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Investissement dans l’énergie nucléaire : l’aube d’une nouvelle ère ?

Tal Lomnitzer, gérant de portefeuille chez Janus Henderson, explique ce que l’on entend par énergie verte et explore les défis et les opportunités de l’uranium, un sujet de plus en plus pertinent pour les investisseurs intégrant des considérations ESG.

Principaux points

La Commission européenne, dans un acte délégué complémentaire relatif aux objectifs climatiques de la taxinomie de l’UE, a proposé de classer l’énergie nucléaire parmi les activités durables.

Le marché de l’uranium, qui alimente l’énergie nucléaire, s’est considérablement resserré. Les sources d’uranium de haute qualité, de classe mondiale, socialement et économiquement viables sont de plus en plus demandées.

Une nouvelle flambée de la demande pourrait créer des opportunités d’investissement attractives dans les entreprises spécialisées dans les ressources naturelles responsables, ce qui renforce l’intérêt d’une gestion active.

Dans le passé, la consommation de combustibles était modeste, mais l’urbanisation croissante a entraîné une augmentation de la consommation de combustibles par les ménages, qu’il s’agisse de bois, de charbon, de coke ou de kérosène. Par la suite, les ménages se tournèrent progressivement vers le gaz naturel pour le chauffage et la cuisine, afin de gagner en puissance énergétique et pour réduire les fumées intérieures. Dans les villes, les grandes zones urbanisées ont souffert de la pollution générée par les centrales au charbon, les processus industriels et les automobiles.

À l’échelle mondiale, l’absence de réglementation contraignante a permis aux gaz à effet de serre (GES) de se multiplier de manière significative pendant un siècle. Toutefois, face aux preuves que les systèmes climatiques, météorologiques et écologiques mondiaux approchaient ou dépassaient leurs limites planétaires en raison des émissions de GES d’origine anthropique, la mise en place d’accords et de réglementations pour lutter contre le changement climatique s’est accélérée. La décarbonation de l’économie mondiale est désormais facilitée par la fourniture d’énergie électrique renouvelable provenant de sources éoliennes, solaires et hydroélectriques et, dans le secteur du transport routier, par le passage de l’énergie à base d’hydrocarbures à l’énergie électrique stockée dans des batteries, l’objectif ultime étant de supprimer toute pollution due aux combustibles fossiles.

Pour être véritablement durable, une source d’énergie doit être renouvelable, c’est-à-dire utilisable ou remplaçable à l’infini, sans épuiser de ressources naturelles limitées et sans polluer l’environnement.

Reconsidération du nucléaire

L’Union européenne poursuit simultanément plusieurs objectifs, dont l’abandon progressif du charbon, la neutralité climatique, la réduction de la dépendance au gaz naturel importé, ainsi qu’une plus grande indépendance et sécurité énergétique. Le recours à l’énergie nucléaire pourrait faciliter la réalisation de ces objectifs. Les récentes turbulences géopolitiques impliquant la Russie et l’Ukraine ne font qu’amplifier l’importance de certains de ces objectifs. De plus, si le gaz naturel présente de nombreux avantages qui lui ont permis de rapidement supplanter le charbon comme source d’énergie de transition, il n’en reste pas moins un combustible fossile non renouvelable et ne peut être considéré comme véritablement vert ou durable en soi.

L’énergie nucléaire, en revanche, est considérée comme bien plus propre que le gaz naturel par l’équipe Global Natural Resources, car elle ne produit aucun gaz à effet de serre. Elle peut générer une charge de base stable, assurant aux pays un approvisionnement fiable en énergie, ce qui a été historiquement le cas aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Japon, en Russie et en Corée du Sud. En outre, l’énergie nucléaire est généralement produite dans des pays géopolitiquement stables. L’éolien, le solaire et l’hydroélectrique constituent des sources d’énergie plus propres que le nucléaire parce qu’ils ne produisent pas de déchets et sont également plus propres que le gaz naturel ou le charbon parce qu’ils ne génèrent pas de dioxyde de carbone lors de la production d’énergie. Ces sources d’énergie présentent toutefois un inconvénient : elles sont intermittentes et nécessitent un stockage et des « réserves tournantes » pour que le réseau énergétique fonctionne efficacement. L’énergie nucléaire est la seule réserve tournante qui ne produit pas de gaz à effet de serre.

