Comment qualifieriez-vous l’année 2016 ?
L’année 2016 fut une année éprouvante à la fois pour les investisseurs mais aussi pour les gérants de fonds. Nous aurions dû être beaucoup plus attentifs aux prédictions de l’horoscope chinois pour 2016 qui prédisait que « l’année du Singe serait toujours pleine de surprises dont on reviendrait difficilement. La règle d’or à observer sera de s’attendre à tout et surtout aux événements les plus incroyables - car tout pourra arriver.
Le Singe est un bouffon qui prend un plaisir particulier à vous faire perdre contenance. La confusion sera de rigueur ; l’anarchie sera la règle plutôt que l’exception. On pourra s’amuser ou s’inquiéter, mais personne ne pourra rester indifférent ou s’ennuyer ».
Effectivement, l’année qui s’achève aura été marquée par un certain nombre de bouleversements inattendus.
Quels ont été les faits marquants en 2016 ?
Comme anticipé, 2016 a été marquée par un regain certain de volatilité sur les marchés financiers. Plus précisément, l’année passée a été ponctuée par des épisodes de volatilité aussi brefs qu’intenses, entrecoupés par des phases de stabilisation prolongées. Les pics de volatilité ont notamment été liés à des problématiques politiques majeures tels que le vote du Brexit, l’élection américaine, ou encore le référendum italien. A l’image des années précédentes, les politiques des grandes banques centrales sont restées un enjeu majeur. Et si la majorité des investisseurs s’attendait à un durcissement des conditions monétaires, notamment aux Etats-Unis, les principaux banquiers centraux sont restés très accommodants en 2016. Malgré un début d’année marqué par de fortes tensions sur les actifs risqués (craintes sur la Chine, effondrement des matières premières), les marchés actions enregistrent in fine de fortes progressions en 2016. Le MSCI World, exprimé en euro, enregistre ainsi une performance en 10,7 % dans l’année.
Les investisseurs ont ainsi adopté une posture plutôt optimiste face aux surprises ou déceptions sur le plan politique.
Comme souvent, la réduction de l’incertitude a pris le dessus, les marchés enregistrant post-échéances des rebonds marqués. Mais l’essentiel de la progression des marchés actions a été enregistrés au cours du dernier trimestre de l’année, alors que le scénario de reflation prenait de l’ampleur aux Etats-Unis. Si les anticipations d’inflation commençaient à se redresser dès la fin du premier semestre, l’élection de M. Trump a en effet joué un rôle de catalyseur en fin d’année. Au sein des actions, les marchés émergents (+14,5 % en €) et américains (+14,2 % en €) s’inscrivent comme les plus fortes progressions de l’année.
Si la zone euro reste en retrait, une phase de rattrapage a été amorcée sur la toute fin d’année. Au-delà de l’allocation géographique, les disparités par secteurs ou par styles ont également été brutales dans l’année. C’est notamment le cas du secteur bancaire qui, après avoir souffert en début de période, a nettement surperformé dans le sillon de la remontée des taux. A contrario, après avoir été plébiscitées par les investisseurs, les stratégies de moindre volatilité ont sous-performé à la fin de l’année. Sur le marché américain, les réallocations vers les valeurs de croissance et les petites capitalisations ont été notables en fin de période. Alors qu’un mouvement potentiel de remontée des taux était l’un des risques majeurs anticipés pour 2016, les marchés de taux ont poursuivi au premier semestre leur trajectoire des années précédentes, atteignant même de nouveaux records les taux 10 ans japonais et allemand ayant franchi le seuil symbolique de zéro pour afficher des rendements négatifs, alors que le 10 ans US frôlait les 1,30 % lors de l’épisode du Brexit. La tendance s’est néanmoins inversée au second semestre, mouvement qui s’est très nettement accéléré après l’élection américaine.
En effet, les meilleures perspectives en termes de croissance mondiale, tirée notamment par une économie américaine dynamique, ont poussé les rendements à la hausse à la fin de l’année. Fin décembre 2016, les taux 10 ans s’établissent à des niveaux proches de 2,5 % aux Etats-Unis contre 0,2 % en Allemagne. En parallèle, le dollar US s’est renforcé contre l’euro et termine à 1,05. Fait nouveau : le redressement plus marqué et plus pérenne des anticipations d’inflation a poussé les investisseurs à se reporter massivement vers les obligations indexées (BE 10Y US proches de 2% en fin d’année). Au-delà des titres souverains, le crédit haut rendement tire son épingle du jeu après deux années difficiles, sur le marché US notamment avec une performance de +15,6 % (couvert contre €) sur l’année.
La classe d’actifs a en effet pleinement bénéficié du rebond des matières premières (pétrole au-dessus de 50 dollars en fin d’année après un point bas proche de 25) et de meilleures perspectives de croissance, sans être fortement affectée par le mouvement de remontée des taux longs.
