Entretien avec Alexandre Cornu, Gérant actions thématiques chez CPR AM et Alexandre Blein, Gérant actions thématiques et responsable du pôle de gestion Climat chez CPR AM.
QUEL EST LE CONTEXTE DU LANCEMENT DE CE FONDS BLUE ECONOMY ?
Après le réchauffement climatique et la biodiversité, les océans deviennent désormais un nouvel enjeu majeur dans la protection de notre planète bleue. Les océans jouent un rôle déterminant pour les êtres vivants et dans la régulation du climat. Respirer, boire, se nourrir, commercer, se chauffer ou s’éclairer… autant de fonctions et services vitaux que nous rendent les océans au-delà des simples loisirs et vacances.
Dans le cadre de notre gamme thématique impact, nous avons démarré la construction d’une offre Climat en 2018 au travers d’un partenariat exclusif avec le CDP. Depuis le lancement de Climate Action, la gamme « transition climat » s’est enrichie avec une déclinaison sur la zone euro, sur les taux, et le multi-assets.
Nos processus de gestion Climat se sont sans cesse améliorés, en intégrant désormais des objectifs de réduction d’empreinte carbone et un mécanisme de compensation carbone.
En 2021, nous avons souhaité enrichir cette gamme Climat en l’élargissant aux solutions climat, 100 % actions internationales. C’est dans ce contexte que nous avons d’abord lancé en novembre dernier le fonds Hydrogen et que nous lançons aujourd’hui le fonds Blue Economy. Cela nous permet d’enrichir notre offre de solutions pour adresser des enjeux complémentaires afin d’atteindre les objectifs de développement durable et préserver la planète.
QUE REPRÉSENTE L’ÉCOSYSTÈME ÉCONOMIQUE DES OCÉANS ET QUEL EST SON POTENTIEL DE CROISSANCE ?
Le fonds Blue Economy recherche aussi la performance financière ! L’écosystème économique qui repose sur les océans, souvent désigné « blue economy » est en ce sens profond, diversifié, dynamique et en mutation. Il représente un PIB annuel de 2 500 milliards de dollars1. Si les océans étaient un pays, celui-ci serait la 7ème puissance mondiale, juste derrière le Royaume-Uni et devant le Brésil et l’Italie.
Et les perspectives de croissance sont fortes. L’OCDE [1] a estimé que l’économie de la mer devrait représenter 5 % du PIB mondial en 2030 et le nombre d’emplois progresser de + 130 % entre 2010 et 2030. Toujours selon l’OCDE, l’éolien en mer affiche par exemple un taux de croissance annuel (CAGR) sur la même période de 24,5 % et les emplois devraient progresser de + 1 257 %.
La pêche industrielle, l’aquaculture et la transformation des produits de la pêche affichent quant à eux un CAGR de respectivement 4,1 %, 5,7 % et 6,3 %. En termes de perspective d’évolution du nombre d’emplois, les activités portuaires arrivent en deuxième position à 245 %.
L’OPC n’offre pas de garantie de rendement. Par sa philosophie d’investissement et sa gestion active, le portefeuille final peut ne pas bénéficier de ce potentiel.
D’autres activités sont considérées plus matures. Néanmoins, de nombreux changements règlementaires et technologiques, souvent à des fins environnementales, rebattent les cartes des secteurs. Par exemple, l’Organisation Maritime Internationale (agence spécialisée de l’ONU) a validé en 2018 des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des transports maritimes internationaux. Ainsi, le volume total des émissions de GES annuelles du secteur devra être réduit d’au moins 50 % en 2050 par rapport à 2008. Pour les flottes existantes, l’utilisation de scrubbers permet ainsi aux navires de filtrer les fumées d’échappement des moteurs. Le nombre de navires disposant de ce filtre [2] est passé de 388 en 2017 à 4 341 en 2020. Néanmoins, encore faut-il que les systèmes soient en boucle fermée sinon à défaut de l’air c’est la mer qui se retrouve polluée ! Nous sommes face à un alignement des intérêts où la prise de conscience globale, la réglementation, les politiques incitatives… font que peu importe vos motivations - écologiques, financières ou sociales - toutes les raisons sont bonnes pour investir sur l’exploitation durable et la conservation des océans !
