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Le plan de sauvetage de la Grèce

Selon David Shairp, Stratégiste, Global Multi Asset Group chez JP Morgan AM, les problèmes auxquels la zone euro est confrontée sont là pour durer encore bien longtemps. De surcroît, il est probable que d’autres pays connaissent le même sort que la Grèce, indique t-il...

La semaine dernière, les ministres des finances de l’Union Européenne ont annoncé qu’ils s’étaient mis d’accord sur un deuxième plan de sauvetage de la Grèce. Ce plan consiste à financer 130 milliards d’euros sur une période de trois ans et à accepter une décote de 50 % sur la dette existante, qui sera restructurée sous la forme de nouvelles obligations courant jusqu’en 2042 avec un coupon réduit. Si tout se déroule comme prévu, la dette de la Grèce verra son ratio décroître de 160 % actuellement à 120 % du PIB d’ici 2020, sachant qu’il y aura entretemps des réformes structurelles et un certain nombre de privatisations.

Le problème est qu’il est peu probable que cela se déroule comme prévu. Wolfgang Schäuble, le ministre des finances allemand, a provoqué un mini séisme en déclarant qu’il n’y avait aucune garantie que le plan fonctionne et que la Grèce pourrait avoir besoin de nouveaux financements. De surcroît, un rapport confidentiel du FMI et de l’Union Européenne a suggéré que la Grèce pourrait facilement sortir encore une fois de la route tracée. Le scénario de référence présenté dans ce rapport prévoit que le ratio dette/PIB sera ramené à 129 % d’ici 2020, ce qui impliquerait de nouvelles aides en faveur de la Grèce. De fait, un des défauts de ce plan d’ajustement tient au fait que la « dévaluation interne » (l’austérité budgétaire extrême actuellement en vigueur) visant à redresser la compétitivité du pays (en comprimant le coût du travail et les prix) ne peut que contribuer à augmenter le ratio de la dette par rapport au PIB. Cela est dû à l’effet pervers produit par l’austérité sur les recettes budgétaires, qui seraient affectées par une récession plus sévère. Dans ce scénario plus pessimiste, la dette de la Grèce pourrait s’élever à 160 % du PIB en 2020.

Il faut que la Grèce parvienne à dégager un excédent budgétaire primaire (excluant le service de la dette) équivalent à 2,5 % du PIB d’ici 2014, sachant qu’elle devrait enregistrer un déficit de 1 % en 2012. Si elle n’y parvient pas, le ratio de sa dette continuera d’augmenter. De surcroît, si les recettes du programme de privatisations ne représentent que 10 milliards d’euros au lieu des 46 milliards d’euros envisagés d’ici 2020 dans le plan de sauvetage, le ratio de la dette pourrait s’élever à 148 %. Tout cela suppose que les privatisations se fassent à des prix tels que la « Valeur Actuelle Net soit positive ». En d’autres termes, le produit des privatisations devra excéder la valeur actuelle net des revenus futurs générés par ces actifs publics cédés. Or, la Grèce est dans la situation d’un vendeur en détresse et il y a une marge d’erreur considérable quant au prix de cession de ces actifs.

Globalement, ce plan d’ajustement semble dès lors très précaire. Ce serait assurément un succès si le ratio de la dette revenait à un niveau de 120 % du PIB, bien que ce niveau reste encore très élevé. A cet égard, l’Italie a connu un succès relatif, ayant su faire face à un ratio de dette largement supérieur à 100 % durant plus de 15 ans (cf le graphique de la semaine).

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Graphique de la semaine : le modèle de l’Italie – les perspectives possibles pour la Grèce…dans le meilleur des cas
Le graphique de la semaine montre l’évolution de la dette publique brute de l’Italie et de son solde budgétaire primaire par rapport au PIB. Depuis la crise de la monnaie européenne en 1992/1993, l’Italie a été un modèle de vertu budgétaire, en dégageant des excédents budgétaires primaires de manière continue. Cependant, cela lui a permis de stabiliser et non de réduire le poids de sa dette publique. C’est peut-être ce qui attend la Grèce…dans le meilleur des cas.

La crise de la monnaie européenne en 1992 avait provoqué une récession en Italie en 1993/1994, portant la dette publique à 121 % du PIB. L’Italie s’est alors efforcée de dégager un excédent budgétaire primaire supérieur en moyenne à 2 % du PIB durant chacune des années suivantes, à l’exception des deux dernières années. Cependant, le ratio de la dette est toujours de 121 %, ce qui signifie que l’économie italienne fait du sur place à ce niveau la. C’est probablement ce qui attend la Grèce – mais seulement si tout se passe bien.

Quelles sont les issues possibles à la crise de la zone euro ?

L’histoire de la Grèce fait froid dans le dos avec cette austérité promise pour durer encore très longtemps. Mais ce qui est encore plus effrayant, c’est le fait que la Grèce est loin d’être un cas isolé en Europe. On se demande dès lors comment venir à bout des pressions au sein de la zone euro.

D’après l’analyse de l’ASR, il y a quatre issues possibles à cette crise de la zone euro. Tout dépend de la volonté des pays du coeur de la zone à venir au secours des pays de la périphérie. Si ces premiers y sont prêts, tout dépendra alors de leur capacité à tolérer davantage d’inflation ainsi qu’une augmentation des actifs périphériques au sein du bilan de la BCE. L’acceptation de tout cela donnerait un scénario réflationniste, qui serait favorable aux actifs risqués. Cela impliquerait probablement une surperformance des actions européennes, grâce à un euro bien plus faible. Mais si les pays du coeur n’étaient pas prêts à accepter une augmentation du risque au sein du bilan de la BCE, on risquerait alors d’assister au deuxième scénario qui se caractériserait par des transferts budgétaires. Un tel scénario impliquerait une période prolongée de croissance ralentie dans les pays périphériques avec une pression croissante sur les budgets des pays du coeur. Cela se traduirait par un affaiblissement de l’euro et une sous-performance des actions européennes.

Cependant, si les pays du coeur ne voulaient pas assurer le sauvetage des pays périphériques, tout dépendra alors de la capacité des pays périphériques à supporter une déflation (ou une « dévaluation interne ») afin de préserver la zone euro. Cela impliquerait de nombreuses années d‘austérité ; tandis que leur refus de s’engager dans une voie austère prolongée les conduirait tout droit au défaut et à la sortie de la zone euro. Bien qu’il soit possible, dans un tel scénario, que ce soit les pays du coeur qui sortent de la zone euro et non les pays périphériques.

Nous pensons que les problèmes auxquels la zone euro est confrontée sont là pour durer encore bien longtemps. De surcroît, il est probable que d’autres pays connaissent le même sort que la Grèce. A l’heure actuelle, les autorités politiques ne souhaitent pas (ou ne peuvent pas) apporter une solution complète aux problèmes interdépendants de la zone euro. La majorité des scénarios se traduisent par une dépréciation significative de l’euro (son évolution la semaine dernière défie l’entendement). Les allocataires d’actifs devraient dès lors se préparer à cette éventualité et se positionner en conséquence, dans la mesure où la zone euro continuera d’être une source majeure d’instabilité.

David Shairp Février 2012

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