Inconvénients du nucléaire

Les principaux obstacles au développement de l’énergie nucléaire ont été les considérations économiques, la gestion des déchets et la perception du public. Les centrales nucléaires sont des installations complexes à construire et à exploiter. Les projets de construction prennent généralement entre cinq et dix ans et sont souvent livrés avec des dépassements de budget et des retards importants. Certains échouent à obtenir tous les financements nécessaires ou à achever les travaux de construction. Toutefois, ce ne sont là que des questions d’ingénierie et de financement, qui peuvent être résolues s’il existe une volonté politique d’inclure l’énergie nucléaire dans le mix énergétique d’un pays.

L’énergie nucléaire est également controversée pour d’autres raisons, dont le risque de production illicite d’armes nucléaires, la durée de vie extrêmement longue des déchets nucléaires et le besoin de les stocker en toute sécurité à long terme, les aspects économiques des grands réacteurs et l’impact environnemental des accidents nucléaires.

Après le séisme de 2011 dans la région de Tōhoku, près de la côte est du Japon, les réacteurs nucléaires qui s’y trouvaient furent arrêtés avec succès, mais le tsunami qui suivit peu de temps après inonda la centrale et coupa l’alimentation des pompes électriques, provoquant l’explosion de trois réacteurs. À la suite de cette catastrophe, de nombreuses centrales nucléaires japonaises furent mises à l’arrêt. L’expérience du Japon eut même des répercussions ailleurs, l’Allemagne mettant ses réacteurs en sommeil (et augmentant son recours aux centrales à charbon). La France, quant à elle, reste attachée à l’énergie nucléaire, mais dispose d’un parc de réacteurs vieillissants, avec des problèmes de maintenance et de sécurité à gérer.

Les solutions existent

Ces problèmes pourraient être résolus en remplaçant l’uranium par le thorium, un combustible nucléaire à partir duquel il est impossible de fabriquer des armes nucléaires. Un tel changement pourrait toutefois prendre un certain temps, car la recherche sur le thorium manque de financements et il est probable que l’uranium reste la priorité dans l’avenir prévisible. Les SMR (petits réacteurs modulaires) peuvent contribuer à atténuer le risque d’accident. Ils exigent un investissement initial bien moindre, ont une empreinte réduite, nécessitent un système de refroidissement par eau moins important et intègrent des dispositifs de sécurité passive qui auraient permis d’éviter les incidents antérieurs tels que ceux survenus dans les centrales nucléaires de Fukushima et de Three Mile Island en Pennsylvanie. Enfin, la disponibilité de sites de stockages sûrs pour les déchets à longue durée de vie peut être augmentée, ceux-ci, bien que dangereux, étant relativement peu volumineux.

Il convient de retenir que, quel que soit le système énergétique, des compromis devront être trouvés. Un monde alimenté uniquement par des énergies renouvelables serait bien sûr merveilleux, mais la dure réalité de la gestion d’un réseau électrique est qu’une « réserve tournante » est nécessaire pour maintenir la stabilité du système. Une telle réserve peut être obtenue à partir d’énergie stockée (batteries), d’hydrogène ou d’énergie nucléaire et souvent d’une combinaison de toutes ces sources d’énergie.

