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Les pompes à chaleur ne brassent pas que de l’air

Remplacer les chaudières très consommatrices d’énergies fossiles par des pompes à chaleur électriques est une solution gagnant-gagnant pour réduire l’inflation, assurer l’autonomie énergétique et décarboner un secteur de la construction très émetteur.

Points clés :

  • La crise énergétique crée un besoin accru et urgent de systèmes de chauffage fiables, abordables et plus propres
  • Les pompes à chaleur sont un élément clé de l’électrification et de la décarbonation des bâtiments
  • Les importantes incitations et réglementations envoient un signal fort en faveur de l’expansion du marché
  • Une arme efficace contre l’augmentation des prix de l’énergie

L’énergie utilisée pour chauffer les habitations, les bureaux, les écoles et les usines représente 10 % des émissions mondiales annuelles. Principale source de chauffage des bâtiments, le gaz naturel répond à 42 % de la demande dans le monde, dont la majeure partie (70 %) sert à chauffer les espaces. Alors que la décarbonation des immeubles repose sur plusieurs solutions (notamment les énergies d’origine renouvelable et la rénovation éco-efficiente), les pompes à chaleur électriques seront un élément clé pour rendre le chauffage des bâtiments plus écologique, mais aussi plus sûr et plus économique.

Les pompes à chaleur sont trois à cinq fois plus efficaces sur le plan énergétique que les chaudières au gaz naturel. Cela signifie que jusqu’à 20 % d’énergie en moins est nécessaire pour chauffer la même surface. Cela se traduit aussi par une consommation finale nettement inférieure et, donc, une réduction de la demande et des économies accrues pour les millions de ménages qui souffrent d’une inflation essentiellement tirée par les prix de l’énergie (voir figure 1).

Sécurité énergétique : le tournant

Reconnaissant les avantages à tirer en matière d’offre énergétique, de stabilité des prix et de neutralité carbone, les décideurs politiques manient la carotte (subventions) et le bâton (réglementations). D’un côté, les subventions sont désormais disponibles dans les régions qui représentent plus de 70 % de la demande mondiale de chauffage dans le résidentiel. D’un autre côté, les autorités de nombreux pays durcissent les codes de la construction pour les structures nouvelles et existantes, ce qui va des normes de performance énergétiques minimales plus strictes jusqu’à l’interdiction pure et simple des chaudières à énergie fossile. Des interdictions nationales sont d’ores et déjà en place au Danemark, en France, en Norvège et aux Pays-Bas, et en cours d’adoption dans d’autres pays membres de l’UE [1].

Aux États-Unis, la loi de réduction de l’inflation (IRA) récemment adoptée devrait considérablement accélérer l’installation des pompes à chaleur par les consommateurs et les promoteurs immobiliers. Cette loi porte en effet à 30 % le crédit d’impôt pour l’amélioration des performances énergétiques du logement. Dans le monde, les investissements dans les énergies propres ont nettement augmenté depuis 2020 (voir figure 2), les montants investis dans l’efficacité énergétique ayant quasiment atteint le niveau des investissements dans les renouvelables en 2022 (estimations de respectivement 470 milliards et 472 milliards de dollars).

La montée en puissance des pompes à chaleur : une opportunité pour le marché

Technologie éprouvée, les pompes à chaleur sont aujourd’hui au nombre de 190 millions dans le monde. Ces trois dernières années, sept millions d’unités ont été vendues en Europe, soit une augmentation de 40 %. De plus, le plan REPowerEU devrait générer 20 % du taux de croissance annuel composé d’ici à 2030. Les régions nordiques illustrent parfaitement cette opportunité de croissance : les incitations financières associées aux réglementations ont permis d’atteindre un taux de pénétration de 40-60 % chez les ménages en Suède, en Finlande et en Norvège, contre 20 % dans le reste de l’Europe.

L’un des avantages de la hausse des prix des énergies fossiles est qu’elle réduit drastiquement les coûts totaux encourus durant le cycle de vie, ainsi que la durée d’amortissement des pompes à chaleur et autres investissements connexes par rapport aux chaudières à gaz traditionnelles (voir figure 3). Il s’agit d’une bonne nouvelle dans la mesure où la réduction des émissions nécessite de multiplier par trois la rénovation des immeubles existants, c’est-à-dire passer d’un rythme de progression annuelle de 1 % à 3 % d’ici 2050.

