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Endettement versus liquidité : choisis ton camp !

Lors de notre précédente lettre, nous rappelions que l’économie n’était plus au cœur des préoccupations des investisseurs, conscients désormais que chaque détérioration supplémentaire de l’activité serait compensée par des mesures accrues de soutien budgétaire et monétaire.

Dans ce cadre, seule une réponse épidémiologique concrète pouvait être de nature à provoquer un véritable retournement de marché. Malgré une issue encore incertaine il y a quelques mois, le nombre de vaccins en phase 3 nous paraissait suffisamment important pour que, statistiquement, une solution crédible à la crise sanitaire puisse rapidement émerger et être développée en 2021. Au-delà de l’annonce de Pfizer, c’est le pourcentage d’efficacité du vaccin lui-même - bien supérieur aux attentes - qui a été de fait salué par les investisseurs. Reflet de cette évolution favorable, le mouvement haussier des marchés a été extrêmement marqué en novembre - sans interruption ni phase de consolidation - et symétriquement opposé à celui de mars dernier, lorsque les indices franchissaient à la baisse tous les seuils techniques.

Des signaux avant-coureurs de bonne tenue des marchés

Depuis plusieurs mois, nous indiquions que des signes de rebond potentiel des marchés pouvaient être identifiés paradoxalement dans les premiers décrochages des indices technologiques. En effet, lors de la phase d’appréciation des marchés du printemps dernier, l’essentiel des investissements s’est porté sur les secteurs favorisés par le confinement, au premier rang desquels figurent les valeurs technologiques. Les autres secteurs n’avaient, pour la plupart, toujours pas renoué avec une tendance haussière. Seul un retour des investisseurs sur ces secteurs délaissés pouvait laisser espérer un véritable rebond des marchés. Ce rattrapage sectoriel, qui s’est effectivement réalisé au détriment des valeurs technologiques début novembre, a surpris par sa rapidité d’exécution.

Ainsi, au regard d’un indice européen en hausse de 15 % sur le mois, le pétrole, les banques et certains secteurs industriels ont enregistré des progressions allant jusqu’à 30 %, alors même que des secteurs comme la santé ou l’alimentation ont affiché des gains inférieurs à 10 %.

Le marché boursier chinois qui avait été le grand gagnant de cette crise n’a lui progressé que de 5 %, alors que le CAC 40, par exemple, a gagné près de 20 % sur le mois !

Le retour des investisseurs sur les marchés

Un point important à souligner est le constat que le marché avait été en quelque sorte préparé à cette réaction haussière par le fait que les événements récents avaient confirmé qu’il n’y avait décidément rien à chercher du côté de la baisse des indices et que les investisseurs se précipitaient au moindre décrochage des marchés.

Cela fut notamment le cas lors de l’annonce du nouveau confinement dans plusieurs pays européens, alors que cette nouvelle était grave en soi. Il en a été de même, lors de l’élection américaine avec deux phénomènes susceptibles d’amenuiser le plan de relance : la contestation du vote et la perspective de cohabitation avec un Sénat possiblement Républicain. Contre toute attente, les marchés ont salué cette nouvelle configuration électorale, démontrant ainsi leur capacité à « classer » plusieurs dossiers sensibles, pour se donner les moyens de trouver un nouvel élan. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il sera d’ailleurs intéressant de vérifier si le débouclement d’un troisième facteur de risque majeur - à savoir le Brexit - engendrera le même type de réaction.

Le phénomène d’hyper-liquidité et la question du retour de l’inflation

Mais le principal facteur de risque qui sera débattu au cours des prochains trimestres sera surtout axé autour de la question épineuse de l’augmentation de la dette résultant de la crise et de celle de l’augmentation de la quantité de monnaie.

