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Actions bancaires européennes : Profiter d’une option bon marché sur le risque de taux et de distributions records

Les banques européennes sont celles qui profitent le plus des anticipations de hausse des taux d’intérêt. Bien qu’elles aient rarement semblé aussi bon marché par rapport aux marchés européens, leur sensibilité à la hausse des taux d’intérêt a rarement été aussi élevée...

Une décennie de liquidité qui coule à flots a fait baisser les taux d’actualisation, dopant les multiples des marchés d’actions et portant les durations à des sommets. Au moment où les banques centrales partout dans le monde s’apprêtent à réduire l’assouplissement quantitatif, les actions qui intègrent une forte croissance des bénéfices et des cash flows futurs sont plus à risque. Nous nous attendons donc à ce que les valeurs cycliques surperforment les valeurs sensibles à la liquidité lorsque l’impulsion monétaire s’estompera et que la croissance économique prendra le dessus.

Parmi elles, les banques européennes sont celles qui profitent le plus des anticipations de hausse des taux d’intérêt. Bien qu’elles aient rarement semblé aussi bon marché par rapport aux marchés européens - la décote en P/E atteignant 45% à la fin de l’année dernière - leur sensibilité à la hausse des taux d’intérêt a rarement été aussi élevée. Cela est dû à l’environnement de taux négatifs et au niveau d’excès de liquidités. En effet, comme les banques sont surfinancées et que les dépôts sont toujours rémunérés au-dessus du taux de la BCE, il est très peu probable qu’elles répercutent une quelconque hausse des taux sur les déposants.

En plus de l’optionnalité bon marché sur les taux d’intérêt, l’augmentation des ratios de distribution réduira encore la duration et devrait donner un coup de fouet aux valorisations. Dans ce revirement emblématique, les banques européennes devraient désormais verser davantage de dividendes et réaliser davantage de rachats d’actions en 2022 qu’avant la crise financière de 2008. Nous nous attendons à ce qu’elles versent plus de 80 milliards d’euros aux actionnaires cette année, alors qu’elles avaient atteint un pic de 75 milliards d’euros avant 2008.

En 2021, les investisseurs bancaires ont récupéré leurs pertes de 2020 à mesure que les craintes de pertes de crédit élevées se dissipaient. De la même manière, ils peuvent espérer récupérer leurs pertes de 2018-2019 cette année avec les perspectives d’une lente normalisation de la politique monétaire et d’une augmentation des distributions. Dans notre scénario de base pour 2022, nous attendons des banques européennes un rendement total de 20 à 30%. Nous exposons ci-dessous les principaux arguments qui sous-tendent notre raisonnement. Nous discutons des scénarios alternatifs à la fin de cette note.

1. Alors que le cycle monétaire est sur le point de se retourner, nous ne sommes qu’au début du cycle de croissance

La hausse du coût de la liquidité devrait toucher en premier lieu les segments du marché dont les valorisations sont les plus agressives, à savoir les valeurs technologiques émergentes et les SPAC. Bridgewater estime que 10% de la capitalisation boursière totale des États-Unis aujourd’hui intègre une croissance annuelle de plus de 20% et ce pendant plus d’une décennie. Historiquement, seules 2% des actions ont réussi cet exploit et 0,5% ont réussi à combiner croissance rapide et expansion des marges. Il est intéressant de noter que les investisseurs particuliers se sont concentrés sur quelques segments, environ deux tiers des flux de particuliers en 2021 se sont dirigés vers la technologie, les entreprises automobiles et les compagnies aériennes. Les financières et les matières premières ont été parmi les secteurs bénéficiant du moins de flux. Si la bulle se retourne, les traders pour compte propre pourraient être contraints de réduire leur effet de levier et de liquider leurs positions, ce qui entraînerait une surperformance relative des secteurs "démodés". Cela pourrait avoir des implications plus larges pour les géants de la technologie également, qui tirent 10% de leurs revenus des dépenses des startups mondiales en matière de cloud et d’acquisition de clients en ligne.

Pour de nombreuses entreprises, les solides perspectives économiques seront une force qui contrebalancera l’impact de la réduction des liquidités. Par rapport aux États-Unis, l’Europe est plus orientée vers les entreprises cycliques, avec un levier opérationnel élevé et a encore une partie du rebond post-COVID à capturer. En Europe, le taux d’épargne des ménages est encore environ deux fois plus élevé que son niveau pré-pandémique, alors qu’il s’est normalisé aux États-Unis. L’impact des futures vagues de Covid devrait globalement s’atténuer, le nombre d’individus sans immunité acquise devrait continuer de diminuer. Même si les dépenses publiques seront moins élevées qu’en 2020 et 2021, elles resteront nettement supérieures à leur rythme normal. Le marché du travail est en surchauffe avec un nombre record de postes vacants des deux côtés de l’Atlantique, mais davantage de capacités excédentaires en Europe. Au total, le consensus s’attend à des chiffres de croissance du PIB réel de 4,2% dans la zone euro, principalement tirés par la consommation, et de 3,9% aux États-Unis, principalement tirés par l’investissement privé.

