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Christophe Aubin : « Le Fonds de garantie des victimes participe activement à la lutte contre le changement climatique »

Selon Christophe Aubin, directeur Financier du Fonds de Garantie des Victimes, l’objectif des allocations stratégiques des portefeuilles est d’obtenir à long terme un rendement sensiblement supérieur à l’inflation sous contrainte d’une perte limitée à horizon 3 ans...

Next-Finance : Pouvez-vous nous présenter votre structure ? Quel est le montant actuel de vos encours et quelle est votre allocation d’actifs actuelle ?

Christophe Aubin : Le Fonds de Garantie des Victimes est le service public d’indemnisation des personnes victimes d’actes de terrorisme, d’infractions de droit commun et d’accidents de la circulation causés par des conducteurs en défaut d’assurance. Ses 350 collaborateurs sont mobilisés aux côtés des victimes, au nom de la solidarité nationale, afin de les aider à faire valoir leur droit à la réparation des atteintes à leur personne.

L’équipe d’investissement du Fonds de Garantie des Victimes est composée de 10 collaborateurs, qui gèrent trois portefeuilles de placements : deux portefeuilles pour le FGAO (« Fonds de Garanties des Assurances Obligatoires de dommages ») et un portefeuille pour le FGTI (« Fonds de Garantie des Victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions »). Le FGAO et le FGTI sont soumis au code de la commande publique mais ne sont pas soumis à Solvabilité 2. Ils appliquent les règles de la comptabilité assurance et des limites de poids par classe d’actifs sont inscrites dans le code des assurances pour les deux Fonds.

L’ensemble de l’actif du Fonds de Garantie des Victimes représente environ 5,6 milliards d’euros au 28 février 2023, dont 24,3 % en actions, 15,0 % en immobilier, 2,4 % en Private Equity, 1,1% en infrastructures, 2,4 % en dettes et 54,8 % en obligations. Les investissements en actions et en obligations sont diversifiés géographiquement.

L’objectif des allocations stratégiques des trois portefeuilles est d’obtenir à long terme un rendement sensiblement supérieur à l’inflation sous contrainte d’une perte limitée à horizon 3 ans.

Comment a évolué votre allocation depuis la Guerre en Ukraine et avec le choc inflationniste qu’a subi l’économie mondiale ?

Les premières poussées inflationnistes sont apparues antérieurement à la guerre en Ukraine mais celle-ci a fait craindre, en plus, des coupures dans les approvisionnements en énergies pendant l’hiver. Cela nous a incité à être un peu sous-pondéré en actions à la fin de l’année 2022 et à investir un peu plus sur des obligations de maturités courtes que notre allocation stratégique en obligations.

Plusieurs investisseurs institutionnels placent leurs portefeuilles sur la défensive vu la hausse vigoureuse des marchés depuis le dernier trimestre 2022, l’inflation persistante et les perspectives de hausse des taux supplémentaires des banques centrales. Est-ce également votre cas ? Utilisez-vous des stratégies de couverture spécifiques ?

Nos investissements ont commencé l’année légèrement sous-pondéré en actions (par rapport à leur allocation stratégique) et mais restent neutre en ce qui concerne le poids des actions de grandes capitalisations européennes. Nous n’avons procédé à des allègements en actions que tout récemment sur ce segment, au vu des niveaux de valorisation des actions.

En ce qui concerne le marché obligataire en euros, nous sommes encore positionnés en duration un peu plus courte que notre allocation stratégique. En effet, la progression de l’inflation sous-jacente (qui s’est encore confirmée en mars) pourrait conduire à une politique plus restrictive sur les taux que ce que nous avons observé.
Nous n’avons pas actuellement de couvertures spécifiques, c’est pourquoi nous procédons à des allègements plutôt qu’à des achats d’instruments de couverture à terme.

Nous n’avons pas actuellement de couvertures spécifiques, c’est pourquoi nous procédons à des allègements plutôt qu’à des achats d’instruments de couverture à terme.
Christophe Aubin, Directeur Financier du Fonds de Garantie des Victimes

Le secteur de l’armement, jusqu’alors délaissé, a retrouvé la faveur des investisseurs. Certaines sociétés d’armement souhaitent même être intégrés dans les portefeuilles ESG, alors qu’elles sont jusqu’ici plutôt exclues de ce type de fonds…Avez-vous un avis sur le sujet ?

Le Fonds de garantie des victimes n’exclue pas l’ensemble du secteur de l’armement. En effet, il reconnaît le droit aux Etats de se défendre lors de conflits symétriques ou asymétriques (ex : attaques terroristes). Le financement et le soutien à une industrie de la défense ainsi que la recherche et le développement d’armements nouveaux ne sont donc pas, en soi, interdits par le Fonds.

Le Fonds de garantie des victimes a mis en place une politique d’exclusion ciblée sur les armements controversés, c’est-à-dire les armements qui peuvent indistinctement viser les objectifs militaires et les populations civiles lors de conflits ou après les conflits (ex : mines encore actives) ou qui infligent des dégâts humains démesurés par rapport à l’atteinte des objectifs militaires.

Ainsi, le Fonds de Garantie des Victimes exclue les mines anti-personnel, les bombes à sous-munition, les armes biologiques, chimiques, incendiaires, les fragments non détectables, les vecteurs utilisant de l’uranium appauvri, les lasers aveuglants et le phosphore blanc.

