Le contexte est inédit : le taux de facilité de dépôt à la BCE est désormais ancré en territoire négatif, aux alentours de -0,5 %, tandis que l’Ester (le taux interbancaire au jour le jour de la zone Euro), qui a succédé à l’Eonia, ressortait au 30 septembre à -0,58 %. Pour un investisseur institutionnel ou un trésorier d’entreprise qui doit placer des liquidités sur des produits indexés sur les marchés monétaires, le coût peut vite finir par s’avérer conséquent. Or, la courbe des taux s’illustre également par une pentification très faible qui n’assure pas automatiquement à l’investisseur un rendement positif sur des maturités plus longues (à 10 ans, les placements souverains les mieux notés se négocient également en-dessous de 0 %).
Dans cet environnement particulièrement complexe pour les gestionnaires de trésorerie, les banques qui proposent à leurs clients des produits bilantiels (comptes à terme, comptes sur livret….) ne sont plus en mesure de distribuer des rémunérations attractives alors que, dans le même temps, les entreprises ont bénéficié - pour faire face aux effets de la crise de la Covid-19 - de conditions financières avantageuses pour accumuler des liquidités. De nombreux investisseurs institutionnels et trésoriers d’entreprises s’interrogent : où placer sa trésorerie dans cet environnement peu attrayant pour que celle-ci reste à la fois liquide et génère un surplus de rendement sans prise de risque excessive ?
Certains investisseurs n’hésitent pas à se positionner sur des fonds obligataires de court terme, à condition que la maturité moyenne du portefeuille reste inférieure à 6 mois et que la volatilité du portefeuille soit inférieure à 0,5 %. Si ces produits obligataires de courte durée peuvent générer de la performance, il faut toutefois relever que le cadre réglementaire de ces fonds « cash equivalent » a fortement évolué ces dernières, et en particulier depuis l’entrée en vigueur du règlement européen 2017/1131 relatif aux fonds monétaires (MMF). Cette réglementation MMF (Money Market Funds) a été instaurée pour encadrer la gestion des fonds monétaires en imposant une structure de liquidité plus importante et ne reconnait pas le « cash equivalent ». Ces changements réglementaires, contraignant pour la performance de ces fonds, visent aussi à réduire les risques de liquidité assumés par les investisseurs.
Les fonds monétaires en quête du label ISR
Enfin, les gestionnaires de fonds monétaires sont aussi concernés par l’évolution de la réglementation européenne en matière de finance responsable. Entré en vigueur en mars 2021, le règlement SFDR (ou « Disclosure ») leur impose plus de transparence, passant notamment par des contraintes supplémentaires en matière de reporting. En outre, le gestionnaire qui souhaite obtenir le label ISR peut choisir de réduire son univers d’investissement de 20 % afin d’écarter les émetteurs les moins bien notés sur les enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) même si ces derniers peuvent offrir un rendement attractif à court terme (à long terme, ce type d’entreprises s’expose plus aux controverses potentielles).
Produits monétaires et obligataires de court terme : une concurrence accrue
Malgré ce contexte réglementaire plus contraignant, les placements monétaires gardent toute leur place chez les investisseurs institutionnels et les trésoriers d’entreprise qui doivent conserver des placements liquides et ne peuvent augmenter leur allocation en faveur de classes d’actifs trop risquées (marchés actions en particulier). Avec des taux durablement ancrés en territoire négatif, l’ultra-sélectivité des placements monétaires et obligataires de court terme devient la norme. Les investisseurs doivent désormais arbitrer leurs placements au point de base près tout en veillant à maîtriser leur risque.
Ce contexte contribue à exacerber la concurrence entre les sociétés de gestion qui proposent ce type de produit. Certes les investisseurs vont être particulièrement attentifs à la performance et vont traquer les gérants de fonds monétaires qui sont classés dans le premier décile, mais là n’est pas leur seul critère de sélection. La régularité de la performance est clairement recherchée par les investisseurs qui souhaitent investir de manière stable (pour plusieurs mois ou trimestres). C’est donc avant tout la qualité de la performance, gage de la robustesse du process de gestion, qui va faire la différence dans le choix de l’investisseur.