Interrogez un gérant de fonds sur l’indice de référence qu’il utilise, sa réponse sera toute faite. Les gérants actions américains se plairont à citer pour référence le S&P 500. Pour leurs homologues européens, le principal indicateur du marché sera probablement l’Eurostoxx 50. Même les gérants obligataires n’ont que l’embarras du choix, quelle que soit leur localisation. Pour les gérants de fonds diversifiés et/ou les investisseurs tels que les fonds de pension, par contre, la réponse est plus délicate, car ceux-ci adoptent une exposition stratégique à l’ensemble des marchés financiers, plutôt qu’à une classe d’actifs en particulier. En l’absence d’indices couvrant plusieurs classes d’actifs, des choix d’indice de référence arbitraires viennent souvent brouiller la lisibilité des performances générées par ce type de stratégies.
Un rapide coup œil aux indices de référence utilisés par ces investisseurs révèle un penchant notoire pour le mix d’allocation 50/50 ou 60/40 entre actions et obligations, héritage de la fin du 20e siècle, lorsque les marchés affichaient une répartition d’actifs quelque peu similaire. L’évolution des marchés financiers au cours des dix dernières années a rendu ces choix d’indices quelque peu obsolètes par rapport à la composition réelle des marchés. Des techniques d’indexation multidisciplinaires, qui tiennent compte d’indices d’actions et d’obligations encore inédits, devraient permettre de comparer les stratégies à des indices de manière beaucoup plus précise.
Des techniques d'indexation multidisciplinaires, qui tiennent compte d'indices d'actions et d'obligations encore inédits, devraient permettre de comparer les stratégies à des indices de manière beaucoup plus précise.Thierry Roncalli, Responsable de la Recherche et Développement, Lyxor Asset Management
Le portefeuille de marché
Les gérants de fonds diversifiés et les investisseurs se montrent moins à l’aise lorsqu’il est question du portefeuille de marché. Même dans le cadre de la théorie de l’indexation par la capitalisation boursière, qui veut que le portefeuille de marché se compose d’un mix d’actifs basé sur la capitalisation boursière des actions et obligations, la performance des gérants de fonds diversifiés est le plus souvent comparée à celle d’un portefeuille à mix constant. Ils calquent donc leurs allocations sur ce mix constant au sein de l’indice, un pari qui peut se révéler actif par rapport au marché. Il est aisé de blâmer l’absence d’indices multi-classes pour expliquer cette apparente négligence. Cependant, compte tenu de la pléthore de données sur les marchés actions et obligataires qui permettraient de construire des indices multi-classes affinés, les professionnels de la gestion d’actifs n’ont aujourd’hui plus d’excuse pour perpétuer ce type d’habitudes.
Des changements brusques
L’examen du portefeuille de marché actions/obligations, qui représente pratiquement la totalité des performances des investisseurs misant sur le long terme, révèle que celui-ci a connu de nombreux bouleversements au cours des dix dernières années. C’est notamment le cas sur la plupart des marchés régionaux, où les implications en termes d’évaluation des performances sont directes.
A titre d’exemple, la pondération du marché actions par rapport à la totalité de la capitalisation boursière des obligations souveraines et des actions aux Etats-Unis atteignait 89% en septembre 2000, alors qu’elle était de 55% en décembre 1987. Les différences entre pays sont également très marquées. Au cours des années 1990, la pondération des actions a augmenté aux Etats-Unis, alors qu’elle diminuait au Japon. Les différences de répartition sont également très marquées entre l’Allemagne et la France d’un côté, et les Etats-Unis et le Royaume-Uni de l’autre. En mars 2012, la pondération des actions se montait à 68% pour les Etats-Unis, 32% pour le Japon, 51% pour l’Allemagne, 54% pour la France et 66% pour le Royaume-Uni. Si l’on tient compte des obligations de qualité investment grade, le split est de 50/50 aux Etats-Unis, contre 35/65 dans la zone euro. Début des années 2000, ces chiffres étaient respectivement de 70/30 et 65/35.
De tels résultats prouvent qu’il est impossible de caractériser le portefeuille de marché à l’aide de pondérations fixes comme l’ont longtemps fait les gérants diversifiés et les fonds de pension. En effet, en restant fidèle à son allocation 50/50 ou 40/60, le gérant qui croit détenir une exposition neutre vis-à-vis du marché adopte en réalité un point de vue pessimiste ou optimiste vis-à-vis du marché, en fonction de la répartition réelle des actifs du marché. Cela signifie également que l’alpha que certains gérants diversifiés prétendent avoir généré peut très bien n’être rien d’autre que du pur bêta.
De plus, les indices multi-classes permettront de mieux évaluer les performances et les paris des investisseurs à long terme tels que les fonds de pension et les fonds patrimoniaux souverains. Par exemple, pour un fonds de pension, une politique de combinaison d'actifs à 60/40 pouvait sembler timide vis-à-vis des actions en 1999, alors qu'elle est aujourd'hui plutôt audacieuse.Thierry Roncalli, Responsable de la Recherche et Développement, Lyxor Asset Management
Une meilleure compréhension des performances
Compte tenu de la multitude de données disponibles aujourd’hui, l’application d’indices de référence plus réalistes dans le cadre des fonds diversifiés et des allocations d’actifs en général pourrait avoir d’énormes conséquences en termes d’analyse des performances.
L’analyse des performances d’une stratégie d’allocation basée sur la parité des risques entre actions et obligations dans des économies développées, par l’utilisation de différents benchmarks, représente un cas d’espèce. Au cours de la période allant de 1999 à 2011, mesurés à l’aune du portefeuille 60/40, l’alpha annualisé et la volatilité de la tracking error de cette stratégie de parité des risques se montent à 72 pb et 7,80%, avec un ratio d’information de 9,2%. A l’aune d’un portefeuille 30/70, plus représentatif du portefeuille traditionnel des grands investisseurs institutionnels dans la zone euro, ledit ratio d’information est de 5,4%. Dès lors, il est clair qu’une allocation à parts égales se traduira également par un ratio d’information différent. Afin d’éviter ces décisions arbitraires en matière d’indices de référence, le choix le plus rationnel consiste à utiliser le portefeuille de marché. En l’occurrence, le ratio d’information correspond à 17,75%, ce qui souligne la valeur générée par cette stratégie de parité des risques.
L'heure est venue pour les fournisseurs d'indices de proposer des indices similaires, qui représentent le portefeuille de marché actions/obligations, même si cette entreprise risque de présenter des difficultés compte tenu du déséquilibre relatif entre fournisseurs d'indices actions et obligations.Thierry Roncalli, Responsable de la Recherche et Développement, Lyxor Asset Management
De plus, les indices multi-classes permettront de mieux évaluer les performances et les paris des investisseurs à long terme tels que les fonds de pension et les fonds patrimoniaux souverains. Par exemple, pour un fonds de pension, une politique de combinaison d’actifs à 60/40 pouvait sembler timide vis-à-vis des actions en 1999, alors qu’elle est aujourd’hui plutôt audacieuse.
De nos jours, il est impensable de gérer un portefeuille actions ou obligations sans référence à un indice basé sur une classe d’actifs. L’heure est venue pour les fournisseurs d’indices de proposer des indices similaires, qui représentent le portefeuille de marché actions/obligations, même si cette entreprise risque de présenter des difficultés compte tenu du déséquilibre relatif entre fournisseurs d’indices actions et obligations.