Ainsi, depuis l’été, de nombreux investisseurs, forts des préannonces de la FED et de statistiques économiques qui marquaient, aux USA en particulier, un embellissement significatif de la conjoncture - bien que caractérisée par une mauvaise répartition géographique et sociale – avaient spéculé sur la concrétisation de ce tapering et « shorté » les obligations souveraines américaines.
Le taux américain à 10 ans était donc passé de 1.2% début août à 1.7% fin octobre. Comme toujours, les taux européens, bien que la Zone Euro se trouve dans une situation économique tout à fait différente des USA et que la BCE ait un retard d’au moins une année sur son homologue d’outre-Atlantique, ont réagi par sympathie et se sont également écartés sur la période. Nous notions d’ailleurs dans nos derniers hebdos que les taux européens réagissaient parfois plus fortement, ce qui nous semblait hors de propos : moins d’inflation, plus de chômage, moins de croissance, plus de disparités géographiques notamment pour les pays ex-périphériques.
Ainsi, sur la période, le Bund passait de -0.5% sur une maturité 10 ans à -0.08% tandis que l’Italie, moins liquide et toujours plus volatile que ses pairs, passait de 0.5% de rendement à 1.2% de rendement.
Nous noterons tout d’abord deux points sur le mouvement des taux qui s’était produit d’août à octobre :
1 - La corrélation entre le taux allemand et les taux périphériques s’accentue au fil des mois et la notion de « pays périphérique » devient aujourd’hui quasiment obsolète du point de vue des marchés, la BCE ayant, par ses liquidités massives, écrasé les disparités financières… Pourtant les disparités économiques restent bien prégnantes.
2 - Le mouvement d’écartement est classique des périodes préannonce de tapering comme nous en parlions lors de notre réunion de rentrée durant laquelle nous avions montré le graphe ci-dessous, qui retraçait les mouvements de taux lors du tapering de la FED en 2013. La différence majeure entre 2020 et 2021 était la puissante variable sanitaire qui a pu retarder les mouvements et les rendre plus rapides et plus violents. Mais, par précaution, nous conseillions plutôt à l’orée de l’été, de raccourcir sa duration et de céder les obligations les plus sensibles aux taux souverains, ce que nous avons fait dans notre fonds flexible Octo Crédit Value, passant la sensibilité de 4.5/5 à 2 en quelques semaines. 3 - Enfin, nous noterons que la plupart des flux sur les taux souverains ne sont en fait pas sur les obligations mais sur les futures, largement drivés par les fonds spéculatifs de suivi de tendance, qui accentuent leurs positions au fil de la confirmation de la tendance. Ainsi, à l’aube de la décision de la FED, alors que les taux étaient déjà revenus sur leurs plus hauts de l’année, les positions shorts sur les taux se faisaient de plus en plus massives, comme on a pu le voir avec une mini-capitulation sur le taux italien sur la toute fin du mois d’octobre (pic sur la courbe verte). Les débouclages post-annonce ne pouvaient qu’en être plus violents.
Dans notre hebdo du 22 octobre, nous suggérions que le portage jouait en faveur des portefeuilles obligataires qui pouvaient se positionner sur les obligations corporates et que les taux ne pouvaient poursuivre cette ascension, en particulier en Europe, zone au sein de laquelle les équilibres économiques et budgétaires plaident pour des taux proches de zéro à moyen-long terme, qu’il y ait des soubresauts plus ou moins longs d’inflation ou non… De plus, comme d’accoutumée, les marchés financiers anticipent systématiquement les annonces puis débouclent leurs positions sitôt l’annonce faite, comme on l’avait vu en 2013 aux USA lors de l’annonce du tapering ou en Eurozone lors des diverses annonces de QE ou de réduction/augmentation des programmes d’achat.
Ainsi, dès le jour de la réunion de la FED, les positions short commençaient à se déboucler et les rendements ont significativement chuté, que ce soit aux USA ou en Eurozone, avec des mouvements d’autant plus forts que les gisements sont faibles ; l’Italie a vu ainsi son taux à 10 ans passer en quelques jours de 1.2% à 0.97% soit une plus-value sur les obligations afférentes de plus de 2.5% ou plus de 2 ans de portage en trois jours. L’Allemagne a, elle, vu son rendement à 10 ans passer de -0.10% à -0.22% sur la même période, créant une plus-value de plus de 1%.
Pour les plus téméraires, qui avaient souhaité conserver une sous-exposition aux taux jusqu’à la dernière minute, il fallait donc retourner sa veste au plus vite, à moins de se faire rattraper par le marché à vitesse grand V… De notre côté, nous avions, comme annoncé il y a quelques semaines, reconstitué progressivement une poche de souverains européens depuis la mi-octobre, considérant que le mouvement de la FED n’a aucun rapport fondamental avec la situation européenne, et que nous pourrions très bien observer le même découplage modéré économique et monétaire que lors de la décennie 2010-2020 sur la décennie 2020-2030, tant les USA ont accumulé d’atouts pour gagner une nouvelle manche, tandis que l’Europe reste engluée dans ses sujets de politique intérieure, de gouvernance, de régulations foisonnantes et de distorsions géographiques, fiscales, économiques et sociales nivelant la politique de la BCE vers les pays les plus faibles, à savoir l’Italie, l’Espagne ou la France plutôt que l’Allemagne.
A plus court terme, nous considérons donc que cette annonce de la FED pourrait bien marquer le début de la fin d’année et son traditionnel ‘rallye’ sur le segment obligataire avec :
- un resserrement progressif des rendements souverains comme on l’avait observé post-annonce du tapering de 2013, bien que les mouvements soient beaucoup plus modérés puisque les taux partent aujourd’hui de beaucoup plus bas.
- une fin de saison de publication des résultats sans grande surprise du point de vue crédit, moins sensible que le marché action à une légère érosion des marges à court terme ou à quelque retard de commande de semi-conducteurs, phénomènes déjà souvent largement anticipés par le marché.
- une possible sécurisation de portefeuilles d’allocataires d’actifs pour la fin d’année, les marchés actions ayant offert des performances hors norme
- des programmes d’achats institutionnels, portés par la hausse récente des taux souverains et une meilleure visibilité sur la politique de la FED et de la BCE depuis leurs dernières réunions.
C’est donc plutôt une repondération modérée des portefeuilles que nous avons opérée en deux temps ces dernières semaines : les souverains courant octobre, puis les obligations corporates en ce début novembre, puisque celles-ci sont souvent en retard de quelques jours à quelques semaines du fait de leur liquidité différente, de l’inertie des investisseurs « real money » à se repositionner et de l’effet spread de crédit qui atténue les mouvements de taux.
Nos portefeuilles pourront ainsi poursuivre leur année avec des portages significatifs de :
- 4.38% de rendement à maturité(*) pour notre ‘flagship’ Octo Crédit Value, pour une maturité moyenne de 5.7 ans et une notation moyenne BB- (performance ytd : 4.898% au 4 novembre 2021).
- 3.75% de rendement à maturité(*) pour notre fonds à échéance Octo Rendement 2025 pour une maturité moyenne de 4 ans et une notation moyenne BB- (performance ytd : 3.403% au 4 novembre 2021).
- 1.16 % de rendement à maturité(*) pour le fonds de trésorerie Octo Crédit Court Terme, pour une maturité moyenne de 1.4 an et une notation moyenne BBB- (performance ytd : 0.679% au 4 novembre 2021).