Le rééquilibrage de l’indice MSCI témoigne du lien inextricable entre la technologie et la finance.
Le spectre d’une crise bancaire a poursuivi les sociétés financières ces dernières semaines, mais dans de nombreux segments de cet univers diversifié qui évolue rapidement, les problèmes des banques américaines de taille moyenne ont un impact uniquement sur le sentiment et non sur les fondamentaux.
Un grand test de résistance général
La hausse rapide des taux d’intérêt nominaux et l’inversion soudaine du marché haussier des bons du Trésor américain après trois décennies ont fait l’effet d’un vrai test de résistance pour les banques et les sociétés financières du monde entier. La plupart d’entre elles l’ont réussi et profitent dans une certaine mesure de la fin de la politique de taux d’intérêt zéro (ZIRP), avec des marges plus élevées pour les banques et de meilleures structures d’actif et de passif pour les compagnies d’assurance. Toutefois, en mars 2023, le cycle de relèvement des taux a fait ses premières victimes, aux États-Unis avec Silicon Valley Bank et d’autres prêteurs de taille moyenne, puis en Suisse avec la banque Credit Suisse. Selon nous, ces problèmes sont très spécifiques à la zone géographique ou, dans le cas du Credit Suisse, à une enseigne trop gourmande et incohérente que nous ne détenions pas. Bien qu’il existe des risques pour les sociétés financières, notamment en cas de ralentissement de l’économie mondiale et de détérioration de la qualité de crédit, ces risques ne sont pas systémiques selon nous.
Sommes-nous hors de danger ?
Pourquoi sommes-nous si optimistes face à ces événements, et que se passerait-il si d’autres problèmes se profilaient à l’horizon ? Concernant cette dernière question, nous n’avons aucune certitude et nous pouvons uniquement constater la réalité, à savoir qu’à notre connaissance, la plupart des entreprises de notre univers sont rentables dans cet environnement de taux d’intérêt plus élevés. Certaines classes d’actifs, comme l’immobilier commercial, ou certains risques opaques, comme la « dette fantôme », suscitent des inquiétudes bien connues, mais nous nous efforçons autant que possible de tenir compte de ces expositions dans notre processus décisionnel en matière d’investissement. Les banques en particulier dépendent toujours de la confiance de leurs déposants, de leurs clients et de leurs pairs pour fonctionner. Cela ne changera jamais, et, à notre avis, il n’y a aucune raison pour que des franchises rentables, bien gérées et dotées d’actifs de grande qualité subissent une fuite des dépôts aujourd’hui, pas plus qu’il y a un an ou dans un an.
La nouvelle crise – en quoi celle-ci est différente
Le souvenir de 2008 était réel et intense durant le mois de mars 2023. Une franchise considérée jusqu’alors comme solide et disposant d’une niche distincte (SVB) est soudainement contrainte de vendre des actifs à perte et se retrouve en insolvabilité en l’espace de quelques jours. Suivis de près par l’effondrement rapide du Credit Suisse et son mariage précipité avec UBS, ces événements ont donné aux vétérans du marché une impression de déjà-vu. Cela dit, il existe des différences importantes avec 2008 :
- SVB a périclité en raison d’une mauvaise gestion et non d’une fraude. Ses actifs sont allés à des acheteurs ravis, alors qu’en 2008, ce sont des actifs prétendument notés AAA évalués à zéro qui ont remis en question la solvabilité de l’ensemble du système financier.
- Le départ sans heurt des déposants américains chez les concurrents et vers les fonds du marché monétaire est un phénomène nouveau qui comprime les marges des banques américaines et exerce une pression sur les acteurs de petite et moyenne taille. Il s’agit là d’un comportement rationnel de la part des clients, qui recherchent le rendement et ne craignent pas l’effondrement. C’est également un symptôme de l’affaiblissement des modèles économiques traditionnels par les progrès technologiques et les changements culturels (les gens ont désormais accès à des outils en ligne et choisissent de gérer eux-mêmes leur argent). Il s’agit donc d’une destruction productive plutôt que d’une forme de bref moment Minsky.