Dans ce débat, nous considérons que les conséquences de la monétisation de la dette publique, avec pour corollaire, le phénomène « d’hyper-liquidité » doivent retenir toute notre attention. Prenons l’exemple de la Banque Centrale Européenne : son bilan d’environ 4 500 milliards d’euros en début d’année a progressé de plus de 1 000 milliards d’euros en 2020. Comme le démontrent plusieurs épisodes de l’histoire économique - dont le plus célèbre est celui de l’entre-deux guerres -, la réponse la plus logique à une telle évolution de la masse monétaire serait un retour de l’inflation. Cette perspective peut être envisagée au cours des prochaines années, avec notamment pour les entreprises, la nécessité d’intégrer dans les prix, le coût de certaines externalités pour répondre aux exigences des investissements ESG. Néanmoins, il convient de rappeler que le phénomène de création monétaire depuis 2008 n’a toujours pas engendré d’inflation au niveau mondial, du fait notamment de la pression déflationniste liée aux importations de plusieurs zones émergentes et à la mise en concurrence généralisée par l’essor du commerce digital. En pratique, il apparaît surtout que la monnaie est également beaucoup utilisée comme un placement et pas comme un seul moyen de paiement.

Ceci constitue, selon nous, une sorte « d’épée de Damoclès » favorable aux marchés : au même titre que l’accroissement du prix de l’immobilier des métropoles, des marchés obligataires ou de l’augmentation du multiple de valorisation des marchés du private equity, il existe toujours, en suspens, la possibilité d’un accroissement du prix des actifs cotés.

Pour le dire autrement : alors que les entreprises ne recouvreront leur activité et leurs résultats qu’en 2022 et que les valorisations des actions intègrent déjà ces estimations, les multiples de valorisation - qui sont restés historiquement stables - devraient augmenter du fait de cette « hyper-liquidité ». Aussi, dès lors qu’un certain degré de confiance sera réinstauré, cette abondance de liquidités entraînera nécessairement des investissements massifs sur les marchés financiers.

Le problème central ne sera donc pas celui de l’endettement, car il n’engendrera pas une augmentation classique de la fiscalité mais plutôt une forme de taxation indirecte, née de cette création monétaire. Celle-ci continuera de se manifester durablement au travers de placements à taux d’intérêt réels négatifs pour l’épargnant par exemple, ou encore par la difficulté d’acquérir un bien immobilier, du fait de prix toujours soutenus par cette « hyper-liquidité ».

Quid de la fin des politiques monétaires accommodantes ?

Le débat autour des banques centrales et de leur inflexion de politique monétaire à venir sera, dans ce contexte, capital. Comment parviendront-elles à faire passer l’idée qu’elles devront retirer leur « perfusion » à partir de 2022, lorsque la situation sera revenue à son niveau initial ? Quel sera leur discours et celui des gouvernements lorsqu’il s’agira de mettre en place des règles macro-prudentielles afin d’éviter la constitution de bulles trop importantes ? Il faut bien souligner que ces sujets n’ont jusqu’à présent fait l’objet d’aucun débat, ce qui signifie que la situation peut encore se prolonger et créer de nouvelles bulles.

La configuration haussière, qui émane de la fin de la polarisation des marchés depuis début novembre, pourrait se poursuivre quelques semaines encore, avec comme points d’ancrage psychologiques et comme objectifs, pour certaines valeurs, de renouer avec leurs cours d’avant crise. Il convient cependant de rappeler que nous sommes dans un monde de taux bas et durablement administrés, où le potentiel de croissance mondiale est affaibli par la gravité de la crise économique et par une mauvaise allocation des ressources nées d’entreprises sous-perfusion et de prix ayant perdu tout contenu informationnel. Ce contexte implique donc que la croissance restera structurellement rare et faible.

Quelle allocation pour les prochains mois ?

Notre stratégie d’investissement reste toujours orientée vers des business model de qualité d’entreprises qui bénéficient de taux de marge élevés et de fortes barrières à l’entrée. En parallèle de nos choix de diversification obligataire (liés à l’inflation) et métaux précieux dont l’or, nos investissements continuent de privilégier des entreprises à croissance visible (secteurs du luxe, de la construction, de la technologie et certains segments de la consommation) et celles qui seront portées par la transition énergétique. Enfin, la signature du partenariat régional économique global (RCEP : Regional Comprehensive Economic Partnership), le plus important projet d’accord de libre-échange entre 15 pays d’Asie, nous incite également à investir, directement dans des fonds asiatiques, ou indirectement dans la zone Pacifique au travers de valeurs exportatrices à destination des pays d’Asie du Sud-est.

Jean-Jacques Friedman Décembre 2020

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