Selon Arnout van Rijn, investisseur multi-actifs chez Robeco, les semi-conducteurs devraient connaître une reprise en 2024, leur rôle dans l’énergie durable devenant de plus en plus important.
Selon lui, les puces représentent désormais un produit de base à part entière qui s’avérera crucial pour les énergies renouvelables, l’électrification des transports et les réseaux intelligents. Cela fait plusieurs années qu’elles se trouvent en plein marasme, après que la pandémie de Covid-19 a impacté la demande et fait chuter les prix.
Aujourd’hui, une combinaison de facteurs, dont la perspective de nouvelles usines de production, devrait stimuler à la fois la demande et l’offre, explique Arnout van Rijn, gérant de portefeuille de l’équipe Multi Asset Solutions de Robeco Elles sont dès lors idéales pour les stratégies multi-actifs et occupent une place de plus en plus importante dans les produits d’investissement durables sur mesure.
« L’année dernière, à la même époque, près du point le plus bas de la correction du marché des actions, nous avons osé être optimistes quant aux perspectives de ce qui est considéré comme le summum de la cyclicité : les puces et les bateaux », explique Arnout van Rijn.
« Une réflexion rapide montre que les prix des biens et services de base sont restés très faibles – les puces mémoires ont baissé de 45 % et les frais d’expédition d’environ 40 % – et, contrairement à nos attentes, nous avons constaté des pertes dans l’industrie. Le marché actions est toutefois tourné vers l’avenir et les producteurs de puces ont progressé d’environ 30 % au cours des 12 derniers mois, en surperformant largement les indices d’actions mondiales (+18 %). Le Philadelphia Semiconductor Index (SOX) est encore plus élevé (+40 %), de sorte que nous pouvons être fiers de notre décision audacieuse et visionnaire. »
Il faut de la discipline au niveau de l’offre
Selon lui, la discipline en matière d’offre a été déterminante lorsque la croissance de la « demande de bits » – la puissance de calcul totale des puces – est tombée à des taux à un chiffre en 2022 et 2023, après avoir connu une croissance de plus de 20 % en 2020 et 2021.
« Pour 2024, il faut s’attendre à une solide reprise de la demande, soutenue par une relance des PC, la reprise de la croissance des serveurs et la vague d’enthousiasme pour l’intelligence artificielle (IA) qui ajoutera probablement 5 % à elle seule à la demande mondiale de bits », explique Arnout van Rijn.
« L’optimisme pour 2024 a été la principale raison du rebond des actions en 2023, bien que nous ayons récemment assisté à un recul dans le secteur, en raison du renversement de certains déséquilibres de l’ère Covid, ce qui a entraîné un affaiblissement du pouvoir en matière de fixation des prix pour ceux qui peuvent expédier les puces. Cela peut être observé dans une mesure d’évaluation des actions, qui utilise un multiple de la valeur d’entreprise (la capitalisation boursière de l’entreprise plus sa dette nette) par rapport au chiffre d’affaires. Les multiples pour les sociétés de semi-conducteurs sont passés à 5-6 fois cette mesure, car les marges sur les semi-conducteurs plus sophistiqués sont considérées comme plus élevées et plus durables.
C’est ce que montre le graphique ci-dessous. »
Et son avenir à long terme ne fait aucun doute. « L’équipe Sustainable Multi Asset Solutions de Robeco s’est fortement impliquée dans le suivi de ce marché, maintenant que nous offrons une série de solutions multithématiques à nos clients », explique Arnout van Rijn.
Leur rôle dans la transition énergétique
« Les semi-conducteurs sont un important moteur d’innovation et sont déterminants dans la transition énergétique : ce sont des composants essentiels des panneaux solaires, des véhicules électriques, des onduleurs et des dispositifs de stockage. Ils représentent près de 15 % de notre allocation aux actions à impact dans la stratégie Multi Asset Sustainable et jusqu’à 38 % des portefeuilles Smart Energy et Smart Mobility sur mesure de Robeco. »
Selon lui, les semi-conducteurs présentent de nombreuses caractéristiques similaires à celles des produits de base, comme les prix du marché, le caractère fongible, la standardisation, la liquidité et leurs schémas de trading sur les marchés mondiaux. Mais à la différence des produits de base extraits ou cultivés, les semi-conducteurs sont fabriqués par l’homme, avec une plus grande complexité et des caractéristiques de conception accrues. Il ne s’agit plus d’un marché homogène. « Si tout le monde peut fabriquer une DRAM, une seule entreprise peut fabriquer un processeur graphique (GPU) capable de faire fonctionner votre IA », explique-t-il.
