1. Indices : pondérer les capitalisations n’est pas une approche efficiente
Les investisseurs réalisent de plus en plus que les indices qui pondèrent les capitalisations boursières sont inefficaces. De nombreuses preuves nous indiquent que les actions de petites capitalisations, value et à faible volatilité sont systématiquement sous-évaluées alors que les actions de grandes capitalisations, les actions dites « glamours » et celles à forte volatilité sont systématiquement surévaluées (référez-vous par exemple à Fama and Fench, 1992 et Haugen and Baker, 1996). Malgré ces données, il demeure difficile pour les gérants d’actifs de surperformer systématiquement leurs indices de référence. En conséquence, les investisseurs institutionnels cherchent de plus en plus des alternatives aux indices pondérant les capitalisations. Ils souhaitent ainsi bénéficier des principales forces des investissements passifs, tels que les faibles coûts et la grande transparence, tout en évitant une exposition trop importante aux actions de grande capitalisation, à forte volatilité et aux actions « glamours » découlant de ces indices.
Ces dernières années, une nouvelle forme d’indices alternatifs a émergé pour satisfaire cette demande. Ces indices ont pour objectif d’apporter une exposition au béta d’une façon plus habile que les indices basés sur les capitalisations, en utilisant des méthodes de pondération plus sophistiquées. Nous les appellerons les indices smart beta. De telles approches peuvent par exemple utiliser une pondération des fondamentaux (également connue sous le terme de pondération value), une pondération du risque, l’équipondération ou la volatilité minimale [1]. Robeco a rejoint très tôt le débat académique sur les investissements dans le smart béta, en particulier en ce qui concerne les approches value et les investissements dans les actions à faible volatilité. Voici le résultat de nos recherches.
2. Analyses empiriques des indices smart bétas
2.1 Echantillons d’indices smart bétas
Nous avons comparé empiriquement les indices les plus populaires utilisant le smart beta, dont les données sont accessibles au public. Nous avons plus spécifiquement analysé les caractéristiques de performance brutes (non couvertes) des indices MSCI minimum-volatility, MSCI risk-weighted, MSCI value-weighted et MSCI equal-weighted.
L’indice MSCI minimum-volatility basé sur la volatilité minimale a pour objectif de saisir les anomalies de faible volatilité. Sur le long terme, les actions à faible volatilité enregistrent des rendements plus élevés que celles à forte volatilité, alors que dans un même temps leur niveau de risque est significativement plus faible [2]. Cet indice a été créé en avril 2008. En septembre 2011, Russell a également créé un indice « global stability » dont l’objectif est lui-aussi de cibler les actions à faible volatilité.
Les indices MSCI equal-weighted utilisant l’équipondération visent à saisir les anomalies relevées sur les marchés des petites capitalisations. Cet indice a été lancé en 2008. A long terme nous observons que les small caps ont surperformé les grandes caps bien que cela soit avec un niveau de risque plus élevé. Certains prétendaient que ce type d’anomalies avait disparu depuis les années 80.
L’indice MSCI risk-weighted, créé en avril 2011, pondère les actions dans une proportion inverse à leur volatilité. De cette façon, il a pour objectif d’exploiter simultanément les anomalies sur les actions à faible volatilité et celles des small caps. La principale différence avec l’indice minimum-volatility est que les pondérations dans l’indice ne dépendent pas des corrélations et que l’indice comprend beaucoup plus d’actions.
Pour terminer, l’indice MSCI value-weighted a pour objectif de bénéficier des anomalies de valeur. Arnott, Hsu et Moore (2005) proposent une nouvelle façon de construire un indice value dans laquelle la pondération de l’indice est fondée sur les moyennes des fondamentaux sur 5 ans (valeur comptable, bénéfices, dividendes et flux de liquidités). Leur indice RAFI existe depuis 2005 et a surperformé le marché d’environ 2% par an dans les back-tests à long terme. L’indice MSCI value-weighted a été lancé en décembre 2010. Puisque ces deux indices sont fondés sur des principes similaires et qu’ils fortement corrélés, nous avons utilisé l’indice MSCI pour établir une comparaison avec les autres indices.
Il n’existe actuellement aucun indice smart beta qui exploite l’anomalie bien connue du momentum. La recherche montre que, en moyenne, les actions qui ont enregistré les plus fortes performances dans le passé continuent de surperformer postérieurement. Il est possible d’expliquer l’absence d’indices basés sur le momentum par le fait que le turnover lié à ces anomalies est bien plus élevé que pour les indices fondés sur d’autres types d’anomalies. Or il est attendu d’un indice « passif » qu’il ait un faible turnover. Chez Robeco, cependant, nous pensons que l’impact du momentum est trop important pour être ignoré. Il représente l’une des anomalies les plus fortes et les plus persistantes et il a un pouvoir diversifiant très utile lorsqu’on le mixe avec d’autres anomalies.
