Après avoir sous-traité certaines fonctions telles que leurs back-offices et leurs services informatiques ou comptables, les banques d’investissement commencent désormais à délocaliser une partie de leurs équipes d’analyse financière et de recherche au sein de filiales dédiées ou vers des sociétés (souvent indiennes) où un groupe d’analystes est alloué spécifiquement à leurs besoins. Deux raisons principales sous-tendent cette évolution : d’une part une économie de coûts, et ensuite la volonté des banques de réserver leurs ressources les plus chères aux fonctions ayant le plus de valeur ajoutée, en les délestant des tâches les plus répétitives.
D’après un récent article du Financial News, les grandes banques et sociétés d’investissement font levier sur un vivier d’environ 5 000 analystes basés dans les pays émergents, Inde en tête. Ces équipes sont payées entre $10 000 et $25 000 par an, bien loin des $250 000 de coût annuel pour un analyste basé à Londres ou à New-York. Alors que par le passé, ces sociétés spécialisées restaient dans l’ombre de leurs clients, leur taille leur permet aujourd’hui de revendiquer une certaine forme de reconnaissance de leur travail : la société Copal Partners (1 200 employés) ayant des bureaux à Dehli, Pékin ou Buenos Aires a récemment signé un accord avec la Société Générale Private Bank, au terme duquel Copal produira des rapports de recherche portant la double marque de Copal et de SG Private bank.
La société Copal Partners (1 200 employés) ayant des bureaux à Dehli, Pékin ou Buenos Aires a récemment signé un accord avec la Société Générale Private Bank, au terme duquel Copal produira des rapports de recherche portant la double marque de Copal et de SG Private bank.Edmond Sassine et Pierrick Morier
Certains fonds d’investissements vont maintenant plus loin : Ainsi ceux agissant sur les marchés émergents délocalisent désormais certaines fonctions telles que l’intermédiation auprès des contreparties locales. Le réseau et une compréhension fine du contexte politico-économique local nécessite en effet que ce travail soit effectué là où les fonds seront investis plutôt que là où ils sont gérés. Le plus intéressant dans ce schéma étant que dans leur vaste majorité, ces fonctions sont sous-traitées à des sociétés locales sur la base d’une rémunération entièrement variable, c’est à dire sur la base d’un modèle « 100% success fees ».
Les crises financières de 2008 et 2011 qui ont conduit à des réductions d’effectif significatives dans les grandes banques internationales, y ont engendré à une baisse significative des ressources disponibles. Crise ou pas, le travail doit être fait, mais à un coût réduit ce qui a renforcé cette tendance de délocalisation.
De plus en plus de solo Investment Bankers cherchent à obtenir des mandats qui étaient par le passé pris en charge par des banques contre une rémunération fixe standard, en les transformant en mandats 100% success fee. Allant de la rédaction d’un Info Memo au développement d’un business plan, ces mandats peuvent prendre toutes sortes de formes.Edmond Sassine et Pierrick Morier
Néanmoins, pour plus économiques et efficaces qu’ils soient, ces centres délocalisés ne permettent toujours pas de réduire les coûts de ces fonctions à zéro. Cela explique pourquoi de plus en plus de « solo Investment Bankers » cherchent à obtenir des mandats qui étaient par le passé pris en charge par des banques contre une rémunération fixe standard, en les transformant en mandats « 100% success fee ». Allant de la rédaction d’un Info Memo au développement d’un business plan, ces mandats peuvent prendre toutes sortes de formes. Des sites spécialisés d’intermédiations en ligne sont ainsi apparus, dans lesquels chaque analyste postulant soumissionne pour prendre en charge un mandat au travers d’enchères transparentes, donnant ainsi au client l’assurance d’un prix compétitif.
L’intérêt pour de tels services émane principalement de PME d’un côté et d’anciens banquiers qui de l’autre ont la volonté de tirer avantage de leur « temps libre ». Alors qu’un service à bas coût signifie souvent une perte de qualité, le travail produit se révèle en général d’excellente facture car la réputation personnelle de l’auteur est alors en jeu. La seule chose qui diffère étant l’absence du tampon de la banque en première page, ce qui constituait souvent 90% du prix payé par les clients.
Dans un secteur économique où les heures de travail ne se comptent pas, où les bonus s’évaporent et où la précarité est devenue la norme, de nombreux banquiers ressentent de façon de plus en plus pressante le besoin et la motivation de travailler à leur compte, de rééquilibrer leur vie privées et professionnelles et d’accéder ainsi à un retour sur risque plus avantageux pour eux.