Certains craignent une répétition de 2018, où tout le monde a commencé l’année en hausse pour la terminer dans le pessimisme. 2018 fut une année terrible pour les valeurs bancaires européennes. Les tensions sur les spreads souverains italiens, les négociations sur le Brexit et les discussions sur l’imminence d’une récession aux États-Unis et en Chine ont entraîné une chute de 25% de l’indice SX7R quand le marché dans son ensemble a enregistré une performance de -11%. Il est vrai qu’il existe des similitudes avec janvier 2018  : les prévisions de croissance sont élevées ; les marchés de l’emploi sont proches de leur pleine capacité ; les banques centrales sont plus disposées à freiner la demande ; certains segments du marché du crédit, comme les leveraged loans américains, semblent tendus. Pour les banques européennes, on pourrait dire que les attentes en matière de pertes sur créances reflètent désormais la reprise que nous avons connue et qu’elles ont peu de marge de manœuvre pour s’améliorer encore.

Toutefois, il existe des différences essentielles :

  • Nous sommes beaucoup plus tôt dans le cycle. L’économie européenne a à peine retrouvé son niveau d’avant la pandémie et a beaucoup de retard à rattraper, avec un excès de liquidités record à recycler.
  • La BCE est déterminée à maintenir les spreads de taux souverains sous contrôle. Elle aura la possibilité de réinvestir le bilan du PEPP de manière flexible entre les pays, sans contrainte de répartition du capital. La direction prise est celle d’un "mécanisme de put", c’est-à-dire un assouplissement quantitatif avec des paramètres flexibles qui serait temporairement déployé en cas de stress du marché.
  • Les valorisations de départ ne sont pas les mêmes. Les taux de swap Euro 10Y et 30Y étaient respectivement 80bps et 110bps plus élevés. Le SX7E se négociait environ 40% plus haut que ses niveaux actuels. En terme de valeur relative, la décote de P/E pour les banques européennes est désormais de 45% contre seulement 20% début 2018.

2. La dynamique de taux est positive pour les marges de crédit

Les attentes concernant les futures hausses de taux seront un facteur clé pour les actions bancaires. Dans la zone euro, la sensibilité aux taux d’intérêt est plus élevée que lors des cycles précédents en raison de l’environnement de taux négatifs et du niveau de liquidités excédentaires. Comme les banques sont surfinancées et que les dépôts sont toujours rémunérés au-dessus du taux de la BCE, il est très peu probable qu’elles répercutent une quelconque hausse de taux sur les déposants. Nous estimons que pour un déplacement de 100bps dans la partie courte/moyenne de la courbe, les bénéfices des banques augmenteraient en moyenne de 25% dans les 18 premiers mois, avec de fortes disparités (+100% pour Sabadell, +5% pour le Crédit Agricole).

La surprise de l’inflation a fait remonter les anticipations de taux d’intérêt de leurs plus bas niveaux historiques. Les taux swap Euro 10 ans sont maintenant 50bps plus élevés que leurs plus bas de 2020 (bien qu’ils restent 90bps plus bas que leur plus haut de 2018). Aucun prévisionniste publié n’a été proche de pronostiquer des taux d’inflation en glissement annuel de respectivement 7% et 5% aux États-Unis et dans la zone euro pour la fin de 2021.

Les banques centrales, bien qu’ayant initialement écarté les pressions inflationnistes comme étant provisoires, ont dû revoir leurs anticipations. Dans son dernier scénario central, la BCE prévoit que "l’inflation devrait être plus élevée pendant plus longtemps, mais devrait tomber légèrement en dessous de 2% à la fin de 2022 et s’établir à 1,8% en 2023 et 2024". Il est essentiel de noter que ce chiffre est très proche du niveau impliqué par la « forward guidance » (c’està-dire que l’inflation atteindra 2% bien avant la fin de son horizon de projection et durablement pour le reste de cet horizon). Le seuil de relèvement des taux sera donc probablement atteint si les pressions inflationnistes surprennent de nouveau à la hausse.

