Les indicateurs avancés en novembre signalent une nouvelle accélération à court-terme de l’économie mondiale au-delà du seuil de 4%. Ce rythme d’expansion sensiblement supérieur au potentiel (3,5%) devrait favoriser le réveil de l’inflation et conforter le durcissement des politiques monétaires dans la plupart des pays développés. Le consensus des économistes table sur une normalisation en douceur des courbes de taux du G7 sous la conduite toujours prudente des banquiers centraux. Dans ce contexte, notre allocation d’actifs conserve un profil résolument offensif, mais intègre des paris discriminants reflétant des risques les plus élevés (marchés surévalués) et nos doutes sur la possibilité d’un atterrissage en douceur de l’expansion monétaire mondiale.
Il convient de rappeler que la croissance forte et synchronisée que connaît le monde aujourd’hui s’explique par l’ajustement réussi des pays émergents après les dévaluations de 2014-2015 (ajustement externe, puis désinflation et baisses des taux, rebond de la consommation), la relance bancaire chinoise de 2015, la sagesse des prix du pétrole (schistes américains) et enfin de facilité monétaire de l’Europe et du Japon, qui déborde sur le reste du monde via les sorties de capitaux de leurs investisseurs institutionnels. La Fed de Yellen a certes opéré un resserrement monétaire timoré, mais les entrées de capitaux ont alimenté l’euphorie sur les marchés d’actifs américains (actions, high yield, immobilier) au point d’annuler l’effet des hausses de taux directeur sur les conditions financières. La vigueur de la reprise mondiale provoque mécaniquement le revirement de tous ces facteurs.
L’apparition de bulles (immobilier, crédit obligataire) dangereuses pour la stabilité sociale a déjà obligé la Chine à resserrer fortement la liquidité bancaire.
Les conséquences de ce choc cheminent comme nous l’avions anticipé le long de la ceinture de feu du Pacifique : contraction de la construction en Chine, baisse des prix des matières premières (charbon, minerai de fer, métaux de base), inflexion des bulles immobilières (Australie, Nouvelle Zélande, Canada et sur la côte Ouest américaine), choc sur les exportations pour le Pérou et le Chili. Plusieurs grands pays émergents qui semblaient sortir de l’ornière en 2017 pourraient subir un nouveau choc récessif de ce fait (Brésil, Indonésie, Afrique du Sud). Le pétrole, s’il se maintient audessus de 60$ comme le souhaite l’OPEP, sera également une force récessive en 2018 pour les pays développés.
Enfin, l’exercice de sur-stimulation monétaire touche à ses limites physiques en Europe et au Japon. En zone euro, la BCE s’approche des limites de ratios d’emprise qu’elle s’est imposée et le tapering du PSPP devrait s’achever fin 2018. Au Japon, l’arsenal monétaire de la BoJ (assouplissement qualitatif et quantitatif, taux négatifs et contrôle de la courbe) se heurte à des limites techniques (assèchement de la liquidité des JGBs, pénurie d’ETF actions), à l’insolvabilité virtuelle des banques régionales (liée à une courbe des taux plate), au risque de bulles (immobilier commercial) et au retour probable d’une inflation sous-jacente positive. Nous tablons sur un relèvement de l’objectif du rendement 10 ans de 0 à 0,15% au premier semestre - une fois que la réforme fiscale américaine aura été ratifiée - et impliquera un nouveau ralentissement des achats de JGBs. Le tapering synchronisé de la BoJ et de la BCE devrait mener à une repentification des courbes en zone euro et au Japon, avec des conséquences pour le 10 ans américain, tant les marchés obligataires du G3 sont co-intégrés.
Aux Etats-Unis, l’effet stimulant de la réforme fiscale devrait s’évaporer sous la forme d’un surcroît d’inflation, d’une dérive du déficit commercial, de hausses de taux de la Fed et d’une appréciation du dollar. La hausse des taux longs induite par le tapering nippo-européen fragilisera les valorisations des actions et de l’immobilier. Le choc sur les taux longs ne saurait toutefois être que temporaire car les investisseurs institutionnels domestiques (assureurs, fonds de pension) devront réorienter leurs flux marginaux des actions vers les obligations (objectif de pondération actions atteints grâce à la hausse du marché), et la remontée des taux immobiliers aura tôt fait de tarir la source d’émission de MBS à taux fixe. Surtout, la combinaison de taux élevés et d’un déficit budgétaire en hausse accentuera la pénurie de liquidités en dollar dans le reste du monde, déjà mise à mal par Bâle III, au risque de provoquer un short squeeze sur les dettes externes des pays émergents. Cette configuration du policy mix américain n’est pas sans rappeler l’Amérique de Reagan/Volcker. La crise des dettes du Tiers Monde s’en suivit.
Nous maintenons donc notre surpondération en actifs risqués via les actions en zone euro, au Japon et en Asie émergente, le crédit européen (IG et HY) et les dettes périphériques européennes, mais conservons une souspondération sur les actifs exposés au risque immobilier chinois et à la hausse du dollar (dette émergente, actions latino-américaines, métaux de base).
Nos positions en devises (long USD contre EUR, CHF, AUD) reflètent bien notre vision d’un monde où le taux de change du dollar a détrôné le VIX comme indicateur synthétique d’aversion au risque.