Pour résumer, les marchés semblent convaincus que le cycle de hausse de taux de la Fed sera terminé à la fin du premier trimestre et que le taux terminal n’excèdera donc pas 5% (car deux nouvelles hausses de taux signifient une fourchette de taux finale de 4.75-5.00%). Les investisseurs attendent donc une décision de la Fed plutôt « dovish » avec une conférence de presse de Jerome Powell donnant les premiers signes de la fin du cycle de relèvement de taux.
Même si elle baisse depuis 6 mois consécutifs, l’inflation aux Etats-Unis évolue encore à 6.5% avec une inflation dans les services qui progressait encore un peu dans la dernière publication. L’indice PMI Composite américain à fait ressortir en janvier un rebond marqué du prix des intrants pour les entreprises du secteur privé. Le risque pour la décision de la Fed mercredi semble moins résider dans la possibilité qu’elle relève encore sa fourchette de taux de 50 points de base d’un seul coup (ce qui serait véritablement un choc pour les marchés) mais plutôt que la Fed laisse la porte ouverte à de nouvelles hausses de taux après le premier trimestre pour amener le taux final au-delà de 5%. Ce qui impliquerait une hausse de 25 points de base en février, une autre en mars puis encore une en mai (pas de réunion en avril). Et ce scénario-là n’est pas « pricé » par les marchés et il provoquerait un rebond du dollar et des taux courts, et une baisse des marchés actions.
Les dernières statistiques américaines vont dans le sens d’un ralentissement de l’économie depuis le début de l’année : que ce soit les ventes au détail, les chiffres de production industrielle, les indicateurs avancés comme l’ISM Services ou les indices PMI, ou encore les indices d’activité des Fed régionales. Et c’est probablement ça qui pousse les marchés à considérer que la Fed n’ira pas au-delà de 5%. Si la Fed ne s’inscrit pas dans ce scénario et conserve une tonalité agressive visant à éviter tout rebond malvenu des prix, alors les marchés subiront un « effet ciseau » : d’un côté un ralentissement économique avec en prime une saison de résultats assez mitigée et de l’autre une banque centrale qui continue d’appuyer sur le frein monétaire. Sans oublier qu’en parallèle des hausses de taux, l’ajustement à la baisse du bilan se poursuit (il a baissé d’un peu plus de 500 milliards$ depuis le pic de 2022, soit 11% de moins).
Plusieurs speakers de la Fed ont plaidé en janvier pour que le taux dépasse les 5%, certains comme James Bullard estimant qu’il fallait le faire rapidement puis, ensuite, voir comme les données économiques évoluent.
Du côté de la BCE, la tonalité est restée globalement agressive en janvier. Plusieurs membres du Conseil des gouverneurs souhaitent une hausse de 50 points de base en février (ce que le consensus de marché attend également) …mais souhaitent la même chose en mars, ce qui entraînerait le taux principal à 3.5% (contre 2.5% actuellement). L’inflation en zone euro est plus élevée qu’aux Etats-Unis, 9.2% actuellement après deux moins de repli, mais c’est une inflation qui est plus tirée par l’énergie et l’alimentaire, que par une demande excessive dans les biens ou les services. Sachant également que la progression des salaires est moins forte en zone euro qu’aux Etats-Unis. Il y a donc un degré d’incertitude élevé sur la tonalité de la BCE jeudi : une hausse de 50 points de base est déjà intégrée par le marché…mais une BCE qui resterait très agressive en mars voire après le premier trimestre n’est clairement pas intégrée, les taux à 2 ans de l’Allemagne et de la France, sensibles aux décisions de politique monétaire, évoluent « seulement » aux alentours de 2.7% au moment où ces lignes sont rédigées.
Avec une volatilité sur les principaux indices actions européens et américains qui est retombée fin janvier en-dessous de 20, et des taux courts américains qui évoluent assez nettement sous 5 %, il est clair que les marchés ne sont pas positionnés pour une surprise « hawkish » de la Fed et de la BCE. Et du côté de la Fed, 25 points de base de plus que le marché n’anticipe dans le cycle de hausse de taux, même si cela peut paraître faible et peu important au regard de l’ampleur des hausses de taux de 2022, peuvent suffire à ramener de la volatilité pendant plusieurs semaines sur les marchés. La détente marquée des conditions financières aux Etats-Unis (qui sont retombées sur les niveaux d’avril 2022) pourrait pousser la Fed à ne pas baisser la garde trop vite, car un rebond de l’inflation mettrait une nouvelle fois sa crédibilité en jeu, et entraînerait un retour de la pression politique.