Selon Christophe Brulé, président d’Entheca Finance, plus qu’une dégradation des fondamentaux économiques, les piètres performances des indices depuis dix ans reflètent de multiples biais propres à ces instruments, dont l’utilisation massive provoque en retour des effets pervers et déconnecte les mouvements de marché de leurs fondamentaux économiques. Morceaux choisis...
On nous ressasse la supériorité des fonds indiciels, seuls supports d’investissement à même de délivrer tout le potentiel de valeur d’une classe d’actifs. En réalité, le message n’a guère évolué depuis le lancement des premiers ETF sur le marché européen, il y a une dizaine d’années. En répliquant un indice de marché pour obtenir la performance de cet indice sans dérive de performance, la gestion indicielle permettrait seule à l’investisseur de s’affranchir du « coût » inutile d’un gérant, réputé incapable de battre les indices sur le long terme. La rupture théorique imposée par ces nouveaux instruments aurait ainsi ringardisé la gestion active, dont les opportunités potentielles d’alpha disparaîtraient dans les phases de marché extrêmes comme celles rencontrées au cours des trois dernières années. Au final, celle-ci serait reléguée en « satellite » des portefeuilles, autant dire nulle part.
La gestion passive a certes montré son intérêt dans les phases de marché haussières, notamment entre 2003 et 2007. Mais le tableau est moins enviable sur le long terme, puisque les indices CAC40, S&P500 et MSCI Europe ont affichée une performance respective, dividendes réinvestis, de -3.32 %, -3.55 % et -2.07 % entre mai 2000 et mai 2010. Plus qu’une dégradation des fondamentaux économiques, ces piètres performances reflètent de multiples biais propres aux indices, dont l’utilisation massive provoque en retour des effets pervers et déconnecte les mouvements de marché de leurs fondamentaux économiques. Explications.
1- Des outils et des techniques de plus en plus sophistiqués ont été construits par les banques de financement en utilisant les valeurs les plus liquides, c’est-à-dire les titres composant des indices blue chips. C’est le cas des produits de bourse de type warrants ou turbos, ou encore des produits structurés à capital garanti, dont la protection consiste justement à prendre une position partiellement vendeuse sur le marché. Le développement à grande échelle de ces produits a ainsi entraîné des mouvements de cours artificiellement erratiques, souvent au détriment de l’intérêt de l’investisseur final.
2- Les techniques de ventes à découvert ou de gestion long/short se sont généralisées, ici encore sur les titres liquides composant les indices de larges capitalisations.
3- Pour cette même raison, les prêts de titres ont également participé au phénomène de destruction de valeur de ces dernières années.
4- Les périodes de forte volatilité incitent les investisseurs à se couvrir en vendant les indices par le biais de contrats à terme, accentuant d’autant la baisse des marchés.
5- Des pans entiers de l’économie cotée et fortement présents dans les indices n’ont pas rémunéré l’actionnaire sur la durée. C’est notamment le cas des banques, des assureurs, des transporteurs aériens, des constructeurs automobiles ou encore des cycliques « dures ». A l’inverse, des positions actions sur les valeurs de croissance de biens de consommation non cycliques réalisent sur le long terme des performances largement positives. Le parcours de Virbac, Bonduelle, Pernod Ricard, Essilor International, Nestlé ou encore Danone en atteste. En empêchant l’investisseur de discriminer le marché, les supports indiciels ne permettent pas de tirer profit de la croissance bénéficiaire de ces titres, qui seront tôt ou tard valorisés par les marchés boursiers.
En clair, la volatilité des marchés a été rendue largement artificielle par l’utilisation des indices par des acteurs étrangers à toute logique patrimoniale. Voilà pourquoi une position indicielle structurelle ne semble pas être pertinente dans le cadre d’une gestion équilibrée à long terme. A condition qu’ils aient le souci de la préservation du capital et qu’ils sélectionnent les bons titres (par exemple des titres appartenant aux secteurs des biens de consommation non cyclique), les gérants de fonds réalisent en revanche des performances bien meilleures que les indices pour un niveau de risque inférieur, tant en terme de volatilité que de perte maximale. En outre, une exposition sur les valeurs de moyennes capitalisations est à même de protéger efficacement un portefeuille de la volatilité des indices larges capitalisations. Finalement, seul un gérant actif peut affranchir un portefeuille des effets pervers propres à cette utilisation massive des indices. Un constat d’autant plus actuel que les marchés vont continuer d’évoluer en dents de scie dans les mois à venir, en particulier en Europe. Entre doutes sur la pérennité de la croissance et absence d’investisseurs de long terme (aversion aux risques des investisseurs privés et réduction de risque chez les institutionnels due aux contraintes règlementaires), le marché va en effet rester sous l’emprise des seuls acteurs de court terme, hedge funds et tables de trading des banques d’investissement, qui continueront de surréagir à la moindre nouvelle, rumeur ou déclaration et à maintenir une volatilité élevée : depuis début 2007, le marché français a enregistré sept consolidations de plus de 15%, soit sept krachs en trois ans, deux consolidations comprises entre 10 et 15% et trois consolidations comprises entre 5 et 10% !
Plus que jamais, la protection du capital doit donc être privilégiée dans le choix des investissements retenus pour la construction d’un portefeuille. Tant que la configuration de marché sera marquée par de forts doutes sur la qualité de la croissance, une position structurelle en gestion indicielle doit être minimisée dans les portefeuilles. Celle-ci ne retrouvera une part plus importante, que lorsque la croissance retrouvera un rythme équilibré et pérenne. On en est encore loin.