Le Fonds de Garantie des Victimes exclue les mines anti-personnel, les bombes à sous-munition, les armes biologiques, chimiques, incendiaires, les fragments non détectables, les vecteurs utilisant de l’uranium appauvri, les lasers aveuglants et le phosphore blanc.
Christophe Aubin, Directeur Financier du Fonds de Garantie des Victimes

Cherchez vous à réduire l’empreinte carbone de vos portefeuilles ? Concrètement, quels engagements avez-vous pris en matière de transition énergétique ? Quelles méthodes utilisez-vous pour mesurer cette empreinte carbone au sein de vos portefeuilles ?

Le Fonds de garantie des victimes participe activement à la lutte contre le changement climatique à travers 4 axes :

1- L’exclusion des énergies les plus polluantes : le charbon, les sables et schistes bitumineux
Le charbon, est l’énergie primaire fossile la plus émissive en gaz à effet de serre. Ainsi, les sociétés qui tirent au moins de 10% de leur chiffre d’affaires de l’exploitation du charbon ou au moins de 10% de leur chiffre d’affaires de la production d’électricité à partir du charbon thermique sont exclues. Sont également exclus les émetteurs pour lesquels le total de ces deux lignes d’activité est supérieur à 10% de leur chiffre d’affaires. Les entreprises générant plus de 10% de leur chiffre d’affaires de l’extraction de sables ou schistes bitumineux (ou de services liés à cette activité) sont également exclues.

2- Le suivi d’indicateurs sur le climat :

  • Le Fonds de garantie des victimes a pour objectif d’avoir des portefeuilles dont l’empreinte carbone est inférieure à celle de ses indices de référence et favorise les entreprises ayant une stratégie climat allant dans le sens de l’accord de Paris.
  • Le Fonds de garantie des Victimes suit également la stratégie de « décarbonation » des entreprises détenues dans ses portefeuilles.

3- Le financement de la transition énergétique à travers l’investissement dans des infrastructures d’énergies renouvelables.

4- La réduction des émissions de gaz à effet de serre de son parc immobilier avec un objectif de 50% du parc en Classe DPE (Diagnostic Performance Energétique) noté de A à C en 2034 et 0 % noté E et inférieure en 2030 pour les immeubles résidentiels. Pour les immeubles de bureaux Le Fonds de garantie des Victimes cherche à augmenter le poids des certifications HQE de niveau très bon au minium (ou équivalent dans une autre norme) avec des indicateurs portant sur la consommation d’énergie en amélioration.

Le Fonds de Garantie des Victimes utilise des calculs d’intensités carbone en tonnes Equivalent CO2 par millions d’euros de chiffre d’affaires et par million d’euros investis. L’objectif du Fonds de garantie des victimes est d’abord d’améliorer sa méthode de mesure de cette intensité carbone en intégrant en 2023 les émissions du scope 3. A partir de là il sera envisagé une réduction de son empreinte carbone à moyen-long terme et à méthodologie donnée.

Avez-vous à terme un objectif d’une allocation 100% ESG ?

L’objectif est d’appliquer notre stratégie ESG sur nos actifs dès que cela est possible. Cela signifie à terme sur la quasi-totalité de nos actifs.

Déléguez-vous la gestion de votre portefeuille à des sociétés de gestion ? Avez-vous des objectifs de rentabilité sur votre portefeuille ? Quelle a été sa performance en 2022 ?

La gestion des titres est déléguée à des sociétés de gestion, sélectionnées par appel d’offre public pour les fonds dédiés ou faisant l’objet de « Due Diligences » pour les fonds collectifs. Le département investissement du Fonds de Garantie des Victimes gère le choix des gérants, les décisions tactiques sur les classes d’actifs et gère en direct des SCI (Sociétés Civiles Immobilières) qui portent les investissements immobiliers en direct.

La performance des portefeuilles a été en moyenne de -8,5 % en 2022. L’année a été marquée par un effet ciseaux assez rare : une forte baisse des marchés actions (-20 % pour les actions monde en euro), concomitante à une très forte hausse des taux conduisant à une très forte baisse de la valeur des obligations. N’ayant pas procédé à des ventes d’actifs particulières, dans ce contexte de stress, le Fonds de Garantie des Victimes n’a heureusement pas enregistré de moins-values réalisées sensibles. Il reste néanmoins prudent sur la situation économique et financière. En effet, un certain nombre de déséquilibres n’ont pas encore été purgés.

Le département investissement du Fonds de Garantie des Victimes gère le choix des gérants, les décisions tactiques sur les classes d’actifs et gère en direct des SCI (Sociétés Civiles Immobilières) qui portent les investissements immobiliers en direct.
Christophe Aubin, Directeur Financier du Fonds de Garantie des Victimes

Quels seront vos sujets de prédilection dans les mois à venir ? Sur quelles classes d’actifs comptez-vous vous positionner ?

L’inflation restera le sujet principal dans les mois à venir. Les taux réels sont toujours négatifs en zone euro. Les taux réels sont plus forts aux Etats-Unis, mais encore faibles. Les actions semblent bien valorisées. Le marché de l’immobilier souffre de la hausse des taux. Cela nous conduit naturellement à une certaine prudence. Par ailleurs, nous devrions lancer fin 2023 un appel d’offre sur les dettes des pays émergents.

RF Mai 2023

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