« Et une nouvelle caractéristique importante des semi-conducteurs en tant que produits de base est leur valeur historique. Autrefois, nous faisions la guerre pour l’or, le cuivre et le minerai de fer. Aujourd’hui,
outre le risque de guerre pour le lithium et le cobalt dans nos batteries, nous assistons également à des tensions stratégiques et à des guerres commerciales entre les États-Unis et la Chine concernant les semiconducteurs (et leur accès).
Il ne fait aucun doute que les semi-conducteurs sont des produits de base pour les économies mondiales.
Ils sont considérés comme stratégiques pour le développement économique futur, alors que la majeure partie de la production provient actuellement d’Asie. Les États-Unis et l’Europe sont marginalisés sur ce point, mais l’Europe détient au moins l’atout d’être la championne de la lithographie nécessaire pour faciliter la poursuite de la miniaturisation. »
Des tensions internationales inévitables
Avec ce type de pouvoir de marché croissant, les semi-conducteurs deviendront inévitablement l’objet de tensions internationales. « Maintenant que le libre échange mondial n’est plus un fait acquis, les grandes économies veulent être indépendantes pour assurer leur approvisionnement énergétique, mais aussi leur approvisionnement en puces », explique Arnout van Rijn.
« Il est risqué de confier la fabrication des puces à un acteur externe, et encore plus à une entreprise basée à Taïwan, une île revendiquée par la Chine. Les responsables politiques ont pris conscience tardivement de cette vulnérabilité et ont conçu de grands projets pour l’atténuer. Les gouvernements européens et américains offrent à présent des subventions très importantes aux fonderies pour qu’elles soient construites sur leur territoire. »
En témoigne la European Chips Act, la loi européenne sur les puces, entrée en vigueur le mois dernier, qui vise à investir plus de 43 milliards d’euros, avec l’ambition de retrouver une part de marché de 20 % dans la production mondiale de puces, contre moins de 10 % aujourd’hui, dont la majeure partie se situe dans la partie basse.
La US Chips and Science Act est davantage axée sur le fait d’empêcher les puces avancées d’arriver en Chine, mais ici aussi, les fonderies sont incitées à produire des puces d’avant-garde aux États-Unis. Parmi les trois fonderies de premier plan, Intel prévoit de construire deux usines de fabrication (fabs) en Allemagne pour un coût de 30 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros de subventions, tandis que TSMC investira 40 milliards de dollars dans deux fabs en Arizona d’ici 2026. Samsung investira 17 milliards de dollars dans une usine de fabrication américaine, mais n’a pas encore de projets en Europe.
Une prime supérieure à la moyenne
Alors, prêt à se lancer dans les puces électroniques ? « Pour les investisseurs thématiques, les perspectives à court terme ne sont pas faciles à cerner, car une reprise est peut-être déjà intégrée, le fort pouvoir de fixation des prix, dû à l’étroitesse de l’offre, a dépassé son apogée et les multiples de vente ont augmenté. Toutefois, l’importance stratégique à long terme du secteur justifie clairement une prime supérieure aux moyennes historiques pour les entreprises dont la propriété intellectuelle est défendable.
Enfin, étant donné que le monde évolue et que les semi-conducteurs deviennent un produit de base stratégique, nous aimerions plaider en faveur d’un marché des contrats à terme pour les puces mémoires. Il présente des cycles différenciés et offre donc des avantages intéressants en termes de diversification. Il peut également servir d’assurance contre tout nouveau bouleversement géopolitique, tout comme le pétrole l’a fait par le passé.
Bien que la consommation d’eau purifiée soit très élevée dans de nombreuses usines de production, le fait qu’une puce mémoire soit à base de silicium signifie qu’elle a au moins une empreinte carbone bien inférieure à celle du pétrole. »