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En Suède, la plupart des fusions-acquisitions créent de la valeur

Les méga-fusions à grand renfort de publicité sont souvent un moyen garanti de détruire la valeur d’une entreprise. Mais le modèle suédois du conglomérat prouve qu’il existe une meilleure façon de se développer par croissance externe. Par Janne Kujala, Directeur de l’équipe Nordic Equities chez Evli Funds Management Ltd et gérant du fonds Evli Swedish Small Cap.

La plupart des personnes issues d’une business school sait que les fusions-acquisitions représentent un moyen presque garanti de détruire de la valeur – je le sais, car je fais justement partie des personnes concernées.

Toutefois, pour certains investisseurs, l’expérience d’acquisitions d’entreprises diffère complètement. En effet, outre les grandes fusions qui font l’objet d’une publicité importante, il existe une autre manière pour les entreprises de croître via l’acquisition.

L’acquisition de plusieurs petites entreprises privées constitue la stratégie de base d’un nombre étonnamment élevé de sociétés suédoises cotées en bourse. Il s’agit de conglomérats qui peuvent détenir et exploiter des centaines d’entreprises individuelles et en acheter une douzaine ou plus par an. Et ils ont tous des secteurs privilégiés dans lesquels ils ciblent ces entreprises.

Bien que chaque conglomérat ait ses propres caractéristiques, il existe des thèmes communs dans leurs opérations :

  • Leurs opérations ne nécessitent pas de dépenses importantes (c’est-à-dire qu’elles sont légères en termes d’actifs) mais manquent peut-être d’opportunités de croissance organique.
  • Les acquisitions sont financées par le flux de trésorerie interne.
  • Les cibles sont des entreprises non cotées bien gérées (et non en redressement).
  • Les multiples de l’acquisition sont nettement inférieurs aux multiples de l’acquéreur.
  • Les entreprises acquises ne sont pas intégrées à marche forcée et continuent souvent à fonctionner indépendamment sous l’ancienne direction et l’ancienne raison sociale. Au lieu d’une réduction explicite des coûts, les synergies éventuelles proviennent, au fil du temps, du partage des fonctions support du groupe et sans doute du partage des meilleures pratiques entre les sociétés du groupe.

Lifco : Acquisitions avec indépendance opérationnelle

Prenons l’exemple de Lifco. Cette société suédoise possède et exploite près de 200 entreprises individuelles à travers le monde, chacune étant spécialisée dans l’une des nombreuses niches commerciales, allant des implants dentaires aux machines de construction. Bien que Lifco regroupe ses entreprises en trois secteurs d’activité (et huit autres divisions), chaque entreprise conserve un degré important d’autonomie.

Selon le rapport annuel de la société, « Lifco dispose d’un avantage unique en ce sens que le groupe offre aux petites et moyennes entreprises un actionnariat sûr et à long terme. Lorsque nous acquérons une entreprise, notre objectif n’est pas de la vendre à l’avenir. Nous ne cherchons pas non plus à réaliser des synergies et nous n’avons jamais délocalisé les opérations. L’idée est que les entreprises continuent de fonctionner comme elles le faisaient avant de faire partie du groupe Lifco et qu’elles puissent ainsi générer une croissance régulière de leurs bénéfices. »

Pour les entreprises, conserver leur indépendance opérationnelle après avoir vendu leur activité est une alternative intéressante par rapport, par exemple, à la vente à un concurrent qui chercherait à extraire des synergies de coûts à travers cette opération. En règle générale, les synergies de fusion-acquisition et l’indépendance opérationnelle s’excluent mutuellement. Il s’agit donc d’un avantage pour Lifco dans les négociations.

Lifco a été introduit en bourse en 2014. L’entreprise n’a pas levé de capitaux à ce moment-là et ne l’a pas fait depuis. Elle a plus que doublé son chiffre d’affaires depuis qu’elle est cotée, principalement par le biais d’acquisitions. Ses marges ont augmenté et son bénéfice par action a plus que triplé depuis l’introduction en bourse.

Grâce à une croissance régulière par le biais d’acquisitions réussies, les actionnaires de Lifco ont bénéficié, en plus d’une distribution de dividendes annuelle, d’une évolution très favorable du cours de l’action, qui a été multipliée par plus de 15 en sept ans.

Bufab : Acquisitions traditionnelles à la suédoise

Le fournisseur de pièces industrielles Bufab propose une autre version du modèle suédois de fusion-acquisition. Comparé à Lifco, Bufab est loin d’être aussi omnivore dans ses acquisitions ; la société acquiert des entreprises dans son propre secteur. Elle n’achète pas non plus d’entreprises au rythme d’une ou plusieurs par mois, mais plutôt une ou deux par an. Les synergies sont également davantage recherchées. En d’autres termes, le modèle d’acquisition de Bufab est plus proche d’une consolidation sectorielle traditionnelle.

Mais là où Bufab se distingue, c’est par la saveur suédoise qu’elle apporte à l’opération. Elle n’impose pas l’intégration à l’entreprise acquise, mais la laisse plutôt dicter son rythme. Les synergies sont recherchées, mais au niveau de la ligne supérieure plutôt qu’au niveau des coûts, et les entreprises conservent un degré élevé d’indépendance.

Le groupe ne s’attend pas à savoir ce qui est le mieux sur chaque marché, c’est pourquoi une grande partie des décisions sont prises au niveau des entreprises locales. En plus de 40 ans d’existence, Bufab n’a jamais connu d’année déficitaire. Comme Lifco, elle a également plus que triplé son bénéfice par action au cours des sept dernières années sans lever de capitaux supplémentaires. Les actionnaires ont été récompensés par une multiplication par huit du cours de l’action depuis l’introduction en bourse en 2014.

Une meilleure façon de procéder lors des acquisitions

Bufab et Lifco ne sont que deux exemples de toute une série d’entreprises, dans des secteurs très variés, qui appliquent le modèle suédois de conglomérat. Il s’agit d’acquérir régulièrement et bien, c’est-à-dire des entreprises de qualité à des multiples raisonnables, généralement avec un flux de trésorerie propre.

Acquérir de petites entreprises fréquemment, plusieurs fois par an dans de nombreux cas, signifie que les sociétés ont beaucoup de pratique. Elles disposent également d’un historique à montrer aux investisseurs. Elles ont en effet plus de chance de réussir ce qu’elles ont déjà réalisé plusieurs fois, elles ont des critères d’acquisition précis et elles ne s’en écartent pas. Elles ne payent pas trop cher et savent comment intégrer de nouvelles entreprises – ou elles décident parfois de ne pas les intégrer. Une fois qu’elles ont la réputation d’exceller dans un domaine, les investisseurs seront probablement plus disposés à l’intégrer dans leurs évaluations en tant que prime par rapport à certains concurrents moins performants.

C’est pourquoi nous pouvons dire que la plupart des fusions-acquisitions créent de la valeur. Du moins, c’est effectivement le cas pour les entreprises suédoises.

Janne Kujala Janvier 2022

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