Aux États-Unis, le bon du Trésor à 5 ans se traite à un prix correspondant à un rendement à l’échéance d’environ 1.5%. Sachant que l’inflation est égale à -0.1% selon la dernière statistique officielle, le rendement réel du titre est d’environ 1.6%. En parallèle, le rendement actuariel de l’obligation similaire mais indexée à l’inflation, le « TIPS » à 5 ans comme l’appelle le marché, est légèrement négatif. Il s’agit dans ce cas de son taux réel également puisque le propre d’un « TIPS » est d’ajuster les flux financiers à l’augmentation du niveau général des prix.
Le marché ne croit pas à une forte remontée de l’inflation
Que déduire de ces chiffres ? Pour que les deux actifs puissent produire des rendements réels équivalents, il faudrait que l’inflation à venir soit voisine de 1.5%. À ce taux d’inflation d’équilibre, connu sous le nom de « breakeven », le marché est indifférent entre posséder l’un ou l’autre de ces titres.
Si le choix de l’une ou l’autre obligation dépend des perspectives d’inflation, quelle vision peut-on en donner ? Evaluée dans sa version globale, l’inflation est actuellement bien inférieure au niveau d’équilibre évoqué, mais les très faibles niveaux observés dernièrement sont essentiellement le reflet de l’effondrement des cours des matières premières. Pour preuve, l’indice des prix à la consommation est égal à 1.6% aux États-Unis lorsque sont exclues l’énergie et l’alimentation. Dans ce contexte, le rendement réel de l’obligation non indexée à l’inflation est alors inférieur à zéro.
Prévoir l’inflation n’a jamais été facile, mais il y a des éléments qui aident à faire des projections. Rappelant que l’inflation est généralement positivement corrélée avec l’activité, elle a tendance à augmenter en cas d’accélération de la croissance économique. Le deuxième élément fait référence à l’origine du phénomène désinflationniste de ces derniers mois : la chute du prix du pétrole a exercé une formidable pression à la baisse sur les indices d’inflation. Dans l’hypothèse où le cours de l’or noir cesserait désormais de baisser, son influence s’essoufflerait mécaniquement dès le début de l’été.
Sur ce dernier point, rappelons que le prix du pétrole n’avait pas autant chuté depuis la crise financière de 2008. Certes, le contexte est aujourd’hui différent mais l’historique est intéressant. La dégringolade des prix des matières premières lors de la Grande Récession avait emmené l’inflation globale en territoire négatif. Quelques mois plus tard, l’indice était remonté sous l’effet de la dissipation de l’influence de ces biens spécifiques. Dans les faits, l’inflation aux États-Unis avait reculé à un plus bas de -2.1% pour remonter à 2.7% quatre mois seulement après cette baisse historique.
Mais le marché ne croit pas à une forte remontée de l’inflation. Si la version globale de l’indice des prix à la consommation évolue sous l’effet des moteurs évoqués, le potentiel d’inflation apparaît encore limité. La croissance américaine pourrait se tasser sous l’effet de la force du dollar. Quant au rebond du baril de pétrole, son potentiel existe bel et bien mais il demeure contraint dans l’attente d’une demande globale plus importante. En somme, les indices d’inflation prendront du temps pour se redresser, et la Réserve fédérale américaine n’est pas pressée pour relever son taux directeur.