Après deux années de performances décevantes en 2011 et 2012, les stratégies de suivi de tendances – plus souvent appelées trend followers, ou encore de manière plus générique managed futures – qui offrent une exposition ultra-diversifiée aux marchés financiers mondiaux, ont connu des fortunes diverses en 2013.
La performance 2013 relativement faible d’un indice représentatif des trend followers tel que le Newedge Trend Index (2,67 %), est de nature à conforter le ressentiment au sein d’une partie de la communauté des investisseurs à l’égard de ces stratégies.
Modèles inadaptés au paradigme des marchés apparu avec la crise, moteurs cassés ou stratégies appartenant au passé. Les critiques selon lesquelles les trend followers ont connu leurs heures de gloire, mais n’auraient plus aujourd’hui leur place au sein des allocations de portefeuille ne manquent pas.
Mais comme souvent, la réalité est plus nuancée. Si les indices suivant les trend followers ont peiné à générer une performance positive en 2013, ce résultat s’accompagne également d’une dispersion plus importante qu’à l’accoutumée des performances des fonds suivis par ces indices. Certains ont même enregistré des gains sans précédents, à l’instar de la performance de plus de 16 % réalisée par la stratégie Epsilon gérée par les équipes de Lyxor Asset Management. Aussi, à bien des égards, 2013 ne saurait se résumer à une nouvelle année marquant le déclin des trend followers. Au contraire, elle augure plutôt d’un renouveau pour ces stratégies, parmi les plus anciennes de l’univers des hedge funds.
Une approche d’investissement systématique pour une diversification sans égal
Afin de mieux comprendre l’origine des difficultés rencontrées par les trend followers ces dernières années, un bref rappel des principes fondateurs de ces stratégies s’impose. Alors que la gestion traditionnelle s’appuie sur une analyse qualitative ou quantitative du niveau des prix des actifs, les trend followers prennent position sur les marchés uniquement sur la base de la dynamique des prix, peu importe la valorisation intrinsèque des actifs.
Phénomène séculaire sur les marchés, les tendances sont le fruit d’inefficiences qui trouvent leur source dans des éléments tels que les difficultés de certains investisseurs à rebalancer leur portefeuille, ou encore les comportements moutonniers des marchés. Elles se prêtent par ailleurs bien à une approche d’investissement systématique, qui permet leur identification en vue d’une prise de position financière.
En fixant les caractéristiques statistiques du comportement de chaque marché (par exemple, volatilité, corrélation, rendement moyen, probabilité d’enregistrer un saut dans le niveau des prix, etc.) susceptible d’indiquer une tendance, les gérants trend follower peuvent s’affranchir de l’approche fondamentale. Une telle approche systématique, qui ne sous-tend pas une connaissance fondamentale de chaque marché, les autorise à exposer simultanément le portefeuille à un grand nombre de marchés. En résulte une stratégie d’investissement au degré de diversification inégalé, capable de générer de la performance dans un environnement de marché baissier comme haussier – si les tendances sont au rendez-vous.
Des performances décorrélées, mais décevantes en 2011 et 2012
Pourquoi la situation s’est-elle déréglée en 2011 et 2012, aboutissant à des contre-performances décevantes pour les investisseurs ? Avant de répondre à cette question, il faut rappeler que les trend followers ont déjà connu par le passé des années difficiles. En 2003 et 2004, en période de fin de cycle de taux baissiers plaçant les marchés obligataires sous pression, un environnement caractérisé par des tendances faibles et une nette montée des corrélations entre les marchés avait pénalisé l’efficacité des modèles. L’impact sur les performances avait été moins durement ressenti, à la faveur de taux monétaires – auxquels est rémunéré l’actif d’un trend follower [1] – nettement plus élevés qu’aujourd’hui.
Performance du trend following, actions internationales et obligations internationales (Janvier 2000 – Janvier 2014)
Un rendement plus élevé que celui des actions pour un drawdown beaucoup plus faible
En 2011 et 2012, l’évolution des marchés se résume à une série de mouvements risk on/risk off étroitement dictés par la succession de plans visant à stabiliser le système financier international. En rythmant l’alternance entre les périodes de fuite en direction des actifs refuge (dette souveraine, or, argent) et celles de repositionnement sur les actifs risqués (actions, marchés émergents, matières premières, devises), les interventions politiques ont invalidé nombre de tendances identifiées par les modèles statistiques des trend followers. Elles auront également mis au diapason tous les marchés, qui ne répondaient plus qu’à un seul facteur, celui des interventions politiques.
Dans le même temps, cette évolution simultanée de l’ensemble des marchés a réduit considérablement l’efficacité d’une stratégie d’allocation des risques classique.
Un des principes de base des fonds en suivi de tendances consiste à prendre position sur un nombre élevé de marchés en répartissant le risque également sur tous les marchés sans une prise en compte appropriée de la corrélation. Or, cette approche simplifiée de la diversification semble avoir rencontré ses limites en 2011 et 2012.
Indices de tendances et corrélation
Une normalisation des marchés qui s’illustre par un retour des tendances et une corrélation moindre
Si la critique des trend followers s’est construite sur la réalité d’un environnement de marché sans tendance et marqué par un interventionnisme fort des autorités monétaires, la classe d’actifs a probablement également souffert la comparaison avec d’autres stratégies à plus faible volatilité, dont celles jouant la recovery obligataire. Pourtant, les trend followers conservent tous leurs attraits, au premier rang duquel leur fort pouvoir décorrélant, qui n’a jamais été démenti depuis 2001.
