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Crise des pays émergents ? Quelle crise des pays émergents ?

Selon Philippe Weber, Responsable Etudes et Stratégie chez CPR AM, les mouvements récents ne devraient pas être les prémices d’une crise généralisée…

Les perturbations récentes sur les marchés sont-elles les prémices d’une crise générale des pays émergents ? Dans l’état actuel des informations, non. Ce qu’on observe est plutôt une chute, assez brutale il est vrai, limitée à certains pays parmi ceux qui étaient le plus fragilisés de toute façon. Cette fragilité pouvait s’évaluer en observant le déficit courant, le déficit budgétaire, la faiblesse des réserves de change, éventuellement la surévaluation de la devise.

Ces pays sont notamment l’Argentine, la Turquie, l’Afrique du Sud, dans une moindre mesure l’Inde, ou le Brésil, pour d’autres raisons.

Au demeurant, depuis l’annonce par M. Bernanke, en mai 2013, que la Réserve fédérale allait bientôt ralentir son programme d’assouplissement quantitatif, on avait vu les marchés émergents souffrir de sorties de capitaux, ou plutôt de rapatriements de capitaux vers les Etats-Unis, le Japon et la zone euro, notamment.

Pourtant, les choses semblaient s’être calmées, y compris et un peu paradoxalement, après l’annonce effective de ce ralentissement d’achats de titres… C’est vrai, mais il y a eu, en janvier, une succession de nouvelles qui ont déclenché le mouvement. Dans un contexte de données économiques un peu hésitantes aux Etats-Unis, on a appris d’abord que l’enquête auprès des directeurs d’achats chinois (PMI) signalait un ralentissement de l’activité, ensuite, et sans doute surtout, que l’Argentine cessait de soutenir la parité du peso contre le dollar. Rien de bien bouleversant : que la Chine ralentisse n’était pas spécialement inattendu. Quant à la politique de change de l’Argentine, elle était notoirement intenable, et elle n’a pas tenu.

Mais le peso a perdu 20 % et a entraîné dans sa chute une des monnaies les plus fragiles, la livre turque. Dans ces deux derniers cas, la situation politique n’a sans doute pas aidé…

Risque-t-on une contagion entraînant une crise généralisée ?
Il y a diverses contagions possibles.
On en a observé une première : tous les marchés ont tremblé après que le peso argentin a décroché. Ils sont très sensibles à tous les chocs, surtout après une année somme toute excellente comme l’a été 2013 mais, aussi pas si longtemps après la pire crise de l’après-guerre, ce qui justifie une certaine nervosité. Mais cela s’est assez vite calmé : en fait, si l’Argentine, la Turquie, l’Afrique du Sud restent les seules à être touchées, leurs devises et leurs marchés d’actions seront affectés, si cela est durable leur macroéconomie aussi, mais cela n’aura aucun autre effet, d’autant que leurs poids dans l’économie et dans la finance mondiales sont très faibles : pour donner un ordre de grandeur, la capitalisation boursière turque s’élève à quelque 50 milliards de dollars, moins d’un mois d’achats de titres par la Réserve fédérale au rythme actuel.

Plus préoccupant est le risque d’une éventuelle contagion à l’ensemble des pays émergents. Plusieurs sont un peu fragilisés, d’autres sont assez solides, mais on ne peut exclure qu’ils soient encore perçus comme une seule entité par des marchés pas toujours discriminants en phase de refus du risque.

Toutefois, après une année 2013 de correction boursière marquée, toute éventuelle surévaluation des actions s’est pour le moins atténuée, ce qui limitera une nouvelle correction.

Quant à la macroéconomie de ces pays, il y a certes des interdépendances : la croissance de la Chine influe sur le prix de nombreuses matières premières, l’Asie de l’Est est une zone de production très intégrée. néanmoins, on ne voit pas un choc, même durable sur les quelques pays qui viennent d’être touchés par les turbulences financières, jouer directement.

Reste la grande et vraie crainte, la remise en cause du modèle de croissance des pays émergents, modèle fondé sur les exportations et les investissements destinés aux exportations – l’archétype de ce modèle étant, bien sûr, la Chine.

A dire vrai, c’est un peu indépendant des perturbations de marché récemment observées mais c’est une inquiétude qui s’est fait jour depuis quelque temps. Dans ce scénario, la Chine, qui souhaite réorienter son économie vers la consommation interne, échouerait à le faire dans de bonnes conditions – troubles sociaux ou politiques, une explosion de ce qu’on craint être une bulle immobilière ou une implosion du système financier, notamment du shadow banking system. Evidemment, les conséquences sur la croissance mondiale seraient fortes, et plus fortes encore sur les marchés financiers. Toutefois, il ne faut pas surestimer l’impact négatif que cela aurait sur l’activité des pays développés : la part des exportations vers la Chine dans le PIB de la plupart des pays est faible, voire très faible. Ce sont certains secteurs dans certains pays (industrie du luxe en France, biens d’équipement en Allemagne, par exemple), qui seraient touchés, pas l’ensemble de l’économie. Au demeurant, presque tous les pays ont un déficit commercial avec la Chine, ce qui signifierait, comptablement en tout cas, que la croissance chinoise pèse sur leur croissance.

Enfin, un ralentissement en Chine ferait baisser le prix des matières premières, ce qui serait un gain net de pouvoir d’achat pour les pays consommateurs.

Le principal danger passerait donc par le canal financier – on sait qu’il est loin d’être négligeable.

Philippe Weber Février 2014

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