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Etat des lieux sur les risques du secteur bancaire

Plus de cinq ans après le début de la crise du fonctionnement des marchés financiers, il est peut-être temps de faire un état des lieux sur les risques réels du système bancaire.

Est-on loin des périodes de stress maximal que nous avons par exemple connu en août 2007 (réel début de la crise), en septembre 2008 (faillite de Lehman), mai 2010 (premier « sauvetage » grec), été 2011 (retour des risques systémiques liés à certaines banque set souverains) ? La réponse à cette question dépend encore et toujours du comportement des banques centrales.

AUJOURD’HUI, ON SE PREOCCUPE PLUS DANS LES BANQUES DU RISQUE DE LIQUIDITE QUE DU RISQUE DE TAUX

Traditionnellement, tout établissement bancaire se retrouve confronté à deux risques de taux principaux

- Le risque de hausse des taux courts avec un renchérissement des conditions de refinancement des emplois long terme à taux fixe ; ce risque est aujourd’hui considéré mineur et il n’est pas jugé opportun de le couvrir compte tenu des messages des banques centrales totalement prévisibles (subventionnement des banques avec une politique monétaire « administrée »- qu’il est loin le temps Volcker de la FED des années 1980 ou celui de la Bundesbank des années 1980 et 1990)

- Le risque de baisse des taux longs avec une rentabilité plus faible de la banque commerciale sur la production future de crédits à taux fixe. Ce risque est le risque majeur d’un établissement financier (pour s’en convaincre il faudrait s’amuser à interviewer les dirigeants de banques japonaises depuis 20 ans et ils pourraient alors nous expliquer comment le système bancaire japonais a été détruit par le maintien de taux longs durablement bas). Il existe heureusement des instruments dérivés de couverture du risque de taux long qui permettent de générer quasiment systématiquement des gains de marge nette d’intérêt dans un environnement de taux longs bas et de compenser le manque à gagner sur la production de crédits à taux fixe. Là encore les contextes de marché ne militent pas véritablement pour la mise en place de telles couvertures

D’un coté donc des anticipations de hausse des taux courts improbables sur un horizon prévisible ; de l’autre coté, des anticipations de baisse supplémentaire des taux longs également peu probables sur ce même horizon. D’ailleurs, des stress scénarios d’implosion ou de reconfiguration de la zone Euro mettraient sous pression la partie longue de la courbe des taux avec une prime de risque probable sur la courbe et donc une pentification accrue avec maintien des taux courts à bas niveau et hausse forte des taux longs .

L’enjeu stratégique des banques de la zone Euro ne serait donc pas aujourd’hui de couvrir ses risques de taux (l’évolution de la courbe des taux euro, quels que soient les scénarios macro-économique, réglementaire et institutionnel, devrait être plutôt market friendly pour les banques)
Mory Doré

L’enjeu stratégique aujourd’hui, c’est naturellement de se concentrer sur l’autre risque structurel majeur de la gestion de bilan bancaire, à savoir le risque de liquidité et de ne pas oublier naturellement le risque de solvabilité (la capacité à disposer de fonds propres suffisants pour exercer son activité de financement)

En matière de risque de liquidité, il s’agit d’optimiser ses actifs mobilisables et collatéralisables auprès de la BCE (appel d’offres) ou des marchés financiers (émissions d’obligations sécurisées adossées à des actifs).

Pour la maîtrise de son risque de solvabilité, il s’agit de redéfinir son business model et donc de mesurer la performance financière de son activité en rapportant les bénéfices attendus aux fonds propres nécessaires pour couvrir celle-ci. On doit sortir de la logique aveugle de maximisation du ROE : certes la rentabilité est indispensable pour les actionnaires mais la stabilisation des risques et un niveau de fonds propres/capital adéquat pour minimiser les risques systémiques doivent l’être tout autant.

