Pour autant, ce n’est pas une raison de bouder les actions européennes. Les marchés actions européens regorgent d’opportunités pour les investisseurs capables d’analyser les fondamentaux, ce qui est la clé de la réussite en matière d’investissement. Cela étant, les investisseurs doivent y adjoindre une analyse rigoureuse des risques politiques pour compléter le tableau et renforcer leurs convictions d’investissement en ces temps difficiles.
Pour les investisseurs en actions, la saga du Brexit est probablement le principal casse-tête politique actuellement.
Le Brexit expose les entreprises à trois risques majeurs. Le premier est la perturbation des échanges commerciaux : les entreprises qui doivent exporter des pièces détachées ou des produits finis par-delà les frontières du Royaume-Uni pourraient pâtir d’une interruption brutale, quoique temporaire, des échanges commerciaux en cas d’absence d’accord sur le Brexit. Le risque de change et l’impact du cours de la livre sterling sur les bénéfices des entreprises représentent le deuxième motif de préoccupation. Le troisième est la croissance économique britannique, qui pourrait souffrir de cette incertitude persistante.
Lorsque que nous essayons de déceler des valeurs attractives au Royaume-Uni et en Europe, nous regardons si les entreprises concernées sont exposées à des risques que nous avons identifiés. Ensuite, nous regardons si ces risques compromettent leurs flux de trésorerie futurs et, le cas échéant, dans quelle mesure ils sont pris en compte dans les cours des actions des entreprises concernées.
Parmi les entreprises qui pourraient le plus pâtir du Brexit, certaines ne sont même pas cotées au Royaume-Uni. Par exemple, le constructeur automobile français Peugeot fabrique des véhicules au Royaume-Uni et vend davantage aux consommateurs britanniques que ne le font ses principaux concurrents cotés en Europe. Dès lors, il est important de prendre en compte l’impact du Brexit sur les entreprises non britanniques au moment d’analyser les risques associés à un portefeuille : il est impossible d’estimer le risque que fait peser le Brexit sur un portefeuille en se basant uniquement sur le poids des valeurs britanniques qu’il comporte.
Il y a deux issues possibles au Brexit. Les investisseurs doivent également tenir compte de ce qu’il adviendra si un accord sur le Brexit est scellé ou si le Royaume-Uni finit par rester dans l’Union européenne (UE), ce qui est une issue plausible.
Il y a fort à parier que ces scénarios doperaient les cours des valeurs britanniques, qui s’échangent à décote depuis le vote en faveur du Brexit, et les cours des valeurs européennes cycliques qui ont souffert du récent regain d’aversion au risque. Les investisseurs en actions européennes doivent s’assurer qu’ils ne sont ni surexposés aux conséquences préjudiciables du Brexit ni sous-exposés à un rebond boursier que provoquerait une issue favorable au Brexit.
En effet, nous pensons que de nombreuses entreprises exposées aux risques liés aux Brexit recèlent un potentiel haussier intéressant. C’est le cas du fabricant de pots catalytiques Johnson Matthey : le groupe profite d’une forte demande pour ses produits sur fond de durcissement des normes d’émissions de CO2. C’est également le cas de Marks & Spencer, le distributeur de produits alimentaires, de vêtements et de produits ménagers : nous pensons que la nouvelle équipe de direction est en train de prendre les mesures qui s’imposent pour redresser la performance. En dehors du Royaume-Uni, Peugeot continue à réduire les coûts de ses métiers historiques et des activités qu’elle a rachetées pour trois fois rien à General Motors l’an dernier.
Bien entendu, le Brexit n’est pas le seul risque politique qui plane sur les marchés européens. Qu’il s’agisse des manifestations en France ou de la pratique du pouvoir des gouvernements en Hongrie, en Pologne et ailleurs, la résurgence du populisme met à mal les normes de l’Union européenne. A l’approche des élections européennes, qui auront lieu en mai, les investisseurs pourraient s’inquiéter de la montée en puissance des partis anti-système, qui pourrait compromettre la stabilité des institutions de l’UE.
Nous pensons que ces craintes sont exagérées.
Le fait que le gouvernement italien ait récemment décidé de respecter les règles budgétaires de la zone euro, comme l’a fait le gouvernement grec précédemment, suggère que la rhétorique populiste qui caractérise ces partis d’opposition laisse place au pragmatisme dès lors qu’ils accèdent au pouvoir : l’impératif politique prépondérant de rester dans la zone euro est solidement ancré dans les populations, comme le révèlent les sondages.
Cela étant, les investisseurs doivent rester attentifs aux risques politiques moins médiatisés susceptibles de peser sur les bénéfices des entreprises. En Espagne, par exemple, les récentes réformes fiscales adoptées par le gouvernement de coalition de centre-gauche ont pesé sur les résultats des banques et les tentatives visant à faire adopter un budget cette année seront mises à mal par les aspirations séparatistes de la Catalogne.
Les risques politiques qui planent sur l’Europe ne justifient pas pour autant de bouder les actions européennes. Les marchés européens regorgent d’opportunités pour les investisseurs capables d’analyser les fondamentaux, ce qui est la clé de la réussite en matière d’investissement.
Cela étant, les investisseurs doivent y adjoindre une analyse rigoureuse des risques politiques pour compléter le tableau et renforcer leurs convictions d’investissement en ces temps difficiles.