Stefan-Günter Bauknecht, Gérant Actions, sur l’industrie automobile, chez DWS préfére toujours privilégier les constructeurs et les fabricants par rapport aux fournisseurs. Le pouvoir de fixation des prix des constructeurs premiums allemands, la baisse des seuils de rentabilité ainsi que la couverture réussie des matières premières offrent toujours une protection dans un contexte macroéconomique qui s’assombrit...
Nous pensons que le haut degré d’incertitude actuelle aura un impact négatif sur l’industrie automobile. Ce secteur affronte de multiples crises depuis de nombreuses années - scandale des émissions diesel, faiblesse du marché chinois, pandémie de Covid-19, pénurie de semi-conducteurs - et évoluait déjà avec des volumes de production déjà très faibles et des prix forts. En conséquence, de nombreux constructeurs ont réalisé des marges record en 2021, tandis que les fournisseurs ont été davantage mis sous pression, car le coût de production et la fourniture de plus d’équipements pour les voitures hybrides, électriques et haut de gamme n’ont pas suffi à compenser l’impact des réductions de production.
L’analyse des données et les nombreux échanges avec les représentants du secteur nous amènent à quatre conclusions principales :
- L’impact direct de la perte de revenus liée à la crise en Ukraine/Russie est minime pour la plupart des constructeurs automobiles.
- En termes de production, le risque lié aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement semble globalement gérable. L’estimation la plus récente réalisée par IHS prévoit une perte de 2,5 millions de véhicules en 2022. Par conséquent, nous réduisons nos prévisions de production mondiale et tablons désormais sur une croissance de plus 6 % en glissement annuel, ce qui se traduira par une production de 81 à 82 millions de véhicules.
- Voir la demande se détériorer en raison d’une baisse de confiance des consommateurs représente, certes, un risque et un défi, mais peu de données l’étayent. En effet, nous continuons de penser que la demande contrainte en raison des faibles niveaux de stocks devrait en fin de compte limiter les dégâts sur les prix ; cependant, de nouvelles réductions de production dues à des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement ne peuvent être exclues. Aussi, les objectifs de marge, en particulier pour les fournisseurs, semblent plus difficiles à atteindre et nous avons déjà intégré dans nos hypothèses une baisse de marge de 100 à 200 points de base par rapport à 2021.
- Le vrai défi du secteur devrait être lié aux coûts de production, en particulier à la hausse des prix des matières premières. Nous pensons que son impact sur les perspectives des acteurs de l’automobile cette année pourrait varier considérablement, ce qui pourrait créer des opportunités de valeur relative. Sur le plan opérationnel, nous estimons que les constructeurs sont mieux placés que les fournisseurs en raison de leurs contrats d’approvisionnement en matières premières à plus long terme, et qu’ils disposent d’un certain pouvoir de fixation des prix compte tenu de l’offre limitée de véhicules. Plus précisément, les constructeurs allemands haut de gamme paraissent mieux protégés par leur pouvoir de tarification élevé, et 2022 serait donc moins risqué que pour des fabricants de gros volumes. La plupart de leur demande de matières premières pour cette année a déjà été contractée et leurs prévisions sont plutôt prudentes. Parmi les fournisseurs, voici ceux que nous considérons comme relativement mieux protégés : a) ceux qui ont déjà obtenu des contrats de matières premières et des prix pour l’année ; b) ceux dont les coûts de production les plus importants sont liés aux puces ou aux composants électroniques, plutôt qu’aux métaux ou aux dérivés du pétrole.
Nous préférons toujours privilégier les constructeurs et les fabricants par rapport aux fournisseurs. Le pouvoir de fixation des prix des constructeurs premiums allemands, la baisse des seuils de rentabilité - les efforts constants de réduction des coûts depuis 2018 portent leurs fruits - ainsi que la couverture réussie des matières premières offrent toujours une protection dans un contexte macroéconomique qui s’assombrit, selon nous.
Le risque le plus important serait un embargo immédiat sur le gaz ou le pétrole en provenance de Russie, ce qui pourrait entraîner un choc majeur sur les prix, susceptible de plonger l’Allemagne, voire l’ensemble de l’Europe, dans la récession. Les revenus disponibles des consommateurs et la demande s’en ressentiraient fortement. Dans cette éventualité, une baisse de la production et une compression des marges freineraient les bénéfices, avec des répercussions correspondantes sur le cours des actions.