La conscience de cette réalité semble progresser, comme en témoigne l’annonce récente de la classification par la Commission européenne de l’énergie nucléaire en tant qu’énergie verte dans le cadre du règlement sur la taxinomie* qui sera finalisé dans le courant de l’année et qui vise à éliminer le charbon, à atteindre la neutralité carbone, à réduire la dépendance au gaz naturel importé et à accroître l’indépendance énergétique. La taxinomie européenne prend en compte le cycle de vie complet de l’utilisation de l’uranium et du stockage des déchets radioactifs, s’appuyant en cela sur l’exemple de la Finlande, leader mondial de la production d’énergie nucléaire, qui a su faire preuve de clairvoyance et d’engagement en construisant son site de stockage des déchets radioactifs d’Onkalo.

Toutefois, la proposition de classification du nucléaire comme énergie verte s’accompagne de quelques réserves. Les centrales au gaz peuvent être considérées comme vertes à condition de se tourner vers des gaz bas carbone ou renouvelables, tels que la biomasse ou l’hydrogène produits à partir d’énergies renouvelables, d’ici 2035. En outre, les centrales nucléaires doivent démontrer comment elles financeront, géreront en toute sécurité et élimineront les déchets radioactifs.

Le marché de l’uranium

Le marché de l’uranium s’est considérablement resserré l’année dernière, la demande surpassant l’offre, ce qui a entraîné une hausse des prix. Après dix ans de marché baissier (chute des prix), l’offre s’est appauvrie et les investissements dans de nouvelles mines ont été insuffisants. De plus, la réduction des stocks a été accélérée par le lancement récent de fonds cotés d’uranium physique, comme il en existe déjà pour d’autres métaux.

L’objectif principal de notre équipe est la découverte de ressources d’uranium de haute qualité, de classe mondiale, socialement et économiquement viables, pouvant être exploitées de manière respectueuse de l’environnement (idéalement sous terre, de manière traditionnelle ou par lixiviation in situ). Ces sources d’uranium se trouvent dans un nombre relativement restreint de pays, principalement au Kazakhstan et au Canada et sont essentielles pour livrer l’uranium aux usines de fabrication de combustibles pour la production d’énergie nucléaire.

Mineurs responsables

Si le recours au nucléaire monte en puissance, il est peu probable qu’il soit tiré par le thorium, les solutions à base d’uranium étant plus avancées. Ainsi, les gisements récemment identifiés, tels que ceux découverts par NexGen Energy dans le bassin du sud-ouest de l’Athabasca, dans la Saskatchewan, au Canada, sont-ils particulièrement bienvenus. Le projet Rook, dans cette région, est très intéressant en raison de son emplacement dans un sous-sol composé d’une roche solide et portante qui se prête à une exploitation souterraine à grande échelle et à faible coût, les résidus (sous-produits d’exploitation minière) étant utilisés comme remblai, de manière à réduire au minimum l’empreinte en surface.

Compte tenu de l’importance croissante accordée aux considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), les entreprises du secteur des ressources naturelles doivent également être des entreprises citoyennes respectueuses de leurs obligations sociales. NexGen s’est efforcée d’intégrer les exigences des propriétaires fonciers dans son projet d’exploitation, qui inclut une convention de recherche impliquant les communautés situées dans la zone du projet, démontrant ainsi aux investisseurs son engagement en matière de gérance de l’environnement, de santé et de sécurité, de remise en état et de relations avec les communautés locales et autochtones.

En résumé

Compte tenu de la probable classification de l’énergie nucléaire en énergie verte, la demande pour les combustibles tels que l’uranium pourrait connaître un nouvel essor, créant également des opportunités d’investissement attractives. Cette demande croissante devra être satisfaite par une offre responsable. Grâce à la gestion active, les facteurs ESG peuvent être intégrés dans les décisions d’investissement et dans le dialogue avec les entreprises. Investir en partenariat avec les entreprises du secteur des ressources naturelles accordant de l’importance à l’ESG et la bonne gérance des ressources est pertinent, car celles-ci tendent à être davantage appréciées par le marché à long terme.

Tal Lomnitzer Mars 2022

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