- Les banques européennes sont beaucoup mieux capitalisées qu’en 2008. Les dépôts n’ont pratiquement pas bougé durant le mois de mars, donc le problème était spécifique aux États-Unis (et à la Suisse).
- Le Credit Suisse tentait une restructuration ambitieuse et coûteuse après des années de mauvaise gestion et de sous-performance. De nombreux investisseurs, supposant qu’elle faisait partie des banques « trop grandes pour faire faillite », étaient prêts à attendre la fin de ce processus de renaissance, tout comme pour la Deutsche Bank qui désormais a renoué avec les bénéfices. La combinaison des problèmes de SVB et de l’annonce fortuite par la SEC qu’elle examinait les irrégularités comptables du Credit Suisse, a porté le coup de grâce. Mauvaise gestion, mauvais timing, malchance, appelez cela comme vous voulez, mais sans les problèmes de SVB, qui n’avaient pas de conséquences directes sur le Credit Suisse, sa chute n’était pas inéluctable.
La stratégie New World Financials a été conçue pour cela
L’autre raison pour laquelle nous n’adhérons pas au discours sur la crise est que nous avons élaboré la stratégie New World Financials au lendemain de 2008. Après les interventions massives qui ont renfloué le secteur, deux conclusions se sont imposées : la réglementation du secteur bancaire allait se durcir et la technologie allait permettre plus d’innovation et plus de concurrence dans le secteur financier. Nous avons ensuite identifié les tendances sous-jacentes – démographiques, géographiques et technologiques – qui conduiraient au changement et nous avons investi en conséquence. Le principal message à retenir est que nous sommes passés d’une stratégie sectorielle axée sur la finance traditionnelle à un univers beaucoup plus large. Pour nous, le fait que des marques d’assurance-vie en pleine croissance, des noms de la fintech qui génèrent des flux de trésorerie, des sociétés de traitement des paiements et des fournisseurs d’infrastructure technologique soient affectés par ce qui est, au fond, la faillite de banques traditionnelles n’est pas très logique.
Comment miser sur les banques ?
L’exposition de la stratégie aux banques et aux sociétés financières diversifiées était de 35 % en mars 2023, contre 55 % pour l’indice de référence, le MSCI All Country World Financials (voir le graphique 1 ci-dessous). Au sein de ces 35 %, nous avons augmenté notre exposition aux banques qui, selon nous, pourraient bénéficier de la chute du Credit Suisse en développant leurs activités de banque privée, en particulier dans les capitales financières asiatiques comme Singapour et Tokyo. Les clients d’UBS et du Credit Suisse devraient chercher à diversifier les risques et, compte tenu de la part de marché du Credit Suisse en Asie, nous considérons qu’il s’agit d’un pari solide à la fois sur des noms locaux sous-évalués et sur certaines banques mondiales qui sont déjà bien positionnées sur ce marché. Dans le cadre de notre thématique Finance émergente, nous surpondérons les banques des marchés émergents, avec une exposition en Indonésie, en Inde, au Brésil et au Mexique.
Au Japon, nous pensons que le secteur financier japonais sera l’un des gagnants immédiats de la sortie de la déflation. Depuis la nomination du gouverneur sortant de la Banque du Japon, M. Kuroda, en 2013, les valorisations ont subi une forte décote par rapport à celles des homologues mondiaux. Les banques et les compagnies d’assurance-vie se négocient avec des décotes importantes par rapport à la valeur comptable et intrinsèque, et nous pensons qu’elles évolueront à la hausse à mesure que la rentabilité s’améliore. Aux États-Unis, nous sous-pondérons les banques en anticipation de la faiblesse persistante du sentiment, de la compression des marges d’intérêt nettes et d’une approche réglementaire potentiellement plus ferme suite à l’effondrement de SVB.
Après les événements de mars 2023, nous sommes neutres à l’égard des banques européennes. Nous pensons qu’elles sont bien capitalisées et en bien meilleure santé qu’en 2008, mais l’impulsion donnée par la hausse des marges d’intérêt nettes a pris fin avec l’augmentation des taux de dépôt, et nous ne voyons pas d’autres catalyseurs à court et moyen terme dans l’économie de la zone euro, où la croissance reste lente.
