Pourtant si on regarde à plus long terme, 2015 pourrait selon nous représenter une opportunité pour investir dans des entreprises de qualité dans cette région du monde et en obtenir des rendements pérennes et croissants.
Il y a 10 ans, les entreprises de la région étaient généralement réticentes à l’idée de verser des dividendes. Dans certains cas, c’était pour de bonnes raisons : beaucoup avaient besoin de réinvestir leurs profits dans des activités qui doublaient de taille tous les deux ans. Dans d’autres cas, les raisons étaient beaucoup moins claires et laissaient supposer de sérieux problèmes de gouvernance.
Une nouvelle réalité
Les choses ont beaucoup changé en 10 ans. Beaucoup d’entreprises qui en étaient aux prémices d’une croissance vertigineuse sont, selon nous, plus mûres et peuvent maintenant financer leur expansion avec leur trésorerie tout en distribuant des dividendes de plus en plus importants.
Magnit, un des leaders de la grande distribution en Russie, en est un bon exemple. C’est une entreprise qui conserve selon nous un énorme potentiel de croissance étant donné la fragmentation et la pénétration insuffisante de la grande distribution dans le pays.
Bien qu’il s’agisse du plus gros acteur, sa part de marché est de moins de 10%. Nous pensons qu’il a largement la capacité de croître et ce, aux dépends de ses concurrents les plus faibles qui ne pourront s’aligner ni sur sa logistique ni sur son pouvoir de négociation. Magnit a commencé à distribuer des dividendes en 2009, versant un total d’environ 18 millions de dollars à ses actionnaires. Ce montant a augmenté pour finir par effleurer les 300 [1] millions en 2013. La faiblesse du rouble va probablement peser cette année, à moins que, comme nous l’escomptons, le prix du pétrole ne revienne à un niveau normal.
Qui plus est, il s’agit d’une entreprise dont les ventes ont augmenté d’un tiers par an à mesure qu’elle déroulait son plan d’expansion. A l’heure actuelle, le rendement sur cette ligne est un peu plus faible que la moyenne du portefeuille, mais nous espérons qu’avec le temps, le rendement s’améliore pour surpasser la moyenne, du fait de la combinaison d’une croissance structurelle liée aux profits et d’un ratio de distribution qui, selon nous, devrait aller en augmentant à mesure que l’entreprise murît.
Des dividendes croissants
De même, nous avons vu plusieurs exemples où la gouvernance de l’entreprise s’était améliorée, y compris dans des entreprises détenues par l’Etat qui ne sont pas réputées pour être particulièrement favorables aux investisseurs. Bien sûr, le risque politique en Russie reste élevé. Il faut cependant noter que le gouvernement russe a encouragé plusieurs entreprises contrôlées par l’Etat à augmenter leurs dividendes et même si la situation n’est pas encore idéale, de gros progrès en ce sens ont été faits. Gazprom, par exemple, avait un ratio de distribution à un chiffre dans les années pré-crise et versait à peine 1.2 milliards de dividendes en 2006. En 2013, le ratio de distribution avoisinait les 15% et le montant total versé aux actionnaires s’élevait à environ 4.3 milliards de dollars. Comparé à ses profits, cela n’était pas spécialement généreux, et la gouvernance reste à améliorer, mais les actions de cette entreprise sont tellement sur-vendues que du moment que les dividendes correspondent aux attentes du marché, elles devraient permettre d’obtenir un solide rendement, en l’occurrence pour Gazprom de 5% [2].
Les entreprises du secteur privé, telles que Lukoil ont augmenté leur taux de distribution, cette action s’inscrivant dans un mouvement plus vaste vers l’adoption de davantage de bonnes pratiques. Il est bien sûr important d’évaluer la pérennité des dividendes des compagnies pétrolières dans un contexte où le cours du brut a chuté de presque 50%. Les inquiétudes concernant la capacité des compagnies pétrolières occidentales, opérant dans des pays dont les devises sont restées fortes dans un environnement de pétrole peu cher, à maintenir leurs dividendes sont légitimes.
A toute chose, malheur est bon
Selon nous, le cas des compagnies pétrolières russes est différent. Quand le prix du pétrole baisse, elles peuvent en tirer profit sous la forme d’un affaiblissement de leur monnaie. En effet, la majeure partie de leurs coûts de fonctionnement est libellée en rouble, devise qui a tendance à suivre la baisse du cours du pétrole. La valeur de leurs plus gros centres de coût - la taxe sur l’extraction des minéraux et les droits d’exportation - chute automatiquement, étant donné que le calcul du montant de ces taxes est lié au prix du pétrole.