Corrélation annuelle des trend followers avec les principales classes d’actifs, 2000-2013
En moyenne, les trend follower sont caractérisés par une faible corrélation avec les principales classes d’actifs
Normalisation des marchés en 2013
Tel qu’illustré par le graphique 2 sur les indices de tendances et corrélation, l’accord sur l’Union bancaire signé à l’automne 2012 a amorcé la baisse des corrélations et redonné de l’air aux trend followers. Ceux-ci ont d’ailleurs bien performé jusqu’au 22 mai 2013 et l’annonce de la réduction imminente du programme de rachats de titres obligataires par la Réserve Fédérale. La tournure des débats relatifs au budget fédéral américain a ensuite replongé les marchés dans une période d’incertitudes, qui s’est traduite par une résurgence immédiate de l’environnement risk on/ risk off jusqu’à la conclusion d’un accord au Congrès in extremis à l’automne. Ce prolongement de la période de transition vers un nouveau régime de politique monétaire explique les performances hétérogènes des fonds de CTA en 2013, en raison de la difficulté à saisir les tendances dans un environnement encore flou.
Initiée fin décembre, la réduction des soutiens monétaires à l’économie américaine conforte aujourd’hui l’hypothèse d’un éloignement du spectre d’une crise systémique et avec lui les mouvements risk on/risk off préjudiciables aux stratégies de managed futures.
La carte maîtresse de l’allocation des risques
L’examen du comportement des stratégies en suivi de tendances dans un environnement marqué par des niveaux exceptionnels de corrélation entre les marchés, où il n’y a plus qu’un seul facteur qui entre en jeu, comme ce fut le cas sur la période 2008-2012, révèle des pistes d’amélioration sur lesquelles travailler. Contrairement à l’année 2008, où le développement continu de tendances haussières sur l’or et les matières premières ont permis aux modèles de démontrer toute leur pertinence, l’absence de tendances leur a coupé l’oxygène en 2011-2012. Cet épisode force la réflexion sur l’identification des régimes de marchés.
La qualité des modèles statistiques permettant d’identifier une tendance de marché constitue le point de départ d’un trend follower. Les corrélations élevées en 2011 et 2012 auront mis en lumière l’importance du modèle d’allocation, dont la capacité à diversifier adéquatement un portefeuille est la condition sine qua non du succès d’un trend follower sur une longue période couvrant différents régimes de marché.
Une allocation des risques gérée par un modèle et reposant uniquement sur le savoir-faire et l’expérience des équipes n’est pas suffisante. Formaliser les problématiques d’allocation des risques permet d’obtenir une vision plus documentée de l’impact d’une position sur le risque total du portefeuille.
C’est dans cet esprit qu’ont avancé les équipes de recherche de Lyxor dès l’année 2011. Un modèle alternatif d’allocation a été mis en production en septembre 2012, après s’être révélé concluant sur les neuf mois durant lesquels il a été testé en simulation. Pour Lyxor, déterminé à conserver une stratégie suiveur de tendance à moyen-long terme là où d’autres fonds en suivi de tendances s’autorisent à faire ponctuellement varier leur approche, ce nouveau modèle d’allocation confère une plus grande robustesse au processus de gestion.
Une place méritée au sein de l’allocation d’actifs
Nombre d’acteurs de l’industrie de la gestion collective, traditionnelle et alternative, ont déjà pris la mesure des enjeux associés à l’allocation des risques il y a quelques années. Pour les gestionnaires en suivi de tendances, intégrer cette problématique revêt une dimension stratégique. L’enjeu n’est autre que de renforcer les avantages comparatifs que cette stratégie possède sur les autres classes d’actifs sur un horizon à long terme.
En effet, sur longue période, les managed futures affichent déjà un couple rendement/risque supérieur à la plupart des autres classes d’actifs risqués. Ils se distinguent également par une décorrélation des grands indices de marchés, qui en fait aujourd’hui un des instruments les plus efficaces de gestion alternative.
Par exemple, à la différence des fonds long/short, dont la performance intègre, suivant la stratégie, une composante actions, crédit ou obligataire, les trend followers n’entretiennent pas de relation structurelle avec un marché particulier. Cette décorrélation peut nuire, notamment en période de forte hausse des marchés, où les suiveurs de tendances afficheront des sous-performances. Mais elle a ses avantages. Quand des tendances fortes à la baisse se manifestent, comme ce fut le cas en 2008, les suiveurs de tendances ont, contrairement aux autres stratégies alternatives, tiré leur épingle du jeu.
Performance d’indices de stratégies alternatives depuis 2000
Des performances relativement stables sur le long terme
La distribution des performances des hedge funds diffère de celle des trend followers qui ont un skew positif. Quand ils baissent, les pertes ressortent beaucoup plus réduites que ce que la volatilité de la stratégie laisserait supposer. Et s’ils perdent souvent un peu, ils s’inscrivent en nette hausse quand ils gagnent.
L’introduction de stratégies trend following au sein d’un portefeuille traditionnel révèle tous les bienfaits de la diversification.
Ainsi, tel que l’on pourrait s’attendre de l’ajout d’une classe d’actifs décorrélés au sein d’un portefeuille, l’analyse en moyenne-variance des performances d’un portefeuille constitué d’actions et d’obligations internationales auquel on ajouterait une allocation à une stratégie trend following génère un portefeuille plus efficace puisque plus diversifié. Un constat positif de nature à justifier un examen sans préjugés de l’apport des stratégies de trend following lors de la définition de la stratégie d’investissement.
Frontière efficiente d’un portefeuille de trois actifs
Le trend following permet d’améliorer la frontière efficiente