2.2 Comparaison des résultats historiques
Notre échantillonnage couvre la période de janvier 1999 à septembre 2011 [3]. Comme la plupart des indices n’existaient pas sur l’ensemble de cette période, les rendements ont été partiellement calculés a posteriori. Et puisque les fournisseurs d’indices ont tendance à créer des indices basés sur des approches d’investissement qui ont fait leur preuve les années précédentes, nous devons rester prudents dans l’extrapolation des rendements futurs… Cependant, cette étude nous montre comment les différents types d’indices smart beta auraient pu performer dans diverses conditions de marché.
En général, nous observons que les indices « smart betas » enregistrent des rendements et des ratios rendements-risques significativement plus élevés que les indices fondés sur la capitalisation de marché. De ce fait, les investisseurs devraient réaliser que les déviations de performance à court terme peuvent êtres substantielles, comme le démontrent les écarts importants de rendements calendaires et des tracking errors.
En 1999, la dernière année de la bulle technologique, l’indice basé sur les capitalisations de marchés a enregistré la plus forte performance. Tous les autres sont restés très à la traine, et plus particulièrement les indices fondés sur le risque et sur la volatilité minimale. Ce dernier obtient de meilleurs résultats en période de marchés baissiers (2001, 2008 et 2011). Sa volatilité de 11,4% est bien plus faible que le niveau de 15,7% observé pour l’indice de marché. En conséquence, son ratio rendement-risque est plus élevé (0.32 versus 0.15). Mais cela se fait au prix d’une forte tracking error (7.8%).
L’indice basé sur le risque donne une plus grande part aux petites capitalisations et peut-être vu comme un hybride entre la volatilité minimale est l’équipondération. La volatilité totale se situe entre le niveau de l’indice de volatilité minimale et celui du marché. Il compte ses meilleures années en période de baisse des marchés lorsque les small caps se portent bien (2000, 2002) et dans les marchés fluctuant sans grand changement (2004, 2006). Son ratio rendement/risque historique de 0.46 est le plus élevé de tous les indices smart betas considérés dans cette étude.
L’indice équipondéré performe le mieux dans les périodes de rallye des small caps (2003, 2005, 2009 et 2010) mais sa volatilité, à 16.4%, est également la plus élevée.
Enfin, l’indice value (indexation sur les fondamentaux) n’est jamais ressorti comme premier sur toutes les périodes de douze mois évaluées. Pire, il a fait augmenter le risque de perte durant les dernières périodes de marchés baissiers en 2008 et 2011. Même si son ratio rendement/risque est supérieur à celui du marché, il est plus faible que les autres indices smart betas. Sur de longues périodes, cette stratégie montre cependant de meilleurs résultats. De plus, sa tracking error par rapport au marché est plus faible (3.8%) ce qui rend cette stratégie value-weighting plus intéressante du point de vue des perspectives de performances relatives.
2.3 Diversifier les smart betas
Notre stratégie Robeco Conservative Equities prend en compte plusieurs des anomalies à la source des indices smart betas, auxquelles s’ajoute l’anomalie du momentum pour lequel aucun indice n’est disponible. En résumé, cela permet de donner un poids égal au groupe d’actions à faible volatilité qui présentent également des caractéristiques de valorisation et de momentum attractives, reflétant ainsi notre croyance dans le pouvoir de la diversification : sur le long terme une approche diversifiée aboutira à des résultats meilleurs et plus réguliers. Alors que presque tous les indices smart betas ont une exposition négative au momentum, seule la stratégie conservative equities a pour objectif clair de s’y exposer positivement. De plus, le portefeuille des stratégies conservative est plus concentré que celui des indices smart betas, comprenant environ 150 à 200 actions contre 1000 ou plus pour les principaux indices. Elle tire ainsi profit des différentes anomalies de façon plus nette.
Nous observons que les rendements à long terme d’une approche conservative diversifiée sont supérieurs à chaque smart betas pris individuellement, même en périodes réelles (depuis 2006). La stratégie a obtenu les plus forts rendements bruts annualisés (6.6%), avec un plus faible risque de baisse. Sa volatilité de 11.2% est même légèrement plus faible que celle de l’indice de volatilité minimale (11.4%). Cela se traduit dans le ratio rendement-risque le plus élevé avec 0.60 mais aussi dans une tracking error plus forte (9.3%) impliquant cependant que le potentiel de sous-performance par rapport au marché est également plus élevé. Ce risque s’est matérialisé en 2009 par exemple, année où la stratégie conservative a moins bénéficié de la reprise des marchés précédant la crise du crédit, car elle se concentre davantage sur les actifs à haut risque, en détresse financière et dont les prix étaient dépréciés. La tracking error des stratégies conservative equities par rapport aux autres smart betas est quelque peu plus faible, variant entre 3.8% (volatilité minimale) et 9.6% (équipondération).
