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Le robinet n’est pas (encore) fermé

La Fed a surpris les marchés et la plupart des commentateurs en ne diminuant pas ses achats d’actifs alors que l’on s’attendait de façon générale à ce qu’elle le fasse. Selon nous, la crédibilité de la Fed n’est pas atteinte par cette décision.

Le FOMC semble seulement avoir agi comme Keynes lorsque celui-ci déclarait : « Quand les faits changent, je change d’avis, et vous, monsieur, que faites-vous ? »

Ben Bernanke a expliqué certains de ces changements. Tout d’abord, l’incertitude relative à l’issue des prochaines négociations sur le budget et le plafond de la dette a augmenté. En outre, les données économiques, quoique suggérant toujours une poursuite de la reprise, ont été moins solides que l’été dernier. On observe ainsi un léger ralentissement de la croissance de l’emploi, tandis que les données du marché immobilier ont également déçu quelque peu. Nous sommes cependant d’avis que la principale raison ayant dissuadé la Fed de diminuer progressivement ses achats est la hausse injustifiée des taux obligataires en raison des attentes d’un resserrement de la politique monétaire depuis la réunion de juillet.

Cette dernière tendance met en péril le plan stratégique de la Fed consistant à autoriser une période prolongée de croissance supérieure au potentiel sans resserrement de la politique. Ce plan est crucial pour stimuler les composantes de la demande sensibles aux taux à un moment où le taux de base ne peut plus être abaissé. Ceci implique en effet que le secteur privé peut s’attendre à un écart positif croissant entre le taux de rendement et le coût de financement des projets d’investissement, des achats immobiliers, etc.

Le seul problème pour la Fed est qu’il ne sera plus optimal de respecter cette promesse lorsqu’une solide reprise du secteur privé sera en cours. Par conséquent, la Fed doit s’engager de façon crédible à suivre ce plan stratégique dans le futur et c’est là qu’intervient la « forward guidance » (« pilotage » des attentes). Le seuil imposé pour le chômage a, en particulier, pour objectif d’éviter que la Fed n’agisse conformément à son schéma antérieur à la crise, selon lequel une croissance supérieure au potentiel entraîne rapidement un resserrement monétaire.

Au cours de ces derniers mois, la Fed a eu du mal à expliquer que la « forward guidance » et l’assouplissement quantitatif sont des instruments tout à fait différents, le premier était considéré comme beaucoup plus efficace que le second. Ben Bernanke a également expliqué clairement qu’une diminution progressive des achats d’actifs n’implique qu’une diminution de l’assouplissement, ce qui est complètement différent d’un resserrement pur et dur. Une diminution progressive a du sens dans une économie qui se redresse car une plus faible propension à épargner et une plus grande propension à investir provoquent une hausse du taux d’intérêt neutre (soit le taux équilibrant les intentions d’épargne et d’investissement dans un contexte de plein- emploi). De plus, la Fed estime qu’une expansion prolongée du bilan entraîne des coûts futurs potentiels sous la forme de risques pesant sur la stabilité financière à plus long terme, de moins-values sur les actifs détenus par la Fed, etc.

Le démantèlement doit donc être vu comme une manoeuvre monétaire tactique qui ne dévie en aucune façon du plan stratégique susmentionné, reflété par la « forward guidance » en matière de taux. En dépit des efforts de communication de la Fed, le marché a cependant éprouvé beaucoup de difficultés à comprendre correctement ces messages. L’évocation d’un démantèlement a, en particulier, incité les marchés à croire que la Fed allait commencer à resserrer sa politique plus tôt et à un rythme plus rapide. Lorsque les paroles ne suffisent pas, il faut passer à l’acte pour corriger le message. Ceci est, selon nous, la principale motivation de la décision inattendue de la Fed de ne pas entamer son démantèlement dès aujourd’hui.

Tout ceci ne signifie nullement qu’un démantèlement n’aura pas lieu dans un futur proche. En réalité, la déclaration du FOMC laisse clairement entendre que celle-ci pourrait intervenir prochainement. Néanmoins, la formation des attentes des marchés relatives au début de cette fermeture progressive n’est pas facilitée par le fait que Ben Bernanke semble avoir abandonné le niveau de chômage de 7% à partir duquel la Fed souhaite cesser ses achats additionnels. De façon plus générale, le taux de chômage continue à poser un dilemme pour de nombreux membres du FOMC. Le repli observé ces dernières années semble largement imputable à un recul du taux de participation et ces membres estiment que celui-ci est au moins partiellement cyclique. Par conséquent, le taux de chômage reflète la faiblesse du marché du travail avec plus de clémence que d’autres indicateurs.

Ceci a bien sûr également des implications pour la « forward guidance » en matière de taux. Le consensus sur les marchés est en effet que le début de la fermeture progressive du robinet monétaire s’accompagnera d’un renforcement de la « forward guidance » afin d’éviter un resserrement injustifié des conditions monétaires. Certains s’attendent à ce que ceci se fasse sous la forme d’un abaissement du seuil pour le taux de chômage. Bien que nous ne l’excluions pas, nous pensons que ceci représenterait un formidable défi de communication pour la Fed et pourrait en réalité diminuer la crédibilité des seuils.

Quelle est en effet leur valeur s’ils peuvent être modifiés facilement ? Il est, selon nous, plus probable qu’un seuil soit introduit pour l’inflation, la Fed s’engageant à ne pas relever son taux de base aussi longtemps que les attentes inflationnistes à court terme demeurent sous un certain niveau.

Willem Verhagen Septembre 2013

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