Nous pensons qu’une multitude de facteurs devrait maintenir l’inflation M/M en Europe bien au-dessus d’un taux annualisé de 2% pendant la majeure partie de 2022 :

  • Malgré les contraintes de Covid sur les services, le marché du travail est tendu, avec un nombre élevé de postes vacants et des taux de chômage proches de leurs plus bas niveaux depuis la grande crise financière.
  • Les consommateurs européens continuent d’épargner beaucoup plus qu’avant (20% de leurs revenus contre 12% auparavant) et n’ont pas réinjecté leurs économies de pandémie dans la consommation.
  • La faible immunité et les politiques rigides de Covid dans les pays manufacturiers, notamment en Chine, maintiendront les chaînes d’approvisionnement sous pression.
  • Les retards et les arriérés ne sont toujours pas résorbés, ils continuent à se dégrader mais à un rythme plus faible.

3. Les activités de capital market et de gestion d’actifs sont toujours un soutien pour les commissions

2020 et 2021 ont été deux grandes années pour les banques d’investissement. En 2020, les entreprises se sont précipitées pour obtenir des financements sur les marchés obligataires afin de résister à l’impact économique de la Covid. En 2021, les taux d’intérêt bas, les liquidités excédentaires et les valorisations attrayantes ont entraîné un boom des introductions en bourse, des fusions-acquisitions et des SPAC. Le resserrement des primes de risque et le volume élevé des transactions dans le cadre d’une frénésie de transactions de détail ont permis aux salles de marché d’enregistrer des bénéfices records.

L’année 2022 s’annonce prometteuse. Le pipeline des fusions et acquisitions reste très solide. Les sociétés de capital investissement sont assises sur un niveau record de liquidités non déployées et doivent faire face à la pression du rendement des capitaux. Elles chercheront probablement à anticiper le resserrement monétaire des banques centrales et à profiter des conditions de financement exceptionnelles actuelles pour réaliser des transactions. Bien que l’impulsion donnée par les liquidités s’estompe, la politique sera encore très accommodante pendant un certain temps, en particulier en Europe, ce qui devrait offrir un environnement plus confortable pour les salles de marché.

Pour les banques ayant des activités solides de gestion d’actifs ou de distribution de fonds, 2022 devrait être une année positive, bien que probablement moins forte que 2021. Les ménages ont mis beaucoup d’argent de côté dans des véhicules à faible risque tels que des comptes bancaires et des polices d’assurance-vie garanties, et le ratio d’investissement est toujours inférieur au ratio d’épargne.

4. La croissance des prêts devrait s’accélérer, en particulier dans la périphérie

La croissance des prêts aux entreprises est depuis longtemps anémique dans la zone euro. L’encours des prêts bancaires aux sociétés non financières n’a pas augmenté depuis 2009. Cette situation résulte de la combinaison du désendettement dans certains pays (Espagne notamment) et d’une proportion croissante de financements provenant des marchés de la dette. Par conséquent, les prévisions actuelles de croissance des prêts aux entreprises sont très faibles, c’est-à-dire proches de 0%.

Les 807 milliards d’euros du fonds Next Generation EU (NGEU) devraient donner une impulsion significative de 1,5% au PIB de l’UE en 2026. En prenant pour hypothèse un multiplicateur de 2,5x et une contribution de 35% par financement bancaire, la demande de prêts du secteur privé en Espagne et en Italie, par ailleurs faible, pourrait être stimulée de 2 à 3%. Compte tenu de la forte liquidité des entreprises cela pourrait devenir plus visible à la fin de 2022.

Les encours de cartes de crédit aux Etats-Unis et au Royaume Uni pourraient enfin commencer à se redresser, le taux d’épargne ayant retrouvé son niveau pré-pandémie. Cela devrait être positif pour les banques ayant une présence importante dans le secteur du crédit à la consommation dans ces pays, comme Barclays ou Santander. En Europe continentale, il est peu probable que les encours de cartes de crédit se redressent avant la fin de l’année 2022, mais la rénovation des logements pourrait s’avérer être un coup de pouce suite à la tendance au déménagement observée en 2021.

À plus long terme, les investissements importants nécessaires pour rendre l’économie plus verte et atteindre la neutralité carbone entraîneront une hausse du ratio investissement/PIB, ce qui est positif pour la croissance des prêts et les commissions sur les activités de marchés.