3. Evaluation qualitative des indices smart betas
3.1 Caractéristiques des smart betas
Afin d’évaluer les stratégies smart betas d’un point de vue qualitatif, nous avons inclu dans notre échantillon de comparaison une approche de « diversification maximale » également connue sous le nom d’approche anti-indicielle (anti benchmark). Cette stratégie est souvent vue comme une stratégie smart betas en tant que telle même si aucun indice basé sur cette méthodologie n’est disponible. Cette absence de données publiques est la raison pour laquelle nous n’avons pas intégré cette approche à notre étude empirique. Le tableau ci-dessous liste les différentes caractéristiques de chaque indice smart betas.
L’indice MSCI Volatility capture les anomalies de volatilité. Il utilise l’optimisateur Barra pour construire un portefeuille qui minimise la volatilité ex ante. Il est sujet à de nombreuses contraintes. En utilisant une approche d’optimisation, le portefeuille peut intégrer des actions à faible volatilité mais également des actions de diversification comme des actions à faibles corrélations. L’un des facteurs contraignant est le turnover qui serait alors élevé, s’il n’était pas limité, en raison notamment de l’instabilité des corrélations estimées. En conséquence de ces contraintes de turnover, l’indice est dépendant de sa trajectoire : sa composition d’aujourd’hui dépend de sa composition d’hier. Et si nous devions créer un nouvel indice similaire, il serait différent au même moment. Beaucoup d’autres facteurs sont également limités comme par exemple le poids individuel des actions, des pays, des secteurs et l’exposition aux facteurs de risque Barra. En conséquence, l’indice manque de transparence (boite noire) et présente plus de similarités avec des stratégies de gestion actives que d’autres smart betas. Dans ses back-tests MSCI a trouvé que le risque est réduit d’environ 30% comparé à d’autres indices de marché, alors que les rendements moyens sont au moins aussi bons. Jusqu’ici, l’indice parvient à être à la hauteur de ses promesses, mais l’historique est encore relativement court.
L’indice MSCI risk-weighted exploite simultanément les effets des actions à faible volatilité et de petites capitalisations. Pondérer les actions dans des proportions inverses à leur volatilité est une stratégie plus transparente que celle du MSCI Volatility index mais le niveau de réduction du risque atteint est aussi plus faible (10% ou moins).
L’indice MSCI equal-weighted a pour unique objectif l’effet de taille. Une question avec ces indices est de savoir si l’effet de taille existe toujours. Sa performance semble également venir pour partie d’une exposition implicite à la valeur, ce qui apparaît par définition lorsque les capitalisations de marché sont complètement ignorées. L’indice basé sur l’équipondération est également associé à un turnover relativement élevé (MSCI rapporte un turnover dépassant les 30% par an).
L’indice MSCI value-weighted exploite l’effet valeur. Il est important de comprendre que cet effet résulte d’un profile de risque variable dans le temps. Alors que les actions value tendent à être faiblement risquées en période d’expansion économique, par exemple lors de la bulle technologique et son éclatement au changement de millénaire, elles ont tendance à devenir plus risquées durant les récessions comme celle des années 30 ou plus récemment de la crise du crédit. Plus particulièrement, lorsque une entreprise est en détresse financière et que le cours de son action s’effondre, son poids dans l’indice de marché est automatiquement réduit, mais un indice value-weighted augmentera sa position dans cette même action lors de la revue de portefeuille suivante car les fondamentaux historiques, comme la valeur comptable de l’entreprise, sont toujours aux anciens hauts niveaux. Messieurs De Grood et Huij (2011) ont trouvé qu’une exposition importante aux stratégies value « naïves » sur les entreprises en détresse n’est pas intéressante car elle contribue de façon significative au risque de la stratégie tout en pesant sur les rendements. Messieurs Blitz, van der Grient et van Vliet (2010) ont également démontré que la performance à court terme de tels indices value-weighted peut être très sensible aux hypothèses utilisées pour la révision du portefeuille.
L’approche de diversification maximale permet de construire un portefeuille qui optimise le ratio de diversification. On pourrait se demander pourquoi il est intéressant d’optimiser ce ratio et quelles inefficiences des marchés sont capturées de cette façon. Cette approche est parfois perçue comme une alternative à la stratégie de faible volatilité. Cependant les résultats présentés par ses partisans sont ambigus à cet égard, avec une réduction du risque annoncée de 20% pour une application sur les actions européennes, mais seulement de 5% pour les actions américaines. Depuis que les actions à fort beta peuvent également être faiblement corrélées et avoir une tracking error par rapport à l’indice. Cette approche pourrait même aboutir dans l’avenir à un portefeuille plus risqué. De façon plus générale, nous pouvons nous demander si cette approche est réellement qualifiable de smart beta puisque qu’aucun indice public n’est disponible.