Si la dette émergente avait bénéficié de la recherche de rendement des investisseurs, le constat est plus mitigé après l’élection américaine. La dette d’entreprise a également été prisée dans l’année, en Europe notamment alors que l’élargissement du programme d’achats de la BCE a eu un effet très positif sur la classe d’actifs. Le segment IG Euro réalise près de 4,7%, et le haut rendement affiche 8,8% de performance en 2016.
Quelles sont les attentes pour 2017 ?
Les risques politiques devraient cette année encore alimenter la volatilité des marchés. La réaction des investisseurs à l’élection de Donald Trump a été sans appel. Le marché obligataire a connu un retournement spectaculaire, les fonds de dettes émergentes ont subi des retraits d’une ampleur sans précédent et les métaux précieux ont subi une décollecte d’une ampleur inédite avec la hausse du dollar. Les investisseurs se sont reportés sur les actions américaines. L’optimisme semble être de retour, et nous prenons acte de ce changement de sentiment avec un scénario central « d’accélération de la croissance mondiale, tirée par les Etats-Unis ». Sur la composante obligataire, les rendements restent faibles malgré le mouvement récent et les risques sont selon nous plutôt à la hausse.
Néanmoins, les banques centrales en Europe et au Japon maintiendront des politiques monétaires plutôt accommodantes.
L’augmentation du bilan de la BCE et de la BoJ est toujours d’actualité. Au Japon, les réformes peinent à se mettre en place et il faudra s’attendre à un nouveau programme de relance budgétaire. La hausse des taux aux Etats-Unis devrait néanmoins rester progressive. Nous ne nous attendons pas à plus de 3 hausses de taux des fed funds en 2017. La réussite de la politique de reflation pourrait en revanche induire la constitution de bulles spéculatives sur certains actifs et il faudra encore une fois rester vigilant. Un excès d’optimisme sur les marchés est dangereux. Les investisseurs ont acheté en fin d’année un scénario « idyllique ». Reste la question du timing et de la mise en place effective des mesures de relance aux Etats-Unis.
Les effets sur la croissance économique ne seront pas immédiats, alors que dans le même temps les taux longs pourraient sur-réagir. Face aux multiples incertitudes, prévoir les performances des indices boursiers est de plus en plus compliqué mais nous conservons un scénario de hausse compris entre 5% et 10%. Une remontée plus progressive des taux ne devrait pas pénaliser les marchés actions dans le scénario central, et serait compensée par un recul de la prime de risque. Les actions profiteraient essentiellement d’un arbitrage en provenance des marchés obligataires. Dans cet environnement de croissance économique plus soutenue des pays développés, de conjoncture émergente plus favorable et de poursuite du rebond des prix des matières premières, les bénéfices des entreprises pourraient afficher un rebond plus marqué qu’anticipé. Au-delà de ce scénario central, nous restons attentifs aux potentiels risques de dérapage et avons défini pour l’année à venir trois scénarios de marché alternatifs.
Notre premier scénario alternatif repose, une fois encore, sur une aggravation du risque politique en Europe et une montée continue du populisme.
Dans cette perspective, l’écart entre les autres principales zones et l’Europe devrait se creuser alors que cette dernière replongerait pour la troisième fois depuis le début de la crise. Le second scénario de risque envisagé est celui d’une « Désillusion sur le programme Trump », qui pourrait à court-moyen terme mettre un terme à la tendance naissante à la fin d’année 2016. Il s’agirait d’un retournement des anticipations qui pousserait in fine vers une croissance plombée par un dérapage de l’inflation et un durcissement excessif des conditions monétaires. Enfin, notre dernier scénario alternatif repose sur une aggravation du ralentissement chinois, qui aurait un impact significatif sur le reste du monde émergent dans un premier temps, pour ensuite se propager aux économies développées.
Quelles classes d’actifs privilégierez-vous en ce début d’année ?
Nous conservons pour le début d’année un positionnement sur les actifs risqués, alors que le thème de la reflation s’est assez nettement imposé parmi les investisseurs. Ce qui nous pousse à conserver en parallèle une exposition très faible - voire quasi-nulle - sur les taux souverains.
Nous conservons en revanche nos positions de diversification obligataire : le crédit entreprise haut rendement et l’inflation. Sur les actions nous avons accru notre exposition sur la zone euro.
Nous pensons que la remontée de l’inflation devrait permettre aux marges des entreprises de se redresser et soutenir la valorisation du marché qui reste très décotée par rapport au marché américain. Les actifs européens et japonais sont d’ailleurs les plus à même de bénéficier de la thématique de la reflation en ce début d’année en raison de leur faible détention par les investisseurs. Cette forte exposition aux actions va nous obliger à piloter la sensibilité obligataire du portefeuille de manière plus fine et mettre en place des macro-hedge pour pouvoir faire face à des désillusions potentielles qui pourraient concerner les incertitudes politiques européennes et les difficultés possibles liées à la mise en place du programme Trump.