5. Les records en matière de retour aux actionnaires devraient soutenir les valorisations

Avec le secteur des matières premières, les banques et les compagnies d’assurance sont les segments les plus rémunérateurs du marché boursier européen. Le consensus prévoit un rendement moyen des dividendes de 5,7% pour les banques européennes en 2022 et 2023. Ce taux est supérieur à la moyenne de 4% enregistrée pour le secteur depuis la crise financière de 2008. En outre, les banques ont commencé à distribuer leur capital excédentaire, qui n’a jamais été aussi élevé. L’action Unicredit a gagné 25% en décembre lorsque la banque a annoncé son intention de distribuer 16 milliards d’euros (60% de sa capitalisation boursière de l’époque) aux actionnaires au cours des 3 à 4 prochaines années. BBVA et BNP ont enregistré de très bonnes performances boursières après avoir annoncé la cession de leurs activités aux États-Unis et la distribution ultérieure d’une partie du capital excédentaire généré. Nous attendons des annonces de la part d’autres banques, en particulier lorsqu’elles présenteront leurs résultats au titre de l’exercice 2022 début février. Au total, nous prévoyons un rendement lié aux rachats d’actions de 3% pour 2022, en plus du rendement du dividende de 5,7%. Cela se traduirait par des ratios de distribution d’environ 70% en 2022 et 2023, bien supérieurs à la moyenne historique de 50%. En 2023, la distribution totale devrait s’élever à 85 milliards d’euros, dont 30 milliards d’euros sous forme de rachats d’actions.

Il est important de noter que les craintes concernant l’impact de Bâle IV sur le niveau des fonds propres excédentaires sont désormais dissipées. La date de mise en œuvre complète a encore été repoussée à 2030 et l’inflation des actifs pondérés en fonction des risques est maintenant susceptible de se situer autour des 5%.

Pour les banques, cela signifie que les fonds propres générés sur une demi-année s’avéreront globalement suffisants pour faire face aux exigences plus strictes, qui ne se feront pas sentir avant longtemps de toute façon. Il semblerait que les régulateurs mondiaux en aient fini avec les banques et se concentrent désormais sur le shadow banking et la Tech.

6. Scénarios alternatifs

Bien que nous soyons confiants dans notre scénario de base, nous reconnaissons que les perspectives de croissance et de hausse des taux resteront très controversées pendant au moins deux trimestres. Nous prévoyons que la volatilité proviendra de ce débat macroéconomique central ainsi que de chocs externes potentiels (géopolitique, élections, etc.). Plus spécifiquement, nous porterons une attention particulière à 3 sujets :

a. Le débat sur la bonne et la mauvaise inflation

La dynamique de l’inflation et la façon dont elle est interprétée sera déterminante pour les marchés. Les trois scénarios suivants résument les résultats possibles :

1. Si l’inflation ne se répercute pas sur les salaires, elle risque d’éroder le pouvoir d’achat et d’entraîner une baisse des hypothèses de croissance et, par voie de conséquence, une moindre probabilité de hausse des taux d’intérêt. Ce scénario serait quelque peu négatif pour les banques, mais n’entraînerait pas une baisse importante, car les valorisations actuelles ne reflètent pas le scénario haussier pour les taux.

2. Si les salaires nominaux suivent la hausse des prix de manière proportionnelle, il est peu probable que l’inflation se "neutralise" et les banques centrales devront intervenir. Les taux court terme et long terme monteront mais pas au point de déclencher une crise de la dette. Il s’agit du scénario le plus positif pour les valeurs bancaires européennes, et également de notre scénario central.

3. Si les anticipations d’inflation conduisent à une spirale auto-réalisatrice, les marchés pourraient penser que les banques centrales seront forcées de restreindre les conditions de financement de manière très agressive, au point de provoquer un effondrement de l’économie. Compte tenu des niveaux des déficits publics et de la dette globale, ce processus serait très douloureux pour tous les secteurs et toutes les classes d’actifs (à l’exception des actifs à faible duration, protégés contre l’inflation et sans risque de crédit, tels que l’or ou les matières premières.).

b. Chocs géopolitiques

Les marchés pourraient subir des baisses liées à des événements géopolitiques. L’agenda est assez riche en tensions diplomatiques :

1. La situation en Ukraine pourrait entraîner une pénurie d’énergie et des rhétoriques de guerre. Nous préférons éviter les banques qui sont exposées à la région (comme RBI ou Sberbank).

2. Les tensions dans la région Asie-Pacifique augmentent, avec Taïwan en point de mire. Cette histoire sera particulièrement importante pour HSBC et Standard Chartered.

3. L’Iran se rapproche de l’obtention d’armes nucléaires. Les prix du pétrole pourraient augmenter brusquement si les menaces de guerre dans la région se concrétisent.

c. Le calendrier électoral

Plusieurs élections sont à venir. Les élections de mi-mandat aux États-Unis sont susceptibles de réduire la marge de manœuvre de Biden. Cela devrait être neutre pour les marchés, car les hausses d’impôts sont perçues négativement, mais la réduction des dépenses prévues pourrait réduire les perspectives de croissance. En France, l’incertitude pourrait augmenter si la dispersion dans les sondages des candidats diminue et si l’avance de Macron se réduit. En Italie, il faudra désigner un successeur à Mario Draghi. La force de la nouvelle coalition allemande n’a pas encore été testée.

Antonio Roman Février 2022

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