L’euro ne devrait pas connaître de mouvement très marqué contre le dollar au cours des prochains mois. Le léger regain d’inflation en zone euro, lié à la hausse des prix du pétrole, a fait craindre un resserrement anticipé de la politique monétaire de la BCE. Nous pensons au contraire que l’inflation n’est pas un risque réel en zone euro et que la BCE ne souhaitera pas réitérer l’erreur commise en juillet 2008 avec un relèvement de son taux directeur intervenu à contretemps. La crise de la dette est loin d’être parvenue à son terme et il faut s’attendre au maintien de tensions sur les marchés de dette qui affaibliront l’euro. En revanche, au-delà des six prochains mois, le risque baissier porte davantage sur le billet vert. La poursuite d’une politique budgétaire extrêmement laxiste (déficit public égal à 10% du PIB en 2010 et en 2011) et d’une politique de taux d’intérêt nuls va finir par déprécier le dollar.
Les besoins de couverture du déficit courant américain demeurent élevés (3% du PIB) et nous pensons que les investisseurs risquent d’exiger à terme un rendement plus élevé sur la dette américaine ou un cours de change plus bas. Confrontées à une telle alternative, nous pensons que les autorités américaines préféreront une dépréciation du dollar, favorable aux exportations, à une hausse des taux longs, qui pénaliserait l’économie domestique. Nous tablons sur un euro à 1,30/USD à horizon de 6 mois (avec un léger risque haussier qui dépend des avancées politiques en Europe. A horizon de 12 mois, nous prévoyons un raffermissement de l’euro à 1,40-1,45/USD.
Le yen pourrait enfin baisser en 2011. La déflation pourrait être enfin vaincue cette année au Japon avec une stabilisation du niveau des prix attendue en fin d’année. Le différentiel de croissance entre Etats-Unis et Japon devrait se situer entre 1,5 et 2 points. Il devrait se refléter au moins pour partie dans l’ écart de taux d’intérêt à deux ans qui guide la parité USD/JPY. Cette tendance devrait ainsi conduire au repli graduel du yen, sans doute plus sensible au second semestre. (85 JPY/USD à 6 mois, 90 JPY/USD àun an).
La livre a vocation à s’affermir contre l’euro et le dollar. La sous-évaluation de la livre contre dollar et contre euro qui s’explique par un taux d’intérêt réel à court terme le plus négatif de tous les pays développés pèse sur la valeur de la livre. Néanmoins, la Banque d’Angleterre sera sans doute contrainte d’agir par une hausse de son taux directeur pour reprendre le contrôle des anticipations d’inflation. Il ne faut pas s’attendre à un resserrement trop rapide compte tenu de l’ajustement budgétaire drastique à l’oeuvre. Le mouvement d’appréciation sera donc limité et graduel. Nous conservons notre scénario d’un renforcement de la livre contre euro à horizon d’un an. (0,85 GBP/EUR à 6 mois et 0,80 GBP/EUR à 12 mois).
Les devises émergentes vont poursuivre leur appréciation. L’accélération de l’inflation exige des mesures de resserrement monétaire qui se mettent en place progressivement dans la plupart des pays émergents. L’inflation observée actuellement dans les pays émergents a deux sources : la hausse du cours des matières premières et le dynamisme interne des économies. L’appréciation du change est mieux adaptée à la lutte contre l’inflation importée, même si elle ne peut être pilotée aussi directement que l’offre de crédit à l’économie. Nous considérons que les devises émergentes vont poursuivre leur mouvement d’appréciation. Mais il faut désormais privilégier les devises qui n’ont pas retrouvé leur parité contre dollar d’avant crise ou qui suivent une politique de change dirigée avec un ancrage partiel contre une devise tierce. Les mesures de contrôle des capitaux mises en place dans certains pays ne devraient avoir qu’un effet limité sur les flux entrants qui demeureront structurellement élevés. Nous considérons que le yuan chinois (CNY), le won coréen (KRW), le ringgit malaisien (MYR) et le baht thaïlandais (THB) font partie des monnaies offrant le plus grand potentiel d’appréciation contre le dollar américain dans les douze prochains mois.