Ceci devrait conduire à un renforcement des mesures de stimulation dans l’ensemble de la région afin d’aider la consommation domestique à compenser le déclin des exportations. On peut également s’attendre à des mesures visant à affaiblir les devises.
Globalement, les efforts accrus du Japon pour relancer son économie augmentent les pressions pesant sur les autorités des pays asiatiques émergents pour que ceux-ci suivent l’exemple japonais, ou du moins prennent des mesures visant à déprécier leur devise. Sachant que la plupart des pays asiatiques ont déjà une politique économique très souple, de nouvelles mesures pourraient facilement entraîner une hausse de l’inflation. Parallèlement, l’attente de mesures tirant les devises à la baisse a un important impact négatif sur les flux de capitaux en direction de la région. Alors que les taux d’intérêt sont déjà faibles et que les devises devraient plutôt se déprécier que s’apprécier, les investisseurs tant en obligations qu’en actions seront moins tentés d’investir en Asie émergente.
Jusqu’à présent, la sous-performance de l’Asie vis-à-vis du reste du monde émergent a été limitée, à savoir de 1% depuis début décembre. Toutefois, ceci s’est produit alors que les chiffres économiques de la Chine restaient solides. Sachant qu’en temps normal, la croissance chinoise est la principale force motrice des actions asiatiques, nous ne pouvons que conclure que le Japon a eu un impact négatif plus important sur la région que ce que la sous-performance limitée suggère.
Aussi longtemps que le yen continuera à se déprécier et que les spéculations à propos de mesures de relance plus agressives du Japon subsisteront, les attentes d’une faiblesse des devises asiatiques devraient maintenir les marchés d’actions de la région sous pression.
Pour l’instant, la dynamique de croissance de la Chine reste une force motrice, ce qui signifie probablement que l’Asie n’affichera pas une sous-performance marquée. Néanmoins, l’Asie représente 60% de l’indice des marchés émergents, tandis que la Corée et Taiwan, les marchés les plus sensibles à la faiblesse du yen, constituent ensemble 25% de l’indice mondial.
Doutes relatifs à la liquidité mondiale
Les développements au Japon expliquent une grande partie de la sous-performance des actions émergentes en janvier. Durant la même période, la nervosité relative au caractère durable de l’abondance des liquidités mondiales a toutefois également augmenté. Plus récemment, les craintes concernant un éventuel démantèlement des stimulants monétaires se sont encore renforcées. La reprise économique aux États-Unis, la hausse des taux obligataires américains et le dernier compte-rendu du FOMC suggérant un ton moins accommodant de la Fed ont affecté les attentes des marchés en matière de liquidité.
Dans les marchés émergents, les doutes liés à la persistance de l’abondance des liquidités mondiales ont augmenté aussi. Selon nous, le net repli du marché des actions turc – 14% ces quatre dernières semaines – indique que les investisseurs deviennent plus nerveux en ce qui concerne la croissance de la liquidité mondiale. Avec un déficit courant de 6% et des investissements directs étrangers limités, la Turquie est l’une des économies émergentes les plus tributaires des flux de capitaux spéculatifs (voir graphique ci-dessus). À plusieurs reprises au cours de la décennie écoulée, la Turquie a montré qu’en raison de ses importants besoins de financement externe, elle était très sensible aux fluctuations des attentes portant sur la liquidité mondiale.
Nous pensons que l’économie mondiale reste fragile. À ce stade, nous ne prévoyons pas de fin prématurée de l’assouplissement quantitatif aux États-Unis, en Europe et au Japon. Cela signifie que des opportunités devraient apparaître sur les marchés si les craintes en matière de liquidité s’intensifient. Parallèlement, il convient de suivre les données économiques de près.
Si la reprise américaine se confirme, les rendements obligataires pourraient augmenter davantage et les craintes d’un retrait prématuré des stimulants monétaires augmenteraient alors. Ceci est l’un des risques majeurs pour les marchés d’actions mondiaux, et en particulier pour les marchés émergents affichant les besoins de financement externe les plus élevés.
Nous suivons dès lors la Turquie de près, ainsi que l’Afrique du Sud, l’Inde et l’Indonésie.
Demande mondiale et chinoise favorable
Depuis l’été, l’économie chinoise se redresse clairement. Ceci est la principale raison de la surperformance des actions émergentes entre septembre et janvier. Nous devons admettre que nous sommes un peu déçus par l’impact limité des solides chiffres chinois sur les actions émergents ces derniers temps. En février, les actions chinoises ont même fait moins bien que les autres marchés émergents en raison des craintes accrues de resserrement dans le secteur immobilier.
Néanmoins, les nouvelles en provenance de Chine restent positives par solde. La croissance économique a atteint le niveau annualisé de près de 8% et devrait être soutenue au cours des prochains trimestres par la solide croissance du financement et l’évolution positive des prix immobiliers (voir graphique ci-dessous). La solide croissance du marché immobilier est importante pour toute l’économie et il est selon nous trop tôt pour redouter un resserrement de la politique.
Nos lecteurs réguliers savent que nous ne sommes pas positifs pour les perspectives de croissance à long terme de la Chine. Nous tablons sur un déclin à partir du troisième trimestre de 2013, pour revenir à un taux de l’ordre de 5% en 2016. Une contraction du marché du travail, un endettement élevé, un système financier de plus en plus vulnérable et un ralentissement de la croissance du commerce mondial nous incitent à prévoir une décélération significative de la croissance chinoise au cours des prochaines années. Jusqu’à l’été au moins, la croissance devrait cependant rester élevée.
Sachant que la Chine est la locomotive de la croissance des marchés émergents, une solide croissance chinoise au cours des prochains trimestres devrait être considérée comme positive pour les actions émergentes. Les indicateurs de croissance mondiaux continuent également à suggérer une poursuite de la reprise. Les indicateurs avancés, les indices PMI et nos indicateurs cycliques internes émettent tous des signaux positifs. Ceci, combiné aux chiffres chinois positifs, nous incite à penser que le contexte cyclique est toujours favorable pour les actions émergentes.
Conclusion
L’amélioration de la croissance mondiale, la solide croissance chinoise et les conditions financières souples dans le monde émergent sont pour l’instant les principaux facteurs de soutien des actions émergentes.
Nous distinguons parallèlement trois éléments négatifs : premièrement, les pressions sur la compétitivité des marchés émergents asiatiques en raison de la dépréciation du yen et des pressions sur les devises asiatiques qui en résultent ; deuxièmement, la détérioration de la dynamique de croissance relative des marchés émergents vis-à-vis des marchés développés, tant sur le plan macroéconomique qu’au niveau des sociétés ; et troisièmement, les doutes croissants quant à la croissance de la liquidité mondiale, lesquels sont susceptibles d’avoir un impact important sur les flux de capitaux vers les marchés émergents en raison de la dépendance accrue des économies émergentes vis-à-vis des flux de capitaux spéculatifs.
À ce stade, nous pensons que les facteurs négatifs et positifs sont équilibrés à court et à moyen terme. À long terme, nous restons négatifs en raison du ralentissement chinois et de l’augmentation des déséquilibres macroéconomiques dans l’ensemble du monde émergent.