Next-Finance : Quelle est la proportion d’assureurs en modèle interne versus modèle standard ? Qu’est-ce qui explique cette proportion en faveur du modèle standard ?
Agnès Lossi : Les assureurs qui sont aujourd’hui passés en modèle interne se comptent encore sur les doigts des mains et font partie de groupes internationaux. Le modèle standard est donc la norme pour la très grande majorité. Le passage en modèle interne requiert des investissements lourds que peu d’organismes sont prêts à porter. Certains peuvent néanmoins faire le choix de faire valider à l’ACPR tout ou partie de leur bilan en modèle interne afin de profiter de facteurs de diversification que le modèle standard ne prendrait pas compte.
Quel est l’impact de Solvency II sur l’allocation des assureurs ?
Solvabilité II introduit un principe de gestion économique du bilan actif-passif. La contribution du risque de marché aux besoins de fonds propres est élevée. Il représente près de 50 % des exigences en capital d’après une analyse de l’ACPR réalisée lors du dernier exercice pre-Solvabilité II. Il est ainsi facile de comprendre que le degré de sensibilité des investisseurs à Solvabilité II au niveau de leur allocation d’actifs sera fortement dépendant du poids du SCR de marché dans le SCR total et de la marge globale de couverture des fonds propres de chacun. A l’échelle du marché français, l’introduction de la nouvelle Directive s’est essentiellement traduite par une diminution des allocations en actions au profit de la diversification obligataire et, plus récemment, du non coté. Il convient également de prendre en compte l’impact des taux durablement bas dans les déterminants des évolutions de l’allocation d’actifs des organismes.
A l’échelle du marché français, l’introduction de la nouvelle Directive s’est essentiellement traduite par une diminution des allocations en actions au profit de la diversification obligataire et, plus récemment, du non coté.Agnès Lossi, Directrice Associée au sein de la société de conseils Indefi
Quid de la proportion de l’obligataire dans leur portefeuille ? Avec de surcroît un risque de remontée de taux, n’y-a-t-il pas là un risque majeur pour les assureurs ?
Les actifs des assureurs sont en effet en grande majorité des obligations (plus de 80 %). La sensibilité à la remontée des taux de l’actif des assureurs doit tout d’abord s’appréhender en regard du passif. Le risque majeur pour les assureurs qui apparait surtout est celui d’un environnement de taux qui resterait durablement très bas ou bien qui remonterait violemment, incitant des assurés à racheter leurs contrats pour investir sur de nouveaux supports. Notons que les organismes épargne en France ont de notre point de vue les moyens de faire face à ce dernier scénario. Il n’est pas nécessaire d’agiter le « chiffon rouge » de l’intervention des autorités publiques, même si les dispositions de la loi Sapin II (article 21 bis) relèvent du bon sens et de la saine anticipation.
Quid du recours des assureurs à des stratégies de couvertures pour leurs portefeuilles ? Cela se fait-il essentiellement via des dérivés ou directement dans des fonds hedgés où le gérant assure lui-même la couverture ?
Les assureurs sont historiquement des utilisateurs de couvertures financières. Les plus experts gèrent en direct ces couvertures. Le choix de loger ces couvertures dans une enveloppe dédiée peut être aussi vu comme un moyen efficace comptablement puisque les impacts comptables de chaque mouvement de couverture sont cantonnés au niveau de l’enveloppe.
Les fonds de dettes, la dette infrastructure ou encore l’immobilier sont des classes d’actifs plutôt bien traitées dans Solvency II. Voyez-vous une augmentation des encours sur ces classes d’actifs chez les assureurs ?
Le contexte de taux durablement bas invite les investisseurs à faire évoluer leurs allocations en augmentant les actifs de diversification : cette tendance s’illustre notamment par un poids croissant des investissements non cotés, que ce soit dans les portefeuilles obligataires ou dans les actifs réels. Les investissements en actifs non cotés répondent avant tout à l’objectif de recherche de nouvelles sources de rendement. Ces derniers bénéficient par ailleurs d’un traitement règlementaire privilégié sous Solvabilité II, ce qui alimente cette dynamique de croissance. Les assureurs sont des investisseurs de long terme et peuvent ainsi porter une partie d’illiquidité.
Le contexte de taux durablement bas invite les investisseurs à faire évoluer leurs allocations en augmentant les actifs de diversification : cette tendance s’illustre notamment par un poids croissant des investissements non cotés...Agnès Lossi, Directrice Associée au sein de la société de conseils Indefi
Concernant Solvency II, quelles sont les défis encore à relever chez les assureurs ?
Beaucoup d’efforts ont été consentis dans la phase préparatoire à la mise en œuvre de la Directive. Tout n’est pas figé pour autant depuis le 1er janvier. Si l’on prend par exemple la question de la transparisation, c’est un chantier qui a avancé vite mais qui est loin d’être abouti, ne serait-ce qu’en matière de qualité et d’analyse des données. Du point de vue des allocations, les mouvements d’envergure sont derrière nous et sont aujourd’hui plus déterminés par l’environnement de taux. Les évolutions sont attendues dans le cadrage des relations entre organismes et délégataires de gestion. Enfin, nous nous attendons à beaucoup d’avancées en matière de gestion dynamique de bilan et de pilotage des fonds propres et de leur volatilité, qui est probablement l’enjeu majeur pour les institutions.
Nous nous attendons à beaucoup d’avancées en matière de gestion dynamique de bilan et de pilotage des fonds propres et de leur volatilité, qui est probablement l’enjeu majeur pour les institutionsAgnès Lossi, Directrice Associée au sein de la société de conseils Indefi