Jamais confier la gestion de son patrimoine financier à un professionnel n’a été un choix aussi complexe. Les investisseurs privés sont sollicités par une myriade de gérants, de banquiers et de conseillers divers justifiant leur valeur ajoutée par des argumentations et une posture souvent semblables, dans le fonds comme dans la forme. Mais cette homogénéité des offres de gestion est trompeuse. Dans leur organisation du service, leur modèle économique, la typologie de leurs gammes de produits, voire la conception de leur métier, les offres en présence divergent sur de nombreux points. Le choix est donc lourd de conséquences pour qui recherche un service réellement adapté à sa problématique patrimoniale à long terme.
Que choisir, donc ? Brossons un tableau imparfait. Le paysage est schématiquement polarisé entre deux extrêmes autour desquels gravite l’ensemble de la profession. D’un côté, les grands réseaux justifient leur valeur ajoutée par une infrastructure éprouvée et une taille de bilan solide, gages de solidité et de pérennité, et par une profondeur de gamme en mesure de répondre à toutes les configurations de marché et à toutes les problématiques patrimoniales, jusqu’au crédit. Mais cette approche essentiellement produits s’accompagne souvent d’un biais commercial. Au lieu de considérer chaque client comme un fonds de commerce à long terme, comme un interlocuteur à conseiller au mieux pour garantir sa fidélité, les gérants sont surtout incités à maximiser la rentabilité à court terme de leur portefeuille de clients. Insuffisamment responsabilisés du fait de la stricte obéissance à des mots d’ordres venus d’en haut, plus incités à vendre qu’à conseiller, les gérants relayent ainsi sans se l’approprier la parole maison pour justifier la commercialisation de quelques produits phares.
A l’opposé, les petites sociétés de gestion privées, voire les conseillers indépendants cherchent à dispenser avant tout une prestation intellectuelle et tendent vers le conseil pur. Même si la très forte centralisation de certaines boutiques sur la figure charismatique d’un dirigeant fondateur peut brider la créativité des gérants, contrarier leur esprit critique, ces derniers sont libérés de la contrainte de vendre un produit maison, de surpondérer telle ou telle classe d’actifs manifestement contraire à leur conviction. Mieux, ils peuvent piloter le patrimoine financier de leurs clients privés en en assumant la pleine responsabilité. La prise de décision restant locale, non intermédiée, ils ne peuvent pas se cacher derrière l’avis de stratégistes ou de comités d’investissement anonymes pour justifier leurs erreurs. De la qualité de leur conseil dépendant la sauvegarde de leur fonds de commerce personnel, la convergence des intérêts entre gérants et investisseurs est -a priori- optimisée. Reste que la solitude des gérants peut affecter le conseil prodigué en imposant des biais moutonniers ou trop conservateurs.
Chacun de ces modèles à ses mérites, mais bute sur des écueils structurels. Logique de produits contre approche services, déresponsabilisation de gérants transformés en experts de la relation client contre solitude de conseillers, biais commercial contre biais moutonnier... Ces deux modèles semblent plus que jamais opposés. La conciliation du meilleur des deux mondes est-elle seulement possible ? C’est souhaitable, indispensable même. Il en va de l’intérêt de l’investisseur privé et donc, de sa fidélité. Conscients de ces enjeux, quelques nouveaux acteurs du marché se positionnent désormais, en associant solidité d’une grande structure et qualité de service patrimonial, sur mesure et impartial. L’objectif est à la fois de faire profiter des avantages d’une taille de bilan significative et d’une grande profondeur de compétences, tout en déléguant la responsabilité du conseil et de la gestion au plus près du client. La gestion privée n’a pas d’autre choix que de se réinventer.