Une morosité à court terme synonyme d’opportunité à long terme pour les pompes à chaleur

Dans l’UE, le système d’échange de quotas carbone (SEQE) est un pilier central des programmes de décarbonation. Cependant, il augmente le prix des activités très émettrices telles que le chauffage des locaux, et il pèse indirectement sur le budget des ménages lorsque les hausses de prix sont répercutées sur le consommateur final. L’UE prévoit d’étendre le SEQE afin de couvrir les combustibles de chauffage (un domaine qui regroupe les bureaux commerciaux et la chaleur produite par les activités industrielles), ce qui signifie potentiellement plus de difficultés économiques pour les citoyens européens [2].

Face aux nouvelles règles et à l’augmentation des prix, certaines régions de l’UE très consommatrices de gaz revoient leurs décisions d’utiliser le gaz naturel comme combustible de transition à court terme, préférant passer directement aux pompes à chaleur pour le chauffage des locaux [3]. En Pologne, pays très dépendant des énergies fossiles, le taux de pénétration des pompes à chaleur a progressé de 88 % en 2021, tandis que les ventes ont doublé dans d’autres pays de l’UE tels que l’Autrice, l’Italie et les Pays-Bas [4].

Supprimer les goulets d’étranglement

Toutes les pompes à chaleur ne sont pas identiques, et les différences de climat et d’infrastructure dans les pays créent des défis en matière d’adoption. Les pompes à chaleur qui convertissent en énergie des sources d’eau souterraines ou de surface sont plus efficaces que les versions qui utilisent l’air ambiant, mais leur coût d’installation est également plus cher. Sans surprise, 85 % des pompes à chaleur présentes dans les bâtiments utilisent l’air ambiant. Ces modèles sont particulièrement populaires dans les régions où la température de l’air extérieur est assez douce en hiver et où le processus peut être inversé en été pour climatiser les locaux.

Bien que la technologie soit mature et que la production peut augmenter, plusieurs goulets d’étranglement freinent l’adoption des pompes à chaleur. Malgré des coûts du cycle de vie globalement plus faibles, les modèles les plus efficaces (eaux de surface et souterraines) nécessitent un équipement sophistiqué et une installation complexe, ce qui suppose un investissement initial important. Par ailleurs, les retards en matière de permis de construire, le manque d’installateurs qualifiés, la mauvaise isolation environnante et les difficultés d’intégration dans les réseaux existants compliquent le déploiement des pompes à chaleur.

Un cycle d’investissement induit par l’urgence

Des innovations destinées à résoudre ces problèmes sont rapidement mises en place, en particulier dans des régions comme les États-Unis et l’Europe, où les gouvernements offrent des incitations financières intéressantes. Les perspectives sont prometteuses dans la mesure où, à l’échelle mondiale, les investissements dans la création et le déploiement de pompes à chaleur ont été quasiment multipliés par six entre 2016 et 2021. De plus, les politiques ambitieuses telles que la loi contre l’inflation aux États-Unis et le REPowerEU en Europe encouragent l’adoption de cette technologie et laissent présager une forte demande future pour les fabricants et les installateurs. Rien que dans l’UE, les principaux fabricants ont annoncé plus de 4 milliards d’euros d’investissements entre 2022 et 2026 pour accroître la production [5].

De manière générale, les gouvernements renforcent les réglementations et augmentent les subventions pour encourager la production, l’adoption et la recherche et développement, tant dans le secteur privé que public. Les pompes à chaleur sont un élément essentiel de la transition énergétique, et dans les années à venir, nous prévoyons une consolidation du marché ainsi que d’importants afflux de capitaux dans les entreprises qui composent la chaîne de valeur des pompes à chaleur – des fabricants d’équipements en amont jusqu’aux distributeurs et installateurs en aval.

Sanaa Hakim Mars 2023

Notes

[1] European Heat Pump Association, 15 décembre 2022, « Which countries are scrapping fossil fuel heaters ? »

[2] Euractiv, « EU approves CO2 tax on heating and transport, softened by new social climate fund », 20 décembre 2022.

[3] Euractiv, « Gas Crisis driving heat pump boom in Europe », décembre 2022.

[4] IEA, The Future of Heat Pumps 2022

[5] IEA, The Future of Heat Pumps 2022, tableau 3.4

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