Le rendement de l’emprunt d’Etat américain sur 10 ans a ainsi approché les 2,5 % et celui de l’emprunt allemand équivalent est tombé à 2,25 %, tandis que les rendements des mêmes emprunts britannique et japonais se sont repliés à moins de, respectivement, 3 % et 1 %.
Il existe de multiples explications venant justifier ces fluctuations, mais la principale question est celle de savoir si les obligations sont désormais entrées dans une bulle ? Depuis avril dernier, le rendement de l’emprunt d’Etat américain a chuté de 145 points de base par rapport à son plus haut niveau de 3,99 % d’avril. Cette baisse équivaut à une performance annualisée de 38 % en 4 mois et demi.
Plusieurs critères servent à évaluer si une classe d’actifs connaît une bulle. Tout d’abord, les valorisations doivent atteindre des niveaux extrêmes, puis le rythme de hausse devient parabolique. De nouveaux acheteurs se joignent aux investisseurs traditionnels, lesquels sont moins sensibles aux paramètres de valorisation. Enfin, les bulles tendent à être signalées par un consensus marqué selon lequel « cette fois-ci est différente », invoquant des raisons fallacieuses pour justifier les niveaux de marché.
Si les obligations américaines sont surachetées, il est difficile de conclure à une bulle. Le rendement réel à 10 ans avec l’inflation sous-jacente actuelle est de 1,9%, contre un rendement réel de 0,3 % en décembre 2008. Une comparaison avec le taux de croissance potentiel de l’économie offre une évaluation supplémentaire des valorisations (un rendement réel inférieur à la croissance potentielle suggérant une surévaluation des obligations).
Un rendement réel actuel de 1,9 % comparé avec l’estimation de l’OCDE d’un taux de croissance potentiel du PIB de 1,2 % donne à penser que les obligations sont encore intéressantes. A l’inverse, fin 2008, le rendement réel de 0,3 % comparé avec une croissance potentielle de 2,4 % indiquait que les obligations étaient surévaluées. De nouveaux acteurs ont fait leur apparition, en l’occurrence les Banques centrales qui ont acheté des obligations et des titres adossés à des créances hypothécaires dans leurs programmes d’assouplissement quantitatif. Mais les banques commerciales ont massivement acheté des emprunts d’Etat, et rien ne suggère un changement de mentalité des investisseurs plaidant pour des rendements définitivement plus faibles.
De nombreux investisseurs portent encore les cicatrices des tentatives de vente à découvert du marché des emprunts d’Etat japonais à 2,5 % au début de 1999 - avant d’assister à l’inexorable chute des rendements jusqu’à 0,46 % en juin 2003. Un nouveau groupe d’acheteurs moins sensibles aux cours est présent sur les marchés obligataires (dont la raison d’être est de veiller à la baisse des taux d’intérêt réels) et tout sauvetage pourrait être prématuré dans l’immédiat.