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Accumulation historique d’épargne aux Etats-Unis : quelles conséquences pour la croissance et les marchés ?

Que cela soit volontaire ou non, les ménages américains ont consommé beaucoup moins que leurs revenus en 2020 et donc accumulé des montants d’épargne très importants. Cela a fait dire à certains que la croissance et la consommation seraient dopées en 2021...

Que cela soit volontaire ou non, les ménages américains ont consommé beaucoup moins que leurs revenus en 2020 et donc accumulé des montants d’épargne très importants. Cela a fait dire à certains que la croissance et la consommation seraient dopées en 2021. L’analyse de la répartition de l’épargne par groupe de population et par support indique que les conséquences sur la croissance et les marchés financiers seront vraisemblablement très différentes.

L’épargne a beaucoup monté en 2020 aux Etats-Unis

Les ménages ont volontairement (épargne de précaution) ou involontairement (restrictions sanitaires) consommé beaucoup moins que leurs revenus en 2020. De janvier à octobre, c’est 2930 Mds $ qui ont été épargnés en agrégé (on fait simplement la différence revenus – dépenses pour chaque mois), soit 1424 Mds $ de plus que sur les 10 premiers mois de l’année 2019. Cet excédent d’épargne est bien plus important que dans d’autres zones car les revenus des Américains ont fortement augmenté en 2020 (grâce aux mesures du CARES Act : chèques de 1200 dollars par adulte et 500 par enfant et programmes d’allocation chômage permettant parfois des taux de remplacement très importants [1]). Cela a fait dire à certains que l’utilisation de cette épargne allait fortement stimuler la consommation en 2021. Pour en savoir davantage, nous avons étudié la distribution de cette épargne par groupe de population et sa répartition en types de support.

L’excès d’épargne a essentiellement été capté par les 10% les plus riches

Sur les trois premiers trimestres de l’année, les ménages américains ont acquis 2714 Mds $ d’actifs financiers : 2146 en dépôts bancaires et espèces, 291 en fonds monétaires, 168 en actions et parts dans des fonds mutuels et 109 sur d’autres supports. En première approximation, l’essentiel de l’épargne accumulée s’est retrouvé sous 2 formes : dépôts bancaires surtout mais aussi fonds monétaires. On retrouve ici une bonne partie de l’explication de la très forte augmentation de la masse monétaire, qui a beaucoup fait parler cette année (en effet, l’agrégat monétaire M2 est constitué des espèces, des dépôts bancaires et de parts dans certains fonds monétaires).

Les données de répartition du patrimoine (« distributional ») de la Fed permettent de savoir comment se répartit l’épargne accumulée par groupes de population. Elles ne couvrent que le 1er semestre (sur l’ensemble du Q1 et du Q2, c’est 2130 Mds $ d’actifs financiers qui ont été acquis par les ménages) mais elles permettent quelques constatations intéressantes.

Concentrons-nous sur les dépôts bancaires, espèces et fonds monétaires, qui ont représenté 98% des actifs financiers acquis par les ménages au T1 et T2. Sur la période, un tiers de ces actifs ont été acquis par les 1% les plus riches, un autre tiers par les 9% suivants, 30% par les 40% suivants et 3% par les 50% les moins riches. Les 50% les moins riches n’auraient ainsi épargné que 70 Mds $ sur le premier semestre. Ainsi, les 10 % les plus riches ont accumulé les deux tiers de l’épargne du premier semestre (on retrouve ici la même idée que dans l’enquête réalisée par le Census Bureau auprès des ménages : 3% des individus gagnant moins de 25 000 $ par an indiquaient avoir l’intention d’épargner les ressources perçues grâce au soutien budgétaire, contre 19% des individus gagnant entre 150 000 et 200 000 $ par an).

Même si l’épargne accumulée permettra de financer de la consommation et donc stimulera la croissance en 2021, il est peu probable que l’effet soit aussi fort que ce que certains prétendent. En effet, les 10 % les plus riches ont accumulé les deux tiers de l’épargne du premier semestre mais les 10% avec les revenus les plus élevés (en première approximation, les mêmes personnes) ne représentent « que » 23% de la consommation totale (contre 47% de la consommation totale pour les 40% suivants dans la distribution de revenus et 30% de la consommation totale pour les 50% aux revenus les plus faibles).

De plus, l’épargne accumulée au 1er semestre par les 10% les plus riches représente l’équivalent de 40% de leur consommation annuelle 2019, mais seulement 8% de la consommation annuelle 2019 pour les 40% suivants et 2% de la consommation annuelle 2019 pour les 50% les plus pauvres. En d’autres termes, pour 90% des Américains, l’épargne accumulée ne pourrait stimuler la consommation qu’à la marge.

Toutefois, il est très probable que l’épargne accumulée constitue un fort soutien pour les marchés d’actifs risqués sur les mois qui arrivent. En effet, si la première moitié de l’année a constitué une phase d’épargne largement concentrée sur les dépôts bancaires et sur les fonds monétaires, des données plus récentes indiquent :

  • Que les dépôts bancaires n’ont pas baissé sur les derniers mois/dernières semaines,
  • En revanche, les actifs sous gestion des fonds monétaires ont commencé leur décrue en juin. Cette décrue s’est poursuivie, sur un rythme de 18 Mds $ par semaine en moyenne !
  • Les sorties des fonds monétaires (pour les ménages, les 10% les plus riches sont quasiment les seuls détenteurs) ont visiblement été largement réinvestis dans des fonds obligataires crédit
  • (surtout Investment Grade, mais aussi High Yield et obligations indexées à l’inflation).

L’épargne accumulée par les ménages américains stimulera évidemment la consommation en 2021, mais sans doute pas autant que ce que certaines banques d’investissement suggèrent car elle a très largement été concentrée sur les 10% les plus riches. En revanche, cette épargne devrait continuer à soutenir les actifs risqués - et en particulier le crédit - car les ménages les plus aisés vont continuer à changer leurs allocations d’actifs, en quittant les fonds monétaires (après des souscriptions record en début d’année) pour souscrire dans les fonds crédit et actions.

Annexes

Bastien Drut Décembre 2020

Notes

[1] Ganong P., P. Noel et J. Vavra, 2020, « US unemployment insurance replacement rates during the pandemic », Journal of Public Economics, vol. 191.

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