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A quand le retour du discernement ?

Les investisseurs semblent avoir clairement pris acte de la dégradation de l’environnement macroéconomique, ces derniers mois. Le ralentissement de la croissance et le retour des tensions inflationnistes ont en effet provoqué un repli conséquent des valorisations boursières depuis le début de l’année...

Les investisseurs semblent avoir clairement pris acte de la dégradation de l’environnement macroéconomique, ces derniers mois. Le ralentissement de la croissance et le retour des tensions inflationnistes ont en effet provoqué un repli conséquent des valorisations boursières depuis le début de l’année, dans un contexte de hausse des taux peu propice à la prise de risque. Que les investisseurs revoient à la baisse leurs prévisions de croissance des marges bénéficiaires dans un tel contexte n’a bien sûr rien d’anormal. Mais qu’ils le fassent indistinctement sur l’ensemble de la cote l’est en revanche davantage. Car toutes les valeurs sont loin d’être logées à la même enseigne, loin s’en faut.

Succession de « deratings » de valeurs et convergence à la baisse

Prenons l’automobile « premium » allemand. Les derniers résultats trimestriels de BMW et de Mercedes-Benz Group font état d’une progression de leur retour sur capitaux employés ou encore de leur chiffre d’affaires, en dépit de la baisse de leurs nouvelles immatriculations. Dit autrement, ces groupes ont compensé la crise d’offre à laquelle ils sont confrontés du fait de leurs problèmes d’approvisionnement et de supply chain par une poursuite des montées en gamme et par des hausses de prix largement consenties par leurs clients. Et les perspectives de long terme ne sont pas moins favorables. La force de leur image et la transformation de leur chaîne de valeur vers les services leur permettent en effet de résister à l’inéluctable banalisation à venir du secteur. Deux cas d’école de Pricing Power, donc, dont les potentialités à long terme restent pourtant largement ignorées par les investisseurs. Après leur décrochage du début de l’année, ils s’échangent autour de 6 à 7 fois leur résultat, comme n’importe quelle valeur cyclique, alors que leurs multiples de valorisation devraient avoisiner ceux du luxe, avec lequel ils partagent de nombreux attributs.

Autre exemple, dans un tout autre univers : Smurfit Kappa. Le leader de l’emballage en carton bénéficie d’un double moteur : le besoin croissant de substitution aux emballages plastiques et l’explosion du e-commerce. En découle un rapport de force particulièrement favorable, qui lui a permis d’imposer à ses clients des hausses de prix de 19% en 2021, puis de 8% à 10% en 2022 ! Las, le groupe irlandais a perdu près d’un tiers de sa valeur depuis le début de l’année, encombré par son statut pourtant inadapté de valeur cyclique. Et entre ASML et Somfy en passant par Dr Martens, les exemples de ce type abondent.

La succession des séquences de « derating » de pans entiers de la cote et la convergence à la baisse des parcours boursiers qui en découlent sont anormales. Elles le sont d’autant plus que l’environnement inflationniste actuel creuse un large fossé entre les valeurs en mesure de faire progresser leur marges grâce à un Pricing Power bien arrimé et la masse des autres, réduits à leur incapacité à compenser la hausse de leurs coûts.

L’inflation accélère l’obsolescence des statuts boursiers

Pourquoi une telle cécité ? Une première réponse tient à la nature même des intervenants sur les marchés boursiers. L’omniprésence des algorithmes et des robots génère du bruit et altère la capacité à court terme de la cote à refléter les changements de paradigme. Mais au-delà de ces enjeux techniques, ce qui se joue aujourd’hui est la capacité des investisseurs à se saisir de ce nouvel environnement dans leur grille de lecture. Survivance d’une époque désormais révolue, les statuts boursiers restent encore la boussole générale. Ils rassurent, alors même que le contexte inflationniste sape leur capacité à déceler les potentiels réels de création de la valeur et de résistance aux chocs exogènes. Au moment où l’inflation accélère l’obsolescence de ce type de référentiel, la capacité d’une entreprise à décider durablement et sans entrave de sa politique de prix devrait être plus que jamais l’aiguillon central d’une stratégie d’investissement sur les marchés d’actions, préalable à un meilleur discernement. Le temps se chargera de le prouver.

Gérard Moulin Juillet 2022

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