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La « nouvelle norme » : un pétrole à trois chiffres

C’est une première : la moyenne glissante du cours du baril de brent brut sur cinq ans a récemment dépassé les 100 USD. Si les prix ne peuvent que rester élevés, c’est pour une raison toute simple : la géopolitique.

Des prix élevés du pétrole rappellent vite les mois difficiles de 2008, lorsqu’un baril de brut à près de 150 USD avait poussé les conducteurs estivaux à réévaluer la balance coût/bénéfice de leurs trajets. Mais l’un des bons côtés de la crise financière mondiale et du ralentissement économique, c’est qu’ils ont ramené les prix à un niveau inférieur à 50 USD le baril en novembre de la même année. Puis retour à la case départ : en juin, la moyenne glissante du cours du baril de brent brut sur cinq ans a pour la première fois dépassé les 100 USD. Pire encore, l’analyste en matières premières énergétiques du Credit Suisse, Jan Stuart, ne pense pas qu’il faille s’attendre à un sursis cette fois. Pour lui, le niveau actuel des prix fixe « une nouvelle norme ».

Comment en sommes-nous arrivés là si vite et pourquoi est-il peu probable que les prix redescendent ?

Du côté de la demande, c’est assez simple. L’économie mondiale comme la population mondiale continuent de se développer, et avec elles la demande en carburants fossiles. La demande mondiale de pétrole ne s’est contractée qu’à deux reprises au cours des deux dernières décennies : au plus fort de la crise financière mondiale en 2008 et 2009. D’après l’Agence internationale de l’énergie, qui a relevé ses prévisions en mars face au dynamisme de la reprise économique, la consommation mondiale devrait augmenter de 1,4 millions de barils par jour, soit 1,5%, pour atteindre un record de 92,7 milliards par jour en 2014. Mais l’offre ne tient pas le rythme de la demande.

Si la production américaine a considérablement augmenté grâce au forage de schiste, les Etats-Unis sont la seule grande nation hors OPEP à afficher des hausses de production notables. Globalement, d’après la Statistical Review of Energy de BP, la consommation de pétrole a progressé de 1,4 million de barils par jour l’an dernier, tandis que la production n’a augmenté que de 560’000 barils par jour.

La situation géopolitique, principale menace pesant sur l’offre

Comme c’est le cas depuis le début, la principale menace pesant sur l’offre en pétrole vient de la situation géopolitique. Les affrontements religieux croissants en Irak, par exemple, ont une fois de plus remis en question les 150 milliards de barils de réserves de pétroles avérées du deuxième plus grand producteur de l’OPEP, poussant par la même occasion le cours du brent vers le record de 115,19 USD le 19 juin. En 2009, les attentes étaient pourtant immenses : les nouveaux investissements des compagnies pétrolières étrangères allaient doubler la production de l’Irak à 5 millions de barils par jour d’ici 2013, avant de lui faire atteindre 8 millions d’ici 2019. Et cela allait représenter environ 60% de la hausse de production globale de l’OPEP d’ici à la fin de la décennie.

Pourtant, à la moitié ou presque de la décennie, la production est restée stable depuis 2009, à 2,5 millions de barils par jour. Les prix du brent sont retombés sous la barre des 110 USD, et les accès de violence actuels n’ont pas touché le sud du pays, producteur de pétrole.

Les sociétés comme ExxonMobil et BP ont toutefois commencé à évacuer leurs employés, et les investisseurs s’inquiètent à l’idée que la poursuite des violences puisse rendre chimériques des prévisions de production encore plus modestes.

Le conflit réduit la production

L’Irak n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. La vague révolutionnaire baptisée avec exubérance (et un peu prématurément) « Printemps arabe » a laissé des problèmes d’approvisionnement en pétrole presque partout dans son sillage. Les protestations qui ont commencé l’été dernier en Libye, pays qui détient les plus grandes réserves d’Afrique, ont réduit la production à 350’000 barils par jour environ, contre 1,4 million de barils produits par jour l’année dernière. Toutefois, le pays a récemment repris la production sur son champ d’El Sharara, ce qui, espère-t-on, devrait signifier le retour de 340’000 barils par jour après une grève de quatre mois. Au Soudan du Sud, les combats entre le président et son ancien vice-président ont fait baisser la production d’environ un tiers, autour de 160’000 barils par jour depuis décembre. Les conflits en Syrie et au Yémen ont également fait baisser la production. « L’instabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est si fondamentale qu’il faudra très longtemps pour que ces régions deviennent un endroit stable pour le secteur pétrolier », explique Jan Stuart. Pendant ce temps, la production a chuté de 3,5 millions de barils par jour au total d’après le Credit Suisse.

Retour à la « nouvelle norme »

Le mois dernier, le Credit Suisse a relevé ses prévisions de cours moyen du brent pour 2014 et 2015 à respectivement 110.64 et 102.50 USD, contre 107.03 et 97.50 USD auparavant. Et ces chiffres ne sortent pas de nulle part.

D’après les estimations du Credit Suisse, toute hausse du prix du pétrole de 10 USD réduit la croissance du revenu réel américain de 0,4%.

« Nous sommes préoccupés par les événements politiques au Moyen-Orient », admet James Sweeney, chef économiste de la banque d’investissement du Credit Suisse. « Un choc pétrolier notable pourrait vraiment perturber une bonne partie de nos perspectives cycliques. »

Jens Erik Gould Août 2014

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