Jean-Francis Dusch, responsable de la plateforme de dette privée d’infrastructure BRIDGE (Benjamin de Rothschild Infrastructure Debt Generation) et directeur général du groupe Edmond de Rothschild AM UK, entend prendre en compte les facteurs ESG dans la gestion des stratégies d’investissement.
1. Next-Finance : Pouvez-vous nous présenter votre plateforme de dette privée d’infrastructure, dénommée Bridge ? Quel est le montant actuel de vos encours et quels sont vos investisseurs ?
Jean-Francis Dusch : La plateforme d’investissement en dette d’infrastructure d’Edmond de Rothschild BRIDGE, (Benjamin de Rothschild Infrastructure Debt Generation), gère aujourd’hui près 6,5 milliards d’euros, principalement pour des institutionnels européens, ainsi qu’une part croissante d’investisseurs asiatiques et privés, 10 ans après son lancement en 2014. Nous sommes le quatrième acteur européen en termes de levée de fonds de dette d’infrastructure et le premier acteur indépendant, selon le dernier classement d’Infrastructure investor. L’équipe de dette d’infrastructure de BRIDGE est composée de 14 professionnels expérimentés, de 8 nationalités différentes, venant de secteurs variés. Notre mission est d’offrir aux investisseurs un rendement stable et prévisible à long terme, provenant de placements en dette sélectionnés dans des secteurs en développement et à croissance rapide. Dès la genèse de BRIDGE, nous nous sommes engagés dans la transition énergétique tous secteurs, la mise en place d’une stratégie évolutive couvrant trois types d’instruments de dette pour assurer la pérennité de la structure capitalistique des projets que nous finançons ; et nous agissons comme arrangeur de dette d’infrastructure.
2. Quels secteurs d’infrastructure couvrez-vous ?
Chez BRIDGE, nous sommes donc totalement engagés dans la transition énergétique, à travers tous les secteurs, car les besoins de financement sont immenses. En Europe, qui a fait le pari de la transition énergétique, ils doivent atteindre 700 à 1 000 milliards d’euros par an si l’on entend satisfaire les objectifs par exemple de l’initiative EU for 55 qui vise à réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici 2030, qui est demain.
Au cours des dernières années, nous avons financé avec succès des projets dans le secteur de l’énergie à travers l’Europe : des projets traditionnels : éolien, solaire et biomasse, mais également pionniers : biogaz, récupération d’énergie carbonée (méthane), liquéfaction de biogaz, centrale de stockage par batteries, hydroélectricité ou flexibilité du réseau. Notre premier investissement d’un financement de projet de centrale d’hydrogène est imminent.
Les infrastructures de transport et leur verdissement connaissent également une phase de transformation majeure. Le Réseau Transeuropéen, pilier de la construction et de l’interconnexion des infrastructures européennes des dernières décennies et inscrit dans le plan d’investissement Juncker pour l’Europe, inclut des initiatives prioritaires de mise en œuvre et l’exploitation de stations de recharge pour véhicules électriques. Les investissements en capitaux et en dette privée sont dirigés vers le financement de ces projets. Les collectivités locales verdissent des flottes de transport du personnel soignant ou d’étudiants. Les navires de maintenance de centrales éoliennes off-shore s’électrifient par exemple.
Les infrastructures sociales avec efficiences énergétiques sont également centrales dans la transition énergétique, avec le développement de « bâtiments durables » capables de rendre compte d’indicateurs clairs d’efficacité énergétique dans des secteurs tels que la santé ou l’éducation.
Les services publics entreprennent également leur transition au travers de leur décarbonations, modernisant les installations, réduisant les émissions de CO2 et sortent progressivement mais sûrement – et dans des délais ambitieux – des matières premières fossiles.
Enfin les infrastructures numériques et sociales (efficacité énergétique) font également partie intégrante de la transformation de comportements de la société contribuant à la réduction de l’emprunte carbone et offrent un large univers d’investissement.
3. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de transactions ?
Parmi nos transactions emblématiques, nous avons le projet Deux Acren, un financement senior d’un montant de 30,5 millions d’euros pour un système de stockage d’énergie par batterie : il s’agit aujourd’hui de la plus grande unité de stockage en Europe continentale. Je peux également prendre l’exemple de l’opération Ares, où nous soutenons la croissance de La Française de L’Energie, permettant l’extraction de méthane abandonné dans des mines de charbon.
4. Quelle est votre allocation d’actifs actuelle ?
Avec plus de 6 milliards d’euros de capital déployé au travers de plus de 145 investissements dans 21 pays européens, notre allocation d’actifs se construit autour des cinq secteurs susmentionnés (Energie, Social, Numérique, Transport, Services Publics/ Economie Circulaire) avec une allocation globalement relativement équitable entre les secteurs. Nos fonds sont depuis mars 2021, SFDR article 8 au minimum.
5. Quid de la prise en compte des facteurs ESG dans la gestion de vos stratégies d’investissement ? Et en matière d’impact ?
La prise en compte des facteurs ESG dans la gestion des stratégies d’investissement est essentielle pour notre plateforme BRIDGE. Nous avons été pionniers, en intégrant ces aspects dès la genèse de BRIDGE dans la sélection, la structuration, le suivi et le reporting de tous les investissements de notre plateforme. Nous nous engageons à évaluer et à suivre l’impact climatique de chaque actif, en respectant les critères de sélection qui garantissent une contribution positive tout en évitant les nuisances significatives (DNSH). Nous avons mis en place un suivi de l’empreinte CO2 pour chaque actif et nous analysons l’impact des investissements en lien avec l’Accord de Paris.
Nous avons également 36 critères ESG que nous suivons pour chaque investissement, ainsi qu’une surveillance indépendante des risques. De plus, nous sommes signataires des Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations Unies et nous avons activé cinq Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU, garantissant que minimum 75% de nos actifs soutiennent des initiatives liées à ces objectifs, tels que la santé, le travail décent, l’innovation, des villes durables, et la lutte contre le changement climatique.
Grâce à cette réflexion et aux efforts que nous avons conduit dans ce sens, nous avons été nommés meilleurs managers ESG de dette d’infrastructure deux années consécutives lors des IJGlobal ESG Awards (2022 et 2023).
6. Pouvez-vous nous présenter vos trois stratégies d’investissement, notamment en termes de rendement, de risque et de durée ?
BRIDGE propose trois stratégies distinctes ayant le même univers d’investissement :
- Bridge 2023 Senior, dette senior équivalente à du BBB, qui vise un rendement de 5,25 à 6.5% par an brut.
- Bridge 2023 Yield Plus, dette subordonnée (au niveau de l’actif ou holdco) qui vise un rendement de 8 à 9% par an brut.
- Bridge 2024 Yield Plus Growth, produit hybride et plus court supportant la croissance d’entreprises (et leur projets) de taille moyenne, qui vise un rendement de 11 à 12% par an brut.
7. Quels seront vos sujets de prédilection dans les mois à venir ?
Continuer à être pionnier dans le support à la mise en place d’infrastructures européennes inscrite dans la transition énergétique globale. Développer notre couverture géographique au-delà de l’Europe qui a été motrice dans le financement d’infrastructures modernes et avec impact.