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Des tours de la seconde guerre mondiale au service du Trading Haute Fréquence

Pour faire de l’argent avec des moyens informatiques ultra-modernes, rien de tel que de s’appuyer sur les plus anciens outils de télécommunications. C’est ce qu’ont compris plusieurs firmes spécialisées dans le trading à haute fréquence, cet avatar du monde de la finance qui génère l’intégralité de ses profits via des algorithmes…

Des firmes de trading automatisé ont racheté d’anciennes stations à radars du sud de l’Angleterre et de la Belgique pour gagner la bataille de la rapidité sur les marchés.

Pour faire de l’argent avec des moyens informatiques ultra-modernes, rien de tel que de s’appuyer sur les plus anciens outils de télécommunications. C’est ce qu’ont compris plusieurs firmes spécialisées dans le trading à haute fréquence, cet avatar du monde de la finance qui génère l’intégralité de ses profits via des algorithmes.

Leur qualité principale est de prendre ou retirer des positions en un temps beaucoup plus rapide que les opérateurs classiques, sur un grand nombre de titres et produits, selon des programmes algorithmiques toujours plus sophistiqués et rapides qui relèguent le trader humain sur les marchés traditionnels.

Pour pouvoir garder de l’avance, ces firmes doivent compter sur des moyens de transmission à la pointe de la technologie. Aussi incroyable que cela puisse paraître, internet ne suffit plus puisque les câbles de fibre optique qui passent sous l’océan Atlantique ne transmettent les signaux qu’en six millièmes de seconde. Or, les firmes de trading ont découvert au début de la décennie qu’elles pouvaient accéder aux ordres environ 30 fois plus rapidement grâce à des systèmes de transmission satellite par micro-ondes.

Relier Londres à Francfort, puis à New York

Pour optimiser le signal, de grandes tours sont nécessaires, un peu comme aux premiers temps de la transmission sans fil (TSF) il y a un peu moins d’un siècle. C’est tout naturellement que ces firmes se sont orientées vers les tours qui étaient précisément construites à cette fin, notamment dans les années qui avaient précédé la Seconde Guerre Mondiale.

La société américaine Jump, qui compte des bureaux dans la City, a donc acheté la grande tour métallique de Dunkirk (Kent), haute de 110 mètres, en 2012, pour 158 000 livres (224 000 euros).

La société américaine Jump, qui compte des bureaux dans la City, a donc acheté la grande tour métallique de Dunkirk (Kent), haute de 110 mètres, en 2012, pour 158 000 livres (224 000 euros). Ce gigantesque pylône est aujourd’hui équipé de ces antennes à micro-ondes, qui transmettent les données vers Londres, Francfort, puis New York (via fibre optique sous-marine dans ce dernier cas).

D’autres firmes ayant la même activité ont également investi dans ces antennes à micro-ondes, comme Optiver, Getko ou Flow Traders, sur les vieilles tours de Swingate, près de Dover, ou dans les Cornouailles.

Ces initiatives ne plaisent pas vraiment à la population locale, notamment à Dunkirk, où le Daily Mail a noté une certaine inquiétude des habitants au sujet des potentielles conséquences sanitaires de l’exposition longue durée à des ondes aussi puissantes. Cette tour est loin d’avoir joué un rôle anecdotique pendant la Seconde Guerre Mondiale. La Royal Air Force Dunkirk, nom de guerre de l’ensemble des défenses de cette zone, était en première ligne pour contrer ou à tout le moins signaler les innombrables attaques aériennes nazies, avant et pendant le Blitz qui détruisit une grande partie de Londres.

La Banque d’Angleterre s’interroge

Malheureusement pour les firmes de HFT (high frequency trading), Dunkirk est l’une des cinq stations, et seulement cinq, qui sont restées debout, contre vingt avant la Guerre. Huit stations sont aujourd’hui réutilisées par le HFT, dont une en Belgique, à Houtem, à mi-chemin entre la City et Francfort. Une tour vraiment stratégique puisque la société Jump aurait payé 5 millions d’euros au ministère de la Défense belge pour l’acquérir.

Les profits du trading automatisé sont dépendants de ces investissements. Au-delà de ces questions logistiques et du caractère opaque par nature de leur activité (profiter de la technologie pour obtenir une information que les autres n’ont pas, acheter/vendre au bénéfice de la maîtrise accrue des micro délais), le trading automatisé représente une menace de plus en plus prise au sérieux par les régulateurs pour la stabilité financière.

La Bank of England se penche sur la question depuis l’année dernière, notamment suite à l’effondrement des rendements des Bons du Trésor US et la flambée de 28% du franc suisse en janvier, des événements attribués au rôle ambigu des HFT. Le "Flash Crash" de la Bourse de New York en 2010 (-10% en 36 minutes) a également marqué les esprits.

La Bank of England se penche sur la question depuis l’année dernière, notamment suite à l’effondrement des rendements des Bons du Trésor US et la flambée de 28% du franc suisse en janvier, des événements attribués au rôle ambigu des HFT. Le "Flash Crash" de la Bourse de New York en 2010 (-10% en 36 minutes) a également marqué les esprits.

Dans le Times, le président du Treasury Select Committee Andrew Tyrie a présenté le trading automatisé comme "l’un des plus gros défis réglementaires des prochaines années. Les régulateurs vont devoir être vigilants, identifier et comprendre pleinement les risques systémiques dans un environnement technologique changeant."

Un resserrement réglementaire devrait intervenir dans les prochains mois, sans remettre en cause, pour l’instant, l’utilisation des tours de guerre historiques.

JH Janvier 2016

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