Les compagnies pétrolières russes sont généralement à même d’effectuer de larges coupes dans leurs dépenses en capital et peuvent négocier de meilleurs tarifs avec les prestataires de services sur les champs pétrolifères, ce qui signifie que les cash flows sont probablement encore plus robustes que les profits.
Les taux de distribution se sont améliorés, mais on partait de tellement bas qu’il reste de la marge pour maintenir les dividendes en termes absolus en augmentant encore le taux de distribution.
Qui plus est, les cours des valeurs pétrolières russes ont plus ou moins suivi le cours du pétrole dans sa chute. Dès lors, même si les dividendes baissaient d’autant, le taux de distribution à l’heure actuelle semble très attractif comparé aux autres actifs qui procurent des rendements. Par exemple, le taux de distribution prévisionnel de Lukoil est d’environ 7.6% [3]. Cela offre une certaine marge de sécurité dans le contexte actuel. Même si le taux de distribution n’atteignait finalement que la moitié de cette estimation, nous trouverions cela attractif.
Pour les autres exportateurs, la faiblesse du rouble a été d’autant plus favorable que le prix des matières premières hors pétrole a moins baissé que le cours du brut. Le Nickel, par exemple, fluctue depuis 2 ans autour d’un prix moyen de 15 000 dollars la tonne, pourtant les coûts d’exploitation de l’exploitant de nickel russe Norilsk ont chuté en même temps que le rouble. Combiné aux revenus en monnaies fortes générés par les exportations, cela devrait soutenir les cash flows et par la même, les dividendes avec un taux de distribution estimé juste au-dessus de 12% [4].
Plus qu’une simple histoire de pétrole
L’Europe de l’Est ne se résume pas au pétrole et à la Russie. Environ la moitié du portefeuille du fonds Jupiter New Europe est investie dans d’autres marchés tels que la Turquie, la Pologne, la Grèce et la République Tchèque - tous importateurs nets de pétrole - et cela nous procure une couverture naturelle contre le risque de fluctuation du prix des matières premières.
Le portefeuille regorge d’exemples de sociétés versant de solides dividendes, à l’image de la banque tchèque Komercni, qui verse actuellement plus de 5% [5] de dividende. Il s’agit selon nous d’une banque extrêmement bien capitalisée qui opère dans un système financier solide qui a su éviter certains des excès que l’on a pu voir dans d’autres pays. Le relativement faible taux de pénétration des prêts hypothécaires laisse supposer une belle marge de croissance à moyen terme.
Le constructeur automobile turc Tofas devrait également verser des dividendes d’environ 5% [6] en 2015. Selon nous, il offre une belle visibilité sur ses profits étant donné le contrat take or pay qui le lie avec son partenaire et actionnaire FIAT- en d’autres termes FIAT doit acheter ses produits ou payer une pénalité. Tofas n’est pas seulement un fournisseur de FIAT, il s’agit d’un des trois centres de production stratégiques pour le constructeur italien qui est, qui plus est, remonté sur la chaîne de valeur en développant des capacités de Recherche et Développement internes qui lui ont conféré un rôle primordial dans le développement des derniers modèles.
Le fonds détient toute une variété de sociétés qui versent des dividendes dans cette région, dans des secteurs comme l’assurance, les télécommunications ou encore des opérateurs de marchés financiers, des fabricants ou des distributeurs.
La nature diversifiée du portefeuille a pour objectif d’isoler les dividendes perçus des risques pays, des risques sectoriels ou encore des risques spécifiques liés à une entreprise.
A la recherche de la valeur
A l’heure actuelle, certains actifs ont vu leurs prix tirés vers le haut de manière totalement artificielle par les politiques monétaires accommodantes, et les opportunités soi-disant sans risque comme les obligations souveraines occidentales nous semblent excessivement chères. Selon nous, cette surévaluation les transforme en actifs potentiellement bien plus risqués que ce que l’on pourrait penser.
Même si les marchés de l’Europe de l’Est peuvent être volatiles, particulièrement par rapport aux marchés occidentaux, cela peut créer des opportunités pour les investisseurs de long terme qui souhaiteraient diversifier leur stratégie de rendement sur les actions.
A condition que les dividendes se maintiennent, le faible prix des actifs, comme des entreprises de bonnes qualités d’Europe de l’Est, peut potentiellement générer de hauts rendements pour les investisseurs, avec des perspectives d’amélioration des dividendes dans le futur à mesure que ces marchés se développent.