ET POURTANT LE RISQUE DE TAUX RESTE UNE BOMBE A RETARDEMENT.. UNE DE PLUS

Les banques centrales doivent alors vite repenser leurs politiques monétaires

On sait que les banques centrales ont habitué les banques commerciales à refinancer à des conditions monétaires avantageuses les emprunts d’État et l’activité de crédit indexée sur des références de taux longs. En effet, les investisseurs du monde entier ont accumulé des positions de transformation aujourd’hui très profitables et les achats de titres d’État US, UK , français et allemands qui ont aujourd’hui un rendement à 10 ans compris entre 1.50% et 2% sont refinancés avec de la ressource de marché indexée sur des taux courts voisins de zéro (sans parler des achats de dettes périphériques européennes au-dessus de 6%) ; ceci procure non seulement une marge de transformation positive mais surtout une marge assurée de le rester longtemps puisque les banques centrales ont déclaré qu’elles maintiendraient leur politique de taux courts proches de zéro (très explicitement par exemple en ce qui concerne la FED avec un horizon fixé désormais à mi-2015). Rappelons-nous quand même que lors du FOMC du 09/08/2011, la FED avait proclamé une période de taux courts durablement nuls jusque fin 2013. Lors du FOMC du 25/01/2012, l’horizon fut déplacé à fin 2014. Dernièrement à l’occasion du FOMC du 13/09/2012, il fut annoncé un nouveau report dans le temps de cette période historiquement longue d’argent « gratuit » jusque mi-2015.

Alors on peut se demander si les banques centrales peuvent désormais se permettre de remonter leurs taux directeurs. Le piège est évident : des politiques monétaires restrictives (hausse des taux) provoqueraient une hausse du prix de l’argent à long terme. On parle alors de repentification de la courbe des taux. Il en résulterait une remontée des taux des emprunts d’État et donc une forte dévalorisation des portefeuilles obligataires des établissements financiers.

Baisse des taux : Un véritable défi pour les assureurs

La dernière étude de Swiss Re intitulée « Relever le défi des taux d’intérêt », révèle comment les taux d’intérêt affectent les assureurs et explique pourquoi une variation rapide des taux ou une période prolongée de faibles taux d’intérêt peut constituer, pour eux, un (...)

Théoriquement, ces moins-values n’apparaîtront pas directement car des obligations d’État sont censées être conservées jusqu’à maturité (sauf à imaginer des restructurations de dettes d’état jugées aujourd’hui de bonne qualité, ce qui n’est plus de la finance fiction). Cependant, même si ces moins values latentes ne toucheront pas directement le compte de résultat des banques en normes comptables IFRS [1], cette situation fragiliserait fortement leur solvabilité réelle, déjà mise à mal par les nombreuses dépréciations d’actifs que le système bancaire a eu à constater depuis 5 ans (titrisations, souverains périphériques, …).

Si l’on s’en tient à l’exemple de la BCE, nous affirmons certes que celle-ci ne peut brutalement mettre un terme à sa politique monétaire accommodante. Et il est vrai que comme la plupart des grandes banques centrales, elle se trouverait dans l’incapacité de remonter ses taux directeurs et de durcir sa politique monétaire si les conditions économiques l’exigeaient
En effet, toute orientation, même modérée, en ce sens de sa politique monétaire créerait les conditions d’un krach obligataire mondial (positions obligataires financées de plus en plus chèrement), l’insolvabilité des états de la zone Euro en situation de crise de liquidité plus ou moins officielle aujourd’hui et partant la faillite de systèmes bancaires nationaux.

Cela ne veut pas dire pour autant comme les marchés et beaucoup d’économistes l’anticipent naivement que le statu-quo monétaire est désormais éternel. Et les banques centrales ne doivent pas être condamnées à choisir entre une politique monétaire « éternellement » accommodante et un risque de plus en plus fort de krach obligataire et de crise systémique bancaire ?