La finance numérique à un point d’inflexion après le déclassement et le rééquilibrage de l’indice MSCI
Après un violent déclassement en 2022, les fintech et les sociétés de paiement s’avèrent immunisées contre le pessimisme suscité par l’instabilité bancaire, bougeant à peine durant le mois de mars 2023. C’est logique si, comme nous, vous ne pensez pas que la tension actuelle dans le secteur bancaire soit systémique. Bien que certaines fintechs détiennent des licences bancaires, c’est généralement pour se placer sous la protection de la réglementation afin de fournir un service spécifique, plutôt que d’accepter des dépôts et de fournir des prêts. En tant que secteur, la fintech est favorablement exposée à une dynamique de croissance forte et structurelle, comme le marché du commerce électronique qui continue de se développer. Les paiements modernes, le financement intégré et les solutions de prêt en ligne devraient continuer de se développer rapidement et de générer au fil du temps un flux de trésorerie disponible satisfaisant.
Le 17 mars 2023, le lien entre la finance et la technologie a bénéficié d’un regain de confiance lorsque, après la clôture des transactions, MSCI a révisé la structure de sa classification GICS (Global Industry Classification Structure) et a transféré certaines entreprises technologiques et sociétés de paiement du secteur des technologies de l’information vers le secteur de la finance. Cette décision confirme notre conviction de longue date selon laquelle des sociétés comme Mastercard et Visa devraient être considérées davantage comme des fintechs que comme de simples entreprises technologiques, tout comme d’autres sociétés de réseaux de cartes de crédit telles que Discover Financial Services et American Express, qui ont toujours fait partie du secteur de la finance. Les indices MSCI seront modifiés en conséquence à la fin du mois de mai 2023.
Assurance-vie à l’échelle mondiale : la fin des politiques de taux zéro et l’évolution démographique des marchés émergents sont des facteurs favorables
Dans le cadre de notre thématique Finance autour du vieillissement, nous pensons toujours que les tendances démographiques dans les marchés développés et l’exposition croissante du secteur mondial de l’assurance-vie aux marchés émergents, qui sont généralement sous-assurés, généreront une croissance constante et fiable au cours de la prochaine décennie. Si l’on y ajoute la fin des politiques de taux d’intérêt zéro, qui améliorent la solvabilité et facilitent la gestion des risques, la situation est extrêmement positive à moyen et long terme, et nous continuons de surpondérer ce secteur par rapport à l’indice de référence.
Les assureurs-vie se sont repliés en février et en mars, car le sentiment s’est dégradé dans l’ensemble du secteur financier, mais nous considérons qu’il s’agit d’une opportunité d’entrée pour les sociétés capables de générer des performances supérieures à la moyenne dans un environnement de normalisation des taux et des bénéfices d’entreprise.
Le nouveau paysage de la finance produira des gagnants et des perdants
Pour les investisseurs, plus que pour les traders, la patience permet généralement à ceux qui sont positionnés sur le long terme d’obtenir des rendements solides. L’autre lieu commun est qu’il faut éviter les baisses importantes. La crainte compréhensible en l’occurrence est que les banques ou les banques parallèles voient la qualité de leurs actifs se détériorer, ce qui serait le catalyseur d’un marché très baissier dans le secteur financier.
Nous pensons que le risque est surestimé et que la tension actuelle dans le système produira des gagnants et des perdants, comme dans le cas de SVB, où les grandes banques de dépôts ont attiré les dépôts tandis que la banque First Citizens, qui a acquis les actifs de SVB, a été propulsée du 38e au 15e rang des plus grandes banques américaines, ce qui a fait grimper son action à des niveaux record.
Nous avons également été rassurés par l’intervention rapide et coordonnée des régulateurs aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse au cours des dernières semaines, ce qui montre qu’ils sont conscients de la nécessité de limiter la contagion et qu’ils disposent des outils nécessaires à cette fin.
En outre, comme nous l’avons évoqué, l’univers de la finance est aujourd’hui diversifié et évolue rapidement, la numérisation et la démographie favorisant l’innovation et la concurrence accrue. L’exposition à long terme aux valeurs financières devrait être un élément important de toute stratégie d’investissement diversifiée à l’échelle mondiale.