Il était écrit que l’année 2015 serait placée sous le signe du changement politique dans la zone euro. Elle avait débutée en janvier avec les élections législatives grecques qui avaient vu le parti de gauche radicale Syriza accéder au pouvoir. Huit mois plus tard, de nouvelles élections avaient été convoquées, Monsieur Tsipras devant faire face à la fronde de nombreux membres de son propre parti. Désireux de conforter sa position, il fut réélu et renforcé à l’issue du scrutin le 20 septembre dernier.
Seulement deux semaines après, le paysage portugais se trouvait totalement modifié également, avec une victoire du parti de droite au pouvoir, mais le mouvement du Premier ministre M. Coelho étant mis en minorité à l’Assemblée, le mois d’octobre fut largement chahuté chez les lusitaniens. C’est finalement une coalition de partis de gauche (le parti socialiste, le bloc de gauche et le parti communiste) qui prit les commandes après le retrait du Premier ministre sortant.
Quelques semaines plus tard, Mme Merkel devait faire face à la gronde de sa propre coalition, des menaces de « putsch » ayant même été évoquées. Heureusement, le dernier congrès de la CDU du 15 décembre dernier a vu la chancelière renforcer sa position et son autorité.
Au regard du dernier scrutin de l’année dans la zone, les élections générales espagnoles, on constate bien que l’année politique 2015 se finit comme elle avait commencé, marquée de nombreuses incertitudes et de chamboulements.
Après des décennies de bipartisme, la péninsule ibérique doit bien se rendre à l’évidence, le vent du changement souffle au regard de la montée en force des nouveaux partis centriste Ciudadanos et de gauche radicale Podemos. Le Parti Populaire de M. Rajoy sera incapable de gouverner avec les 123 sièges qu’il a obtenu, et une coalition avec les centristes sera insuffisante pour obtenir la majorité de 176 sièges à l’Assemblée. Par ailleurs, une alliance avec le parti socialiste espagnol (PSOE) apparait aujourd’hui inconcevable tant l’antagonisme et les désaccords sont marqués entre ces deux pôles. D’autre part, le PSOE semble avoir retenu la leçon du parti socialiste grec PASOK qui s’allia à la droite (Nouvelle Démocratie) en 2011, initiative qui entraina la migration de son électorat vers Syriza, à tel point que les socialistes n’obtinrent que 4,6% des voix aux élections helléniques de janvier dernier. Alors, partant de ce constat, vers où l’Espagne se dirige-t-elle ?
Il serait tentant de voir la ressemblance entre les scrutins espagnol et portugais, or, c’est une coalition de gauche qui remporta la mise in fine en octobre chez ces derniers. Il est toutefois peu probable de voir ce scénario se reproduire à Madrid où, à cause de la montée en puissance des centristes, les partis de gauche ne réuniraient pas assez de sièges ou seraient tentés de former une très large et instable coalition, d’autant que Podemos et le PSOE s’opposent sur de très nombreux points, notamment celui d’un référendum d’autodétermination en Catalogne.
L’Espagne semble donc ingouvernable en l’état. M. Rajoy, malgré ses ambitions de formation d’une coalition risque de se heurter aux refus de ses opposants, et parait incapable d’obtenir le vote de confiance dont il aurait besoin pour gouverner.
Dans ces conditions, un second vote de confiance aura lieu, sans que l’on y voie une issue plus favorable. Bien entendu, les débats et pourparlers seront longs et exhaustifs, M. Rajoy aura besoin de quelques semaines pour essayer de rallier d’autres partis. D’ailleurs, en 2008, 33 jours avaient été nécessaires à M. Zapatero pour obtenir son vote de confiance. Mais l’heure tourne et le temps sera vraisemblablement trop court pour le Premier ministre sortant car, si au bout de deux mois (à compter de début janvier) le vote de confiance n’est pas obtenu, le Roi dissoudra l’Assemblée et convoquera de nouvelles élections.
Il faut donc s’attendre à de nouvelles élections législatives dès le printemps prochain en Espagne, en mars ou avril a priori, un scrutin dont on ne peut pour l’heure imaginer l’issue. Dans ce contexte, les marchés actions pourraient continuer de se replier en Espagne, et le taux 10 ans se tendre encore, malgré le fort écartement déjà constaté depuis début décembre. Sur le court terme, seule une coalition inattendue pourrait endiguer ces mouvements, qu’il s’agisse d’un gouvernement d’Union nationale ou d’une alliance des partis de gauche.
L’année 2016 débutera donc comme la précédente, et ce ne sera qu’une première étape puisque l’ éventuel scrutin espagnol du printemps précédera le référendum au Royaume-Uni qui devrait se tenir l’été prochain, si les négociations entre M. Cameron et l’Union Européenne s’avéraient satisfaisantes au prochain sommet de février 2016. Mais à chaque jour suffit sa peine, surtout pour les marchés…