Plus important à nos yeux pour le rétablissement d’un système économique et financier assaini, une banque centrale ne doit pas installer le hasard moral systématique

  • aussi bien vis-à-vis des banques en déresponsabilisant encore un peu plus la gestion bancaire : par exemple à quoi bon s’inquiéter puisque la BCE sera le prêteur en dernier ressort et en quantité illimitée ?
  • que vis-à-vis des états en déresponsabilisant cette fois-ci encore plus les gouvernements dans leur gestion des deniers publics : par exemple à quoi bon mener des politiques d’austérité impopulaires puisque la BCE sera le prêteur en dernier ressort et en quantité illimitée ?
On doit donc anticiper que la banque centrale sortira progressivement de sa politique d’argent gratuit et combattra l’aléa moral
Mory Doré

Ce n’est peut-être pas avant 2015-2017 car on comprend bien que c’est compliqué – les instituts d’émission ayant mis l’intégralité des systèmes bancaires dans une sorte d’addiction aux mesures non conventionnelles de politique monétaire. Pourquoi un horizon aussi lointain ? C’est selon nous le temps qu’il faut pour que les établissements bancaires assainissent « totalement » leur bilans (sécurisation de la liquidité), gèrent quelques risques systémiques potentiels et s’adaptent aux évolutions réglementaires Bale 3

1. Première orientation que devront prendre les banques centrales : mettre en place des dispositifs « intelligents » de gestion des risques bancaires (être de moins en moins accommodante mais sans provoquer de krach).

L’instauration dans les années futures du NSFR (Net Stable Funding Ratio) en Europe va dans ce sens puisqu’il mettra un terme à cette logique de sur-transformation. En effet, ce nouveau ratio peut être défini comme le rapport entre le montant des financements stables et disponibles (fonds propres et ressources de maturité réelle supérieure à un an) et le montant estimé des besoins en financement de maturité supérieure à un an. Encore faut-il que la politique monétaire de la BCE soit repensée, notamment en matière d’allocation de liquidité. On sait en effet que les positions de transformation des banques se sont accrues non pas seulement par le maintien de taux courts à très bas niveau mais aussi par des injections de liquidité massives selon le mécanisme suivant : les banques commerciales apportent (on dit aussi « mettent en pension ») leurs titres d’État à long terme ou d’autres titres éligibles auprès de la Banque centrale lors des appels d’offres ordinaires et extraordinaires (cf les opérations exceptionnelles de LTRO pour long term refinancing operations) ; laquelle banque centrale fournit en échange du cash qui va pour partie servir à acheter à nouveau des titres qui pourront être mis en pension… une histoire sans fin mais potentiellement très déstabilisante

Attention cependant avec la mise en place de ce ratio (mise en pace effective prévue en …2019 !!) à ne pas tuer toute activité de transformation des banques et une des sources les plus stables de rentabilité (le PNB pour produit net bancaire lié à la marge de transformation - l’écart entre le taux de rendement des crédits indexés sur des références de taux longs et le coût des ressources empruntées souvent indexées sur des références de taux courts)

Seconde orientation que devront prendre les banques centrales : faire évoluer l’objectif d’inflation traditionnelle concernant les prix des biens et services en ajoutant des objectifs nouveaux, notamment sur le prix des actifs financiers (mais n’est-ce pas finalement trop tard , c’est durant la période 2000-2006 avec les successions de bulles d’actifs financiers qu’il aurait fallu y songer ) . En tout cas, le fait que les Banques Centrales n’aient surveillé que l’inflation des biens et services a conduit depuis la fin des années 1990 à des politiques monétaires trop accommodantes et donc à des taux durablement trop bas avec les conséquences que nous connaissons : bulles sur les prix des actifs, excès d’endettement des entreprises, de ménages insolvables et d’états devenus insolvables ; toutes choses de nature à fragiliser les bilans bancaires

Mory Doré Septembre 2012

Notes

[1] Selon ces normes, les variations de valorisation ne touchent pas le compte de résultat mais les capitaux propres

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