COMMENT EST CONSTRUIT L’UNIVERS D’INVESTISSEMENT ?
Pour adresser tous les enjeux, nous avons défini l’univers d’investissement en deux dimensions : l’utilisation durable des ressources des océans d’une part et la protection marine d’autre part. En outre, l’impact est au cœur de la philosophie d’investissement et le fil conducteur – le fil bleu si j’ose dire – de notre approche, de la définition de l’univers jusqu’à la construction du portefeuille. Selon notre définition de la Blue Economy, l’univers thématique comprend environ 330 titres au moment du lancement, sélectionnés selon une approche itérative à la fois quantitative et qualitative. Certaines activités sont évidentes en réponse aux deux segments de la philosophie d’investissement comme le transport maritime, la pêche, l’éolien en mer ou encore le traitement de l’eau. Pour des acteurs diversifiés ou en transition (agro-industrie marine par exemple), nous analysons la part du chiffre d’affaires ou des investissements exposée à l’une de nos deux dimensions. Par exemple, quelle est la part des revenus issus des énergies renouvelables marines d’un fournisseur d’énergie au mix diversifié ? Cela passe aussi par la combinaison de critères pour valider l’intentionnalité de l’impact dans les activités des entreprises comme par exemple le respect de normes internationales ou l’existence de politique ou charte claire sur des enjeux environnementaux en lien avec l’activité de l’entreprise. Par exemple, dans le tourisme, un groupe hôtelier de premier rang est signataire de la charte WWF sur la protection marine et sur l’utilisation de l’eau. Il s’est engagé à appliquer cette charte dans la construction de nouveaux hôtels et la rénovation des hôtels existants.
Ensuite et en complément des exclusions normatives et sectorielles propres au Groupe Amundi, nous ajoutons un filtre d’exclusion à trois niveaux : le suivi des controverses, l’évaluation des pratiques ESG des entreprises au global ainsi que sur une sélection de critères pertinents pour la thématique. Au sein du référentiel interne Amundi, nous avons retenu les cinq critères qui nous semblaient les plus évidents au regard des enjeux de la thématique : trois critères environnementaux que sont 1/ la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, 2/ la biodiversité, la pollution et les déchets, 3/ la gestion de l’eau ainsi que deux critères sociaux : les conditions de travail et la responsabilité produits.
Un tiers des entreprises ne passe pas aujourd’hui ce triple filtre extra-financier. L’univers investissable est alors de 220 valeurs environ.
AU REGARD DU THÈME D’INVESTISSEMENT, LE PROFIL DE L’UNIVERS DOIT ÊTRE ASSEZ SPÉCIFIQUE. POUVEZ-VOUS NOUS DRESSER SON PORTRAITROBOT ?
En effet, le profil de l’univers reflète les spécificités géographiques et les choix historiques de développements des pays avec de grandes surfaces littorales ou d’importantes ressources maritimes. D’un point de vue géographique, il est ainsi sur-exposé à l’Europe et à l’Asie, au Japon notamment au détriment des États-Unis. En Europe, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, les pays nordiques et les Pays-Bas sont nettement surpondérés. En Asie, le Japon, la Chine, la Corée du Sud et Hong-Kong représentent un quart de l’univers, le Japon et la Chine étant dans le top 5 pays.
D’un point de vue sectoriel, tous les secteurs sont représentés à l’exception des Financières. Logiquement, les secteurs de l’Industrie, la Consommation de produits de base (alimentaires) les Matériaux et Services aux collectivité sont nettement surpondérés.
A l’inverse, les Technologies, la Santé, les Services de communication et la Consommation discrétionnaire sont sous-représentés. En dehors de son seul biais « size » lié à l’absence de Mega Caps dans l’univers, le portefeuille ne présente pas de biais factoriel majeur.
VOUS INDIQUIEZ PRÉCÉDEMMENT QUE LA RECHERCHE D’IMPACT ÉTAIT AUSSI INTÉGRÉE DANS L’ÉTAPE DE CONSTRUCTION DU PORTEFEUILLE. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS GLOBALEMENT SUR LE STOCK PICKING ET LA CONSTRUCTION DU PORTEFEUILLE FINAL ?