Pour terminer, parlons de l’approche Conservative Equities. Cette stratégie a pour objectif premier de saisir les anomalies liées à la faible volatilité, mais également d’utiliser les facteurs valeur et momentum pour sélectionner ces actions à faible volatilité qui ont les caractéristiques de rendements attendus les plus attractives. Ainsi, elle vise à maximiser le ratio de Sharpe du portefeuille plutôt que de se concentrer uniquement sur la réduction du risque, comme c’est le cas dans l’indice MSCI minimum-volatility. Alors que la plupart des indices smart betas ont une exposition négative au momentum, seule la stratégie conservative equities met explicitement en oeuvre une forte exposition à ce facteur. Le portefeuille est plus concentré que ceux des indices smart betas tandis que sont turnover est globalement similaire, les actions étant détenues en moyenne pendant quatre ans.
3.2 Gestion active versus passive
Il est intéressant de discuter des pours et des contres d’une gestion passive des indices smart betas par rapport à des solutions gérées activement comme conservative equities. Les principaux avantages d’une gestion passive sont la faiblesse des frais de gestion appliqués et leur simplicité. Cependant, une approche passive présente également quelques inconvénients majeurs. Tout d’abord, dans certains cas ces indices sont tout simplement indisponibles pour les investisseurs. C’est par exemple le cas pour l’indice sur l’anomalie du momentum. Deuxièmement, un indice passif n’est pas toujours la meilleure méthode pour exploiter une anomalie. Pour comprendre cela, il est important de réaliser que les portefeuilles axés sur la faible volatilité, la capitalisation, la valeur et le momentum peuvent être construits de bien des manières. Par exemple, une stratégie value peut être fondée sur la valeur comptable d’une entreprise mais également sur ses bénéfices, les dividendes ou son free cash flow pour ne citer que quelques possibilités. Les règles de revue du portefeuille peuvent également être définies de nombreuses façons : il est possible d’ajuster la pondération à une fréquence prédéfinie ou dépendamment de l’évolution des caractéristiques des actions. Troisièmement, il est plus efficient d’exploiter plusieurs anomalies simultanément que séparément. Par exemple, les facteurs value et momentum montrent une corrélation fortement négative car les actions value ont un score généralement faible vis-à-vis du momentum tandis que les actions à fort momentum sont généralement fortement valorisées. En considérant les caractéristiques value et momentum simultanément il est possible de créer un portefeuille plus efficient qui évite les positions contradictoires et qui optimise le bénéfice de la diversification. Quatrièmement, une gestion sophistiquée du risque est requise lorsque nous investissons dans de multiples anomalies car le risque associé et ses différents effets peuvent varier de manière importante à travers le temps.
Une solution aux problèmes des fonds indiciels gérés passivement est apportée par la gestion active qui permet d’exploiter une combinaison d’anomalies de façon plus efficace et avec un réel contrôle des risques.
Les points négatifs que l’on pourrait soulever face à ces stratégies sophistiquées, systématiques et gérées activement sont évidemment les frais de gestion appliqués, plus élevés que pour une gestion passive, et leur moindre transparence, les pondérations en portefeuille étant basées sur une modélisation propriétaire au lieu d’une simple formule.David Blitz et Pim van Vliet
Au final le choix entre une gestion active ou passive comme moyen de saisir les opportunités liées aux anomalies des marchés actions revient à chaque investisseur qui doit évaluer individuellement son ratio coût-bénéfice.
4. Conclusions
Nous pensons que les investisseurs devraient déterminer stratégiquement l’exposition désirée par le biais d’anomalies largement étudiées telles que la faible volatilité, de la valeur, du momentum ou de la capitalisation. Les fonds gérés passivement sur la base d’indices smart beta créés ces dernières années peuvent être des instruments très utiles pour obtenir cette exposition de façon simple et à moindre coût. D’un autre côté, il est important de saisir que chaque approche smart beta a ses faiblesses. Robeco Conservative Equities a été pensé pour y apporter une solution. Elle offre une diversification dont les bénéfices peuvent être saisis en mixant différentes anomalies et en donnant la priorité à l’établissement d’un ratio rendement-risque optimal. Avec cinq années d’historique, ce qui est en fait plus long que la plupart des indices smart betas, cette stratégie a prouvé sa capacité à atteindre son objectif.