Marcher dans les rues de la City en fin d’après-midi constitue en soi une expérience unique, comme un shoot de dopamine. La première place financière du monde avec New York est celle de toutes les euphories à cette heure de la journée… ou celle de tous les désespoirs.
Mais l’endroit le plus excitant est incontestablement le Ring du London Metal Exchange, qui constitue la dernière bourse à la criée d’Europe. 16:30 est l’heure de la dernière des cinq sessions de trading, connue sous le nom de "kurb".
Dans un bruit assourdissant, une centaine de traders et de clerks se disputent de l’aluminium, du zinc, ou du cuivre, pendant qu’aux quatre coins du monde des clients donnent leur aval au bout du téléphone.
« Les clients tiennent à ce que ce système perdure, pour des questions à la fois de liquidité et de transparence », nous explique-t-on entre deux accalmies. « Il y a aussi des micros et des caméras partout dans la salle, ce qui garantit l’impossibilité totale d’entente ou de manipulation. Ce qui s’est passé par exemple avec le scandale du Libor est impossible ici. »
Le London Metal Exchange, qui a quasiment quadruplé ses effectifs londoniens depuis le rachat par le Hong Kong Exchanges, en 2012, va d’ailleurs conserver cette tradition centenaire lorsqu’il déménagera son siège à quelques centaines de mètres de son actuel building, toujours dans la City.
Le LME a toutefois connu lui aussi quelques scandales. L’actuel directeur général, Garry Jones, a d’ailleurs été nommé il y a deux ans suite à une série de pratiques anti-concurrentielles.
La bourse londonienne, qui échange 80% des métaux cotés dans le monde, a été au cœur d’une tempête dans laquelle étaient impliqués d’autres groupes gérant des stocks de métaux, comme Goldman Sachs, JP Morgan ou Glencore Xstrata.
Les longs délais de livraison de métaux constatés chez certains groupes cotés sur le LME avaient attiré l’attention du Justice Department américain et de l’US Commodity Futures Trading Commission, qui soupçonnaient les groupes concernés d’avoir fait artificiellement flamber les prix, avec le laisser-faire complice du LME.
Aujourd’hui, la première bourse au monde de métaux non-ferreux… croit dur au fer
Le London Métal Exchange cherche à renforcer sa présence sur l’acier, avec la mise sur le marché de contrats à terme sur les armatures et sur les métaux ferreux de récupération.
Leader mondial historique sur les métaux non-ferreux – aluminium et cuivre notamment -, le London Metal Exchange veut se diversifier en proposant deux nouveaux marchés de contrats à terme sur l’acier.
Le groupe est en négociation depuis plusieurs mois avec des acteurs du marché. Certains ont déjà rejoint le LME Steel Committee en début d’année, parmi lesquels l’Américain AK Steel, le Suisse Klesch Group, ainsi que l’Association des Exportateurs d’acier turcs.
Le LME espère attirer de gros négociants d’ici le lancement au mois de novembre, au bénéfice de la nouvelle chambre de compensation qui limitera les risques pour les acheteurs. La présence des plus gros producteurs d’aciers du monde, ArcelorMittal ou Thyssenkrupp, serait un véritable plus mais n’est pas envisageable à court terme.
La réussite du projet dépendra de la volonté des banques à accompagner les opérations, ainsi que l’implication des investisseurs institutionnels et l’intérêt partagé des groupes miniers et des fabricants d’acier. « Les études de marché que nous avons réalisées démontrent que le marché souhaitent ces nouveaux contrats », explique à Next-Finance le directeur du développement commercial du LME, Matthew Chamberlain.
Ceux-ci pourraient transformer radicalement le London Metal Exchange, même si nous sommes très conscients que nous nous situons au tout début du processus. L’acier représente une valeur globale vingt fois supérieure aux métaux de base, nous savons donc qu’il y a un fort potentiel.Matthew Chamberlain, Directeur du développement commercial du LME
Pour renforcer la liquidité des échanges, le LME divisera par dix la taille des éléments d’acier pouvant être vendus. Les transactions porteront sur des contrats de 10 tonnes au lieu de 100 habituellement.
Des dizaines de sous-catégories d’acier existent et pourraient potentiellement être échangées sur la plateforme londonienne, dans la foulée des armatures. « Nous savons qu’il y a des possibilités sur d’autres dérivés ferreux, comme le minerai de fer, et nous pourrions être intéressés, mais nous privilégions une évolution prudente. »
Le fer est une catégorie de métal qui a longtemps été tenue à l’écart des marchés, mais la tendance de long terme est à une progression marquée, dans la foulée du trading de minerai de fer, dont l’exploitation a explosé en Chine.