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Le Marché de l’Investissement Socialement Responsable a besoin de labels incontestables et reconnus des épargnants

L’ISR se développe, en France, depuis le milieu des années 2000. Mais, alors que nombreux sont les particuliers à s’intéresser à cette problématique, il existe des freins à la structuration de ce marché. Des labels sont apparus...

L’ISR se développe, en France, depuis le milieu des années 2000. Mais, alors que nombreux sont les particuliers à s’intéresser à cette problématique, il existe des freins à la structuration de ce marché. Des labels sont apparus, répondant à un besoin des épargnants. Mais ils ont été plus conçus à partir du point de vue des sociétés de gestion que de celui des particuliers-investisseurs.

Incontestablement, le marché de l’Investissement socialement responsable (ISR) se développe en France. A grande vitesse. Les encours détenus par les particuliers sont passés de 16,8 milliards d’euros en 2005 à 68,3 milliards en 2010. En 2011 la croissance a été plus que forte (+69% !). En dépit de cet engouement, l’ISR ne représente encore qu’une partie marginale de l’ensemble des fonds ouverts à l’épargne du public (moins de 7%). Le développement de ce marché est freiné par plusieurs facteurs, dont, au premier chef, l’information du public. Comme le montre l’article de Samer Hobeika, Jean-Pierre Ponssard et Sylvaine Poret, des labels existent, qui devraient donner des repères aux particuliers-investisseurs, et favoriser une structuration du marché. Mais ces labels peinent à jouer leur rôle.

Les biens de confiance et le rôle stratégique de la labellisation

Les biens de consommation peuvent être classés en trois catégories : le bien de recherche que le consommateur peut l’évaluer avant l’achat, au besoin en effectuant des recherches longues et coûteuses ; le bien d’expérience que l’acheteur apprend à connaître ou apprécier en répétant les achats et enfin le bien de confiance. Dans ce dernier cas, le consommateur n’a pas les moyens de savoir si le produit qu’il a l’intention d’acheter correspond vraiment aux qualités recherchées. Il a besoin d’une expertise tierce, qui peut prendre la forme d’un label. C’est le cas avec le marché de l’ISR : l’épargnant est incapable de déterminer lui même si le fond dans lequel il serait prêt à investir correspond aux normes de l’ISR. Il aurait donc besoin d’un label et de conseils précis pour déterminer son choix. C’est à ces conditions que le marché de l’ISR pourra se structurer et poursuivre son développement. Sont-elles réunies ?

Commerce équitable et agriculture biologique, deux exemples de labels structurants

Avant d’aborder spécifiquement la situation de l’ISR, les auteurs ont élaboré une grille d’analyse du rôle de la labellisation (cf méthodologie). Deux secteurs peuvent illustrer la dynamique enclenchée par l’instauration de labels et le rôle qu’ils peuvent jouer dans la structuration d’un marché : le commerce équitable et l’agriculture biologique. Dans le premier cas, après une période d’intense concurrence et une intervention avortée de l’Etat, un label domine le « marché », c’est Max Haavelar, à côté duquel subsistent d’autres labels aux exigences moindres. Les acheteurs d’un produit labellisé Max Haavelar, un café par exemple, savent que toute la chaîne de production respecte des normes sociales et environnementales très strictes.
En revanche, s’agissant de l’agriculture biologique, c’est l’Etat qui, face à une situation de grande concurrence et de confusion, a créé la norme AB, premier standard public en Europe. Ce label a eu un effet positif sur le marché, en amenant une standardisation de l’agriculture bio et en provoquant l’entrée de nouveaux industriels de l’agro-alimentaire. Il répond au besoin d’information du consommateur, et permet un développement des ventes.

Trois organismes pour l’Investissement socialement responsable

S’agissant de l’ISR, la situation est beaucoup moins claire. Trois organismes ont conçu des labels ou ont pris des initiatives équivalentes. Le comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES) a pour particularité d’imposer aux sociétés gérant des fonds ISR de constituer une équipe interne spécialisée dans cette problématique, ce qui était une innovation. L’Association française de gestion financière (AFG) a conçu, elle, un code de transparence. Enfin, Novethic (Caisse des dépôts) a lancé en 2009 le label ISR Novethic. Ce lancement a eu impact important sur le marché, compte tenu des exigences importantes de ce label, qui a voulu poser une définition rigoureuse de l’ISR. Mais répond-on vraiment aux besoins des particuliers ? Les fonds labellisés par Novethic ont été le plus souvent conçus sur la base d’une approche best in class : ils sont investis dans tous les secteurs d’activité, en retenant les entreprises qui peuvent se prévaloir des meilleures pratiques environnementales et sociales dans chacun des secteurs. Or, les particuliers, qui connaissent surtout les fonds solidaires et éthiques, préfèrent les approches thématiques, privilégiant certains secteurs et excluant d’autres : ainsi, ils préfèrent ne pas investir dans les entreprises pétrolières, à l’impact fortement négatif sur l’environnement. Ou alors, ils veulent exclure certaines entreprises, controversées, lesquelles se retrouvent trop souvent dans les portefeuilles des fonds labellisés par Novethic. Il y a donc un hiatus entre les normes proposées, et les attentes des « consommateurs » pas toujours bien cernées du fait de la nature même du bien.

La question de la distribution

Outre la question du label, se pose celle de la distribution des « produits » ISR. Or, la promotion de ces investissements par les réseaux bancaires auprès de la clientèle reste encore trop rare. Dès lors, les labels ne peuvent vraiment jouer leur rôle…

Méthodologie
Les auteurs ont conçu une grille d’analyse destinée à cerner le rôle stratégique que peut jouer la labellisation dans la structuration d’un marché. Elle s’appuie sur trois éléments. D’abord les caractéristiques des labels (pertinence, critères choisis, conditions de leur efficacité). Ensuite, l’examen des organismes concepteurs (ONG, entreprises, Etat, organismes privés). Et enfin, l’analyse de la concurrence entre ces labels. A cet égard, il peut y avoir différenciation horizontale (les labels correspondent à des caractéristiques différentes des produits, pour une qualité équivalente) ou verticale : certains labels se veulent plus exigeants que d’autres, et permettent alors de mettre en avant la qualité supérieure d’un produit, face à des concurrents qui labellisent des produits équivalents mais de moindre qualité. Dans ce cas de produits équivalents, une concurrence forte entre labels est à terme destructrice : l’un d’entre eux (ou un petit groupe) finit par s’imposer.

Recommandations

  • Mieux vaut développer des labels complémentaires répondant à différents objectifs plutôt qu’un label unique. Cela permet de répondre à la fois aux demandes des fonds ISR et aux attentes des investisseurs individuels.
  • La distribution des produits ISR devrait s’appuyer sur une approche plus fine des réseaux de vente, en ciblant mieux les clientèles.
  • La recherche de modalités de collaboration entre organismes labellisateurs et réseaux de distribution devrait donner lieu à réflexion compte tenu des incitations pas toujours convergentes.

A Retenir

  • L’ISR se développe vite, mais le marché pourrait progresser encore plus si les épargnants étaient mieux informés.
  • La mise en place de labels incontestables représenterait un progrès. -* Plusieurs labels pourraient co-exister, pour répondre à l’ensemble des demandes des épargnants.
  • Leur émergence permettrait de structurer le marché.
  • Cela passe aussi par un investissement accru des établissements financiers qui distribuent ces produits.

Jean-Pierre Ponssard Octobre 2013

Voir en ligne : Le rôle stratégique d’un label dans la formation d’un marchés

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