En France, dès début mars, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a incité les actionnaires à ne pas se rendre aux assemblées générales (AG) et à opter pour le vote à distance. En Suisse, le Conseil fédéral a été plus radical en imposant la tenue des AG à huis clos.
Les réactions des entreprises ont été jusqu’à présent assez diverses et souvent fonction de la date initiale à laquelle devait se tenir l’AG. Le Conseil d’administration de Total a ainsi annoncé le 18 mars vouloir maintenir la date de son assemblée générale le 29 mai, à une période où le confinement sera peut-être terminé.
Elior Group, l’entreprise spécialisée dans la restauration collective, a tenu son AG à la date prévue du 20 mars à huis clos. Seuls trois membres de la direction de l’entreprise étaient présents et les 27 résolutions proposées à l’AG ont toutes été adoptées. Les questions des actionnaires feront quant à elle l’objet d’une réponse ultérieure sur le site internet d’Elior.
D’autres entreprises prévoient de reporter leur AG à une date ultérieure. Le finlandais Nokia a annoncé qu’il ne tiendrait pas sa réunion annuelle du 8 avril. Les allemands Beiersdorf et Daimler ont pris la même décision.
Une position qui se rapproche des recommandations de PhiTrust qui demande un report de trois mois des assemblées générales pour permettre de mieux évaluer l’impact de l’épidémie sur les entreprises. Phitrust craint en effet un versement de dividendes trop élevé - permis par les bons résultats des entreprises en 2019 - qui de fait ne prendrait pas en compte le risque de récession en 2020 et la préservation rendue nécessaire des capacités financières des entreprises. Dans ce contexte très particulier, le millésime 2020 des AG devrait donc échapper à la plupart des polémiques qui enflaient ces dernières années, en particulier sur les salaires des dirigeants.
Dans la continuité des prises de positions de PhiTrust, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, annonçait vendredi que « les entreprises où l’Etat est actionnaire, même minoritaire » seraient invitées à « ne pas verser de dividendes, en tout cas à des particuliers », soulignant que « le partage de la valeur, c’est aussi une solidarité ». Les dirigeants d’ADP, d’Airbus, d’Air France-KLM, de d’EDF, de Engie, de Eramet, de la Française des Jeux (FDJ), de Orange, de Renault, de Safran et de Thales sont ainsi prévenus.
« Les entreprises qui ont besoin de trésorerie aujourd’hui, si elles demandent l’aide de l’Etat, ne peuvent pas, ne doivent pas verser de dividendes. Et nous veillerons à ce que ce soit respecté » a souligné Bruno Le Maire. « Toutes les entreprises qui auraient bénéficié de reports de charges sociales ou fiscales et qui auraient versé des dividendes se verront obligées de rembourser cette avance de trésorerie sur les charges sociales et fiscales, avec une pénalité d’intérêts. ». Par ailleurs, Bercy refusera aux entreprises payant des dividendes la garantie de l’Etat pour de nouveaux emprunts bancaires. Enfin, les employeurs bénéficiant du dispositif de chômage partiel, lui aussi financé sur crédits publics, sont appelés à « la plus grande modération » en matière de dividendes. Ces dividendes représentent des sommes considé-rables : 359 milliards d’euros en Europe en 2020, selon une étude de l’allemand Allianz Global Investors. A elles seules, les entreprises du CAC 40 ont versé 49,2 milliards de dividendes en 2019, auxquels on doit ajouter 11 milliards de rachats d’actions.
Cette conduite est cohérente avec la Loi PACTE votée en 2019 qui prône une conduite de l’entreprise moins centrée sur l’actionnaire que les anciens textes. Reste à savoir si - dans cette conjoncture - les entreprises seront toujours intéressées à définir ou instaurer une Raison d’être voire devenir Entreprise une mission comme le permet la loi.