Les faits
Les actions mondiales ont continué de se replier, dans un contexte de pessimisme renouvelé quant aux perspectives des négociations commerciales sino-américaines et de craintes d’un ralentissement de la croissance économique. Au moment où nous écrivons ces lignes, le S&P 500 est en baisse de 1,4%, après une chute de 3,2% le 4 décembre, et il a maintenant perdu davantage de terrain qu’il n’en avait gagné après la réunion initialement prometteuse entre les présidents Trump et Xi dans le cadre du G20. L’indice chinois CSI 300 a perdu 2,2% et l’indice Euro Stoxx 50 3,3%. En dehors des actions, les emprunts d’Etat ont fortement rebondi : les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans ont chuté de 14 pb au cours de la semaine et se négocient désormais à 2,88%. Sur le marché des changes, le renminbi a perdu 0,4% par rapport au dollar américain et a maintenant cédé ses gains postérieurs au G20.
La baisse de près de 9% des marchés boursiers mondiaux depuis la fin du mois de septembre reste en deçà de la définition standard d’une correction, qui consiste en un recul de 10% entre le pic et le creux de la vague. Il s’agit du sixième plus fort repli des actions mondiales depuis le début du marché haussier en 2009.
Quelle en est l’explication ?
Premièrement, les investisseurs sont de plus en plus préoccupés par le fait que la trêve commerciale entre les Etats-Unis et la Chine négociée ce weekend pourrait être de courte durée. Ces inquiétudes ont été exacerbées par une demande américaine d’extradition de Meng Wanzhou, la directrice financière de la société de technologie chinoise Huawei, laissant entendre que les pourparlers entre les Etats-Unis et la Chine risquent d’être peu productifs. La nouvelle fait suite à un tweet du 4 décembre dans lequel le président Trump se désignait comme « l’Homme des droits de douane », affirmant que l’augmentation des droits de douane sur les importations de produits chinois avait un impact positif sur le budget des Etats-Unis.
Lors de la réunion du G20, les Etats-Unis ont reporté l’augmentation des droits de douane de 10 à 25% sur 200 milliards d’USD de marchandises chinoises, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier. Cependant, le gouvernement américain a prévenu que l’augmentation s’appliquerait si un accord n’était pas conclu dans un délai de 90 jours.
Deuxièmement, l’aplatissement de la courbe des taux a été cité comme source d’inquiétude dans divers rapports des médias. Le spread, étroitement surveillé, entre les rendements des bons du Trésor américain à 2 ans et à 10 ans a été ramené à 12 points de base, le niveau le plus bas enregistré en 11 ans. Cela laisse craindre une « inversion » de la courbe, parfois considérée comme un indicateur de récession. Cet élément s’est ajouté aux inquiétudes générales au sujet d’un ralentissement de la conjoncture mondiale. Au début de la semaine, les données indiquaient une perte de vitesse poursuivie du secteur manufacturier chinois, l’indice des directeurs d’achat étant tombé à 50, le niveau qui sépare l’expansion de la contraction.
Enfin, les négociations de l’OPEP ont également contribué à la volatilité. Le groupe a annulé de manière inattendue sa conférence de presse du 6 décembre, ce qui a suscité des inquiétudes quant à l’absence d’accord sur des réductions de la production. En réaction, le brut WTI a plongé de 4,6% à 50,8 USD le baril, ce qui a fait chuter de 4,2% les actions des sociétés pétrolières et gazières américaines.
Quelle est notre opinion à ce sujet ?
Selon nous, toutes ces préoccupations justifient un suivi attentif. Cependant, nous pensons que le marché a réagi de manière excessive et qu’il surestime maintenant ces risques.
L’arrestation de la Chief Financial Officer de Huawei renforce notre opinion selon laquelle les tensions sino-américaines sont profondément enracinées et ne seront pas résolues en un tournemain. Mais une grande partie de ce risque est déjà escomptée par les marchés. Et la volonté du président Trump de retarder la mise en œuvre de l’augmentation des droits de douane de janvier était un signe de souplesse bienvenu.
Nous ne considérons pas non plus l’aplatissement de la courbe des taux comme un indicateur probant pour réduire le risque. D’abord, la courbe des taux s’est aplatie pour des raisons qui ne sont pas nécessairement négatives pour les actions, notamment des signaux plus accommodants de la Réserve fédérale, une baisse des prix du pétrole, une inflation plus faible et une couverture des positions courtes en obligations. Bien que les rendements des bons du Trésor à deux et cinq ans se soient inversés pour la première fois en plus de 10 ans, nous ne prévoyons pas d’inversion entre les rendements à 3 mois ou à 2 ans et celui à 10 ans, deux données qui ont toujours constitué un meilleur indicateur de l’approche d’une récession. Et même en cas d’inversion des rendements à 2 et 10 ans, cela ne signifierait pas qu’une récession est imminente à notre avis. Ainsi, les récessions commencent en moyenne 21 mois après l’inversion, avec une fourchette allant de 9 à 34 mois. Depuis 1960, le S&P 500 a progressé en moyenne de 15% au cours des 12 mois qui ont précédé un différentiel nul entre les rendements à 2 et à 10 ans. La performance moyenne de l’indice S&P 500 a été de 29% à partir du point d’inversion de la courbe jusqu’au pic suivant des actions.
En outre, nous pensons que le pétrole devrait se redresser après son récent repli. Nous devrions avoir plus de précisions le 7 décembre sur l’ampleur d’une réduction éventuelle de la production par l’OPEP et ses alliés, y compris la Russie. Nous nous attendons également à ce que l’offre mondiale se resserre du fait de la baisse des exportations iraniennes suite à l’entrée en vigueur des sanctions américaines. Il convient de noter que même si les cours restent bas, ce n’est pas toujours une mauvaise chose. Certes, cela réduirait les investissements dans le secteur, mais la baisse des prix du pétrole pourrait aussi permettre une politique plus accommodante de la part des banques centrales et profiterait également aux dépenses de consommation.
Comment doivent se comporter les investisseurs ?
Suite aux dégagements massifs enregistrés depuis le début du mois d’octobre, les actions mondiales affichent maintenant une décote d’environ 15% par rapport au ratio cours/bénéfices glissant moyen des trois dernières décennies. Comme l’économie mondiale continue de croître et que les bénéfices restent confortables, nous maintenons notre surpondération des actions mondiales. Cela dit, les investisseurs doivent se préparer à une volatilité accrue, étant donné que le cycle arrive à maturité et que les tensions entre les Etats-Unis et la Chine demeurent élevées.
Nous continuons de privilégier l’intégration de positions anticycliques, telle qu’une surpondération des bons du Trésor américain à 10 ans, afin de contribuer à atténuer la baisse si un risque extrême venait à se matérialiser.