernance, avec des accusations de paiements corrompus et de pressions diplomatiques.

Mais une bonne partie de l’explication du rôle de la Chine pourrait être que les entreprises de construction du pays sont tout simplement très compétitives.

La Chine a beaucoup construit ces derniers temps, ses entreprises ont toujours des coûts de main-d’œuvre nettement inférieurs à ceux des entreprises basées dans les pays à revenu élevé et bon nombre de ces entreprises de construction du monde riche ont connu une croissance de la productivité plutôt faible au cours des dernières décennies.

Les données sur les marchés publics de la Banque mondiale fournissent des preuves d’une explication au moins partiellement bénigne de la domination internationale des entreprises de construction chinoises.

Lorsque la Banque finance de gros contrats, elle applique un ensemble de règles qui favorisent la concurrence et la transparence. Ces règles sont loin d’être parfaites, mais elles semblent au moins quelque peu efficaces pour réduire le risque que les projets soient attribués aux entreprises les mieux connectées ou les plus disposées à verser des pots-de-vin.

d. La Chine nettement en avance sur l’Europe

Les entreprises d’État chinoises devancent de plus en plus leurs concurrents européens par la rapidité de leurs décisions et de l’exécution des contrats en Afrique. C’est ce qui ressort d’une étude publiée en juin par la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté, une organisation allemande qui défend les politiques libérales et libertaires.

Plus de 1’600 décideurs de 25 pays ont été interrogés, dont des cadres supérieurs, des employés d’ONG et des fonctionnaires.

Leurs réponses dressent le portrait d’une Europe qui cherche avant tout à exporter ses valeurs vers l’Afrique, tandis que les prêts, les pelleteuses et les ouvriers viennent de Chine.

Les Européens sont perçus par les décideurs comme ayant un avantage sur la plupart des indicateurs de performance, selon Stefan Schott, un responsable de projet pour l’Afrique de l’Est et le Global Partnership Hub de la Fondation Friedrich Naumann.

Les normes sociales, la création d’emplois pour la population locale, les normes environnementales et la qualité des produits se distinguent. Sur une liste de 17 critères, les entreprises chinoises ne se distinguent que sur quatre indicateurs : elles prennent des décisions plus rapidement, mettent en œuvre des projets plus vite, interfèrent moins dans les affaires internes et ont moins de scrupules à recourir à la corruption.

Le rapport affirme que les Européens dictent aux Africains ce dont ils ont besoin et sont prisonniers de leur propre système de valeurs, qui les retient. L’Europe met l’accent sur la gouvernance, tandis que les Chinois se concentrent sur le « hardware », l’infrastructure concrète à toucher.

Seuls 4% des investissements chinois vont vers l’Afrique, a indiqué l’économiste. Le reste va aux États-Unis, en Europe et dans d’autres régions.

Mais ces 4 % ont produit beaucoup dans les pays africains pauvres en un peu moins de 20 ans - tout en consolidant l’influence de la Chine en tant que partenaire commercial le plus important du continent.

e. La nouvelle route de la soie en ligne de mire…

Lancée en 2014, l’initiative "One Belt One Road", présentée au niveau international comme l’initiative "Belt and Road", est la vision emblématique de la Chine pour remodeler ses engagements mondiaux. D’une portée stratégique et globale, elle constitue une composante essentielle du double objectif du Parti communiste chinois (PCC) de réaliser le rajeunissement national et de restaurer la Chine en tant que grande puissance.

Il s’étend désormais sur trois continents et touche 60 % de la population mondiale. Les quelque 65 pays qui ont jusqu’à présent adhéré au programme (dont une vingtaine en Afrique) représentent 30 pour cent du PIB mondial et 75 pour cent de ses réserves énergétiques.

Une cinquantaine d’entreprises d’État chinoises mettent en œuvre 1 700 projets d’infrastructure dans le monde, pour un montant d’environ 900 milliards de dollars.

L’initiative "Une ceinture, une route" (OBOR) a été inscrite dans la constitution de l’État et du parti au pouvoir en tant que priorité stratégique permettant à la Chine d’atteindre le statut de grande puissance au milieu du XXIe siècle. La relance des routes commerciales le long de l’ancienne route de la soie reliant la Chine à l’Afrique de l’Est est présentée par les dirigeants chinois comme un symbole de l’engagement de la Chine envers l’Afrique. Selon le président chinois Xi, l’Afrique a tout à gagner de l’OBOR car "les infrastructures inadéquates constituent le principal obstacle au développement de l’Afrique", un point de vue partagé par de nombreux dirigeants africains.

f. Synthèse

Les investissements chinois en Afrique ne sont pas anodins, bien au contraire. Alors que l’Europe (et les États-Unis) tente de résoudre son problème énergétique (entre autres), la deuxième économie mondiale a pris une avance que personne ne pourra rattraper à l’avenir. Un élément qu’il ne faut surtout pas négliger lorsque l’on parle de croissance…

John Plassard Février 2023

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