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Finance : le nouveau paradigme

Dans son dernier ouvrage, Philippe Herlin, à la lumière de la crise et à la suite des travaux de Mandelbrot et Taleb, remet à l’ordre du jour la question de la fiabilité des modèles classiques utilisés en finance

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Le puissant cataclysme financier qui a ébranlé les marchés et provoqué l’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers à l’automne 2008 a été non seulement révélateur du danger de la complexification des produits financiers, mais aussi symptomatique de la fragilité de l’édifice intellectuel sur lequel était bâti jusqu’alors la théorie financière.

Dans son dernier ouvrage, Finance : le nouveau paradigme, Philippe Herlin, à la lumière de cette crise de 2008 et à la suite des travaux de Benoît Mandelbrot et Nassim Taleb, remet à l’ordre du jour la question de la fiabilité des modèles classiques utilisés en finance et en économie et le socle de référence sur lequel les praticiens s’obstinent encore à les faire évoluer. Les sept chapitres de cet ouvrage, véritable réquisitoire contre la « théorie orthodoxe », vont essentiellement remettre en cause l’univers gaussien comme cadre de référence de la seule loi de probabilité actuellement utilisée en finance, la loi normale.

Après avoir expliqué dans la première partie du livre la genèse de ce qu’il appelle le « modèle classique » - Bachelier et sa théorie de la spéculation, l’efficience des marchés de Fama, Markovitz et sa théorie du portefeuille, Sharpe et le MEDAF, Black et Scholes et leur modèle d’évaluation des options - et mis en perspective l’émergence de ces idées dans le contexte historique qui a permis de les pérenniser (notamment le développement de l’industrie informatique favorisant l’ingénierie financière courant de la décennie 1970 ainsi que le retour de la croissance, la baisse de l’inflation et la déréglementation financière durant les années 1980), Herlin aborde le deuxième volet de son ouvrage en posant cette question importante qui tiendra lieu de fil directeur de l’ensemble du livre : « le cataclysme du 15 Septembre 2008 : un bug dans le modèle ? ».

En effet, si les précédentes crises financières trouvaient leurs origines dans un bouleversement des fondamentaux de l’économie (crise asiatique de 1997-1998, bulle Internet en 2000), la crise des Subprimes de 2008 que nous traversons encore en partie aujourd’hui est, d’après Herlin, « une crise du langage de la finance, de ses concepts, de ses méthodes, notamment du calcul du risque. » Sur la base des travaux de Mandelbrot remettant en cause la courbe de Gauss et les hypothèses néoclassiques qui la sous-tendent (continuité et indépendance des variations de cours, rationalité des agents, etc.), Philippe Herlin va discuter de l’origine mathématique de la crise de 2008 et mettre en lumière la défaillance de la copule gaussienne utilisée pour calculer le risque de défaut simultané de plusieurs débiteurs.

Le décor ainsi planté, il revient ensuite de manière précise et pédagogique sur les travaux de Benoît Mandelbrot et dresse un bilan comparatif des fameuses lois de puissance du modèle fractal et de la loi normale dans le cadre de leur application aux cours boursiers. Le constat pour lui à la suite de cela est alors sans appel : « la loi normale s’applique à un domaine donné quand il existe une valeur fondamentale, c’est-à-dire une vérité rationnellement connaissable. [Or] il n’y a pas de valeur fondamentale [dans le cas des marchés financiers]. Conclusion : nous sommes faces à une loi de puissance »

Continuant ce qui tient lieu de procès à charge contre l’orthodoxie financière, l’ouvrage délaisse alors le champ des cours boursiers pour se plonger dans celui de la finance d’entreprise. Et Philippe Herlin va entreprendre de démontrer que même sur ce terrain là, dernier rempart entre les marchés et l’économie réelle, la financiarisation de l’entreprise (utilisation du MEDAF et du modèle de Black et Scholes entre autres) et l’hypothèse gaussienne de ses modèles a poussé à sous-estimer un certain nombre de risques et donc à prendre des décisions qui peuvent être dangereuses pour les entreprises. Une conséquence à cela étant selon lui que « la mesure de la perfomance de l’entreprise [a été] déplacée du chiffres d’affaires au capital employé. Ce n’est plus la marge sur le chiffre d’affaires qui compte mais le rendement des capitaux employés ». Pour Herlin, tout ce mouvement n’indique finalement que « le passage d’un capitalisme entrepreunarial à un capitalisme actionnarial, ou financier, c’est-à-dire un capitalisme où la logique industrielle recule face à la poursuite d’une rentabilité sans rapport avec la réalité économique, au seul bénéfice des détenteurs de capitaux. »

Dans la dernière partie de l’ouvrage, Philippe Herlin va mettre en lumière ce qui pourrait être considérée comme le cadre de référence de la théorie financière de demain qu’il intitulera « la finance fractale » et « l’entreprise fractale ».

Après voir fait état des perspectives que cette approche, initiée par Mandelbrot et par Taleb, pourrait présenter dans le cadre de la gestion du risque et pour l’industrie financière en général, il va conclure son ouvrage par ce constat de bon sens qui résume l’essentiel de ses deux cent pages de réquisitoire : « La myopie des marchés, c’est celle des lunettes gaussiennes. Il faut défendre le capitalisme entrepreunarial qui sait voir loin et tient mieux compte des phénomènes exceptionnels, face à un capitalisme financier raisonnant avec les œillères de la courbe de Gauss. La reconnaissance de la présence des lois de puissance dans l’économie permettrait même de les réconcilier tous les deux et de mieux faire communiquer le monde de l’entreprise et celui de la finance. » Puisse-t-il être entendu.

Yann Olivier Août 2010

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