A l’instar de l’ensemble de nos gestions thématiques, la sélection des titres repose sur une analyse fondamentale et une réconciliation top down et bottom up. Le portefeuille final contient de 60 à 80 valeurs et est alors construit avec l’aide d’outils quantitatifs, pour viser aussi bien une performance financière (vs MSCI ACWI) qu’extra-financière. Sur la dimension extrafinancière, le portefeuille doit ainsi afficher de meilleures performances que celles de son univers d’investissement, tant au niveau de sa note ESG globale qu’en matière d’intensité carbone. Ces indicateurs seront publiés tous les mois et nous nous engageons à publier un rapport annuel d’impact pour le premier anniversaire du fonds.
LA RECHERCHE D’ADDITIONALITÉ EST INDISPENSABLE QUAND ON PARLE D’INVESTISSEMENT À IMPACT. QUELLE(S) FORMES CELA REVÊT DANS LE CAS DE BLUE ECONOMY ?
En ligne avec le positionnement du Groupe Crédit Agricole en faveur des océans, CPR AM s’inscrit dans une démarche de recherche d’impact direct au travers de ses actions concrètes et en bénéficiant des ressources d’Amundi. En 2021, Amundi a lancé une campagne d’engagement sur les océans en s’appuyant sur le référentiel de la Fondation de la mer. En effet, à ce jour, peu d’entreprises et de secteurs publient des informations et indicateurs sur leur impact sur l’océan et leur manière d’adapter leurs modèles économiques à l’enjeu que représente la protection des océans.
Pour engager les entreprises à mesurer leur impact sur l’océan, la Fondation de la Mer a élaboré en 2019 le premier référentiel de reporting, en collaboration avec le Ministère de la Transition écologique et solidaire. Il s’appuie sur l’Objectif de Développement Durable 14 tel que défini par l’ONU qui vise à « conserver et exploiter de manière durable les océans et ressources marines ». Amundi a apporté son expertise d’investisseur pour la définition du reporting qui est disponible en libre accès pour les entreprises françaises, et déployé de façon progressive à l’international. Neuf entreprises de 4 macro-secteurs clés ont été interrogées : aquaculture et produits de la pêche, utilities, pétrole & gaz, groupe hôtelier, transport maritime et croisiéristes. Le premier objectif poursuivi par Amundi via cette campagne est d’augmenter la prise de conscience des entreprises sur l’impact de leurs activités sur les océans et d’encourager la définition de stratégies et politiques ESG spécifiques. Le second est d’identifier grâce au référentiel et au dialogue avec ces entreprises, les impacts clés pour chaque activité et les indicateurs de suivi pertinents. Amundi ambitionne de doubler le nombre d’entreprises avec lesquelles elle engage sur ce thème et suivra les progrès sur plusieurs années. En complément, CPR AM a décidé de soutenir les actions de la fondation créée en 2008 par la navigatrice française Maud Fontenoy, ambassadrice auprès de l’éducation nationale pour l’éducation à la mer et la relance des classes de mer. Avec le soutien de partenaires scientifiques tels que le Museum d’Histoires Naturelles, l’Ifremer ou encore le Criobe, la Maud Fontenoy Foundation a pour mission de mener des actions d’éducation à l’environnement auprès de la jeune génération et du grand public. Pour ce faire, des kits pédagogiques ont été créés par la fondation et sont mis à disposition gratuitement des enseignants de l’éducation nationale, tous niveaux scolaires confondus. A ce jour et depuis la création de la fondation, plus de 720 000 enfants en ont bénéficié. En parallèle, la Maud Fontenoy Foundation a développé un dispositif d’envergure nationale permettant de favoriser le départ en classe de mer de 1 000 classes supplémentaires par an, du primaire au lycée. Nous considérons que la sensibilisation et la pédagogie dès le plus jeune âge sont essentiels pour que chacun puisse adopter les bons gestes au quotidien. En outre, Maud Fontenoy nous apporte son expertise et expérience en accompagnant les équipes de CPR AM dans l’appréhension des enjeux et l’identification des solutions de demain pour la préservation des océans.