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Effacer la dette par l’inflation ... rien de plus simple !

Les politiques de relance ont compensé en partie les effets négatifs des excès d’endettement, mais ont également provoqué de l’inflation. Dans cette spirale infernale d’insolvabilité, pourrait-on raisonnablement miser sur une flambée générale de l’inflation afin de résorber ou du moins alléger le fardeau de la dette actuelle ?

L’absorption des dettes privées par le secteur public, des taux de croissance structurellement plus faibles en raison de l’endettement excessif et les plans de relance budgétaire pour compenser la résorption des déficits financiers privés ayant entraîné une augmentation de la dette publique mondiale de plus de USD 25’000 milliards au cours des cinq dernières années. Selon l’OCDE, tous les grands pays ont vu leur dette publique fortement augmenter au cours de cette période, que ce soit par rapport au PIB ou aux recettes fiscales : le Royaume Uni de 47 à 105% du PIB, les Etats Unis de 67 à 110%, la France de 73 à 105% et l’Allemagne de 66 à 88%. Outre l’impact que la hausse de la pression fiscale pourrait avoir sur le taux d’épargne et la croissance actuels, les études menées par la BRI [1] laissent à penser que la croissance économique future potentielle est aussi fortement affectée par l’alourdissement du fardeau de la dette. Une spirale infernale d’insolvabilité s’enclenche alors, la faiblesse de la croissance provoquant un gonflement de la dette qui pèse en retour sur la croissance...

L’inflation aurait ainsi pour impact de redistribuer les richesses des ménages les moins bien lotis vers les ménages les plus privilégiés et d’aggraver des inégalités déjà extrêmes d’un point de vue historique

Au cours de cette période, afin de compenser en partie les effets négatifs des excès d’endettement, les banques centrales des principales économies ont augmente la taille de leur bilan d’environ USD 8’500 milliards, provoquant ainsi leurs propres effets indésirables sous forme d’une flambée de l’inflation. Comme nous l’avions déjà écrit précédemment, une politique de relance d’une telle ampleur crée toujours de l’inflation, que ce soit dans l’économie réelle (inflation des prix à la consommation) - qui reste étonnamment la seule priorité de banquiers centraux malgré les origines monétaires de la crise actuelle - ou dans l’économie monétaire (inflation des prix des actifs financiers). L’inflation provoquée par les plans de relance se repartit entre ces deux secteurs selon l’élasticité relative de l’offre dans chaque secteur (c.-à-d., sa rareté ou son excès relatifs). Dans un monde abondant de capacités, l’inflation des prix à la consommation demeure faible, et les banquiers centraux, au nom de l’assouplissement quantitatif (QE), provoquent à nouveau une inflation galopante des prix des actifs. Les responsables de la politique monétaire pourraient-ils, s’ils le voulaient, résorber, ou du moins alléger, le fardeau de la dette actuel par le biais d’une flambée générale de l’inflation ?

Si l’on suppose que les banquiers centraux soient même en mesure d’atteindre un tel objectif, les dettes nominales pourraient effectivement être effacées par l’inflation, moyennant toutefois des dommages collatéraux significatifs. Sur la base des données de l’enquête sur les finances des ménages américains, le graphique ci-dessous montre le niveau médian d’endettement par centile de revenu (p. ex. : les 10% des ménages les plus riches détiennent USD 267’200 de dette, contre seulement USD 10’100 pour les 20% les plus pauvres).

L’inflation avantagerait clairement les personnes se trouvant dans la fourchette supérieure par le biais d’une réduction des charges fiscales implicites et de l’impact sur la dette personnelle. Le graphique ci-dessous montre la part médiane d’actions détenues par les ménages : Les 10% des ménages les plus riches détiennent USD 267’500 en actions, soit une part supérieure à tous les autres centiles réunis. Les 10% des ménages les plus riches détiennent 51% de leurs actifs financiers sous forme d’actions, contre un pourcentage médian de 35% pour les 40% des ménages les moins riches.

Ce sont les fameux 47% d’« assistés » de Mitt Romney, et leurs homologues dans les autres pays, qui supportent le fardeau de l’austérité budgétaire et qui souffriraient le plus de l’inflation du fait de la baisse des revenus réels. Il serait plus facile, et bien moins néfaste sur le plan social, de simplement restructurer la dette publique.

Le graphique du bas montre par ailleurs qu’ils détiennent également une part disproportionnée de placements immobiliers. Ainsi, outre l’effet sur la dette personnelle, ils seraient également les grands bénéficiaires en termes d’actifs car les actions et les placements immobiliers sont les deux meilleurs instruments de protection contre l’inflation au cours du cycle [2]. L’inflation aurait ainsi pour impact de redistribuer les richesses des ménages les moins bien lotis vers les ménages les plus privilégiés et d’aggraver des inégalités déjà extrêmes d’un point de vue historique [3]. Ce sont les fameux 47% d’« assistés » de Mitt Romney, et leurs homologues dans les autres pays, qui supportent le fardeau de l’austérité budgétaire et qui souffriraient le plus de l’inflation du fait de la baisse des revenus réels. Il serait plus facile, et bien moins néfaste sur le plan social, de simplement restructurer la dette publique.

Paul Marson Janvier 2013

Notes

[1] cf. S Cecchetti et al, septembre 2011, « The real effects of debt »

[2] cf.« Inflation and Real Estate Investments », B Case & S Wachter, Wharton Paper 11-33, novembre 2011

[3] cf. coefficient de Gini, chiffres de l’OCDE, au cours des 25 dernières années

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