Next Finance : Vous avez lancé l’année dernière Melanion Capital, une des toutes premières sociétés de gestion dédiées aux stratégies de futures sur dividendes. Quel est votre expérience, ainsi que celle de votre équipe sur le sujet ?
Jad Comair : Nos équipes traitent les futures sur dividendes depuis leur création en 2008, et se sont rapidement spécialisés sur ce produit pour en devenir des experts incontestés. Nous sommes une spin-off du département de trading de le Société Générale et nous avons créé Melanion dans le but d’offrir à des investisseurs une nouvelle source de rendement sur une classe d’actif innovante.
Y a-t-il de la liquidité et de la profondeur sur les marchés de futures sur dividendes ? Sur quels marchés opérez-vous principalement ? futures de dividendes sur indices ? futures de dividendes sur actions ?
Le marché des futures sur dividendes représente à ce jour environ 10 milliards de dollars. C’est peu comparé aux autres marchés financiers, mais beaucoup compte tenu de sa jeunesse. Nous traitons des futures sur dividendes indices et actions, essentiellement sur d’importantes capitalisations boursières (Blue Chip). Le marché est très développé en Europe, où il a vu le jour, et l’Asie suit à grands pas. Par contre aux US, il n’existe pas de futures sur dividendes puisque la CFTC et la SEC n’ont pas encore trouvé un compromis sur la régulation de ce produit.
chaque actionnaire est donc 'long' d'une série infinie de dividendes et, grâce aux 'futures' sur dividendes, les investisseurs peuvent 'choisir', pour la première fois dans l'histoire, sur quel dividende ils veulent être exposés.Jad Comair, CEO, Melanion Capital
Vous parlez d’une nouvelle classe d’actif, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Le dividende est un concept très familier pour les investisseurs, et un grand nombre d’entre eux détiennent des actions avec comme principal objectif le rendement qu’ils vont en tirer. Plusieurs études démontrent que les rendements des actions viennent principalement des dividendes versés plutôt que des plus-values réalisées, thèse corroborée par le lauréat 2013 du prix Nobel d’économie, Robert Schiller, qui considère qu’une action est une somme infini de ses cash flow et qu’on peut facilement décortiquer l’action comme une somme de dividendes versés dans le future (c’est en démontrant par ailleurs que les actions avaient une volatilité beaucoup plus importante que les dividendes versés, qu’il a développé sa théorie de non-efficience des opérateurs du marché). Tout celà pour dire, que chaque actionnaire est donc long d’une série infinie de dividendes et, grâce aux futures sur dividendes, les investisseurs peuvent « choisir », pour la première fois dans l’histoire, sur quel dividende ils veulent être exposés (au lieu de les avoir tous en achetant une action), ou tout simplement couvrir le risque de dividende associé aux actions qu’ils ont en portefeuille.
Nous sommes convaincus que les investisseurs vont continuer à s’intéresser à ces produits, qui sont plus simples et faciles à appréhender que les actions. D’où le potentiel de développement en classe d’actif à part entière et le rationnel derrière la création de Melanion Capital, avec comme objectif d’être un leader mondial sur ce marché.
Comment-voyez-vous l’avenir du marché des futures sur dividendes ? Vous indiquiez récemment que ce marché pourrait connaître la même révolution que le marché des commodities ou des CDS où le marché dérivé a dépassé celui du sous-jacent. Qu’est-ce qui pourrait inciter les investisseurs à opérer une véritable révolution culturelle et à délaisser les actions au profit des futures sur dividendes ?
D’abord il faut savoir que depuis sa création, en 2008, le marché des dividendes futures a connu une croissance exponentielle dans un environnement post-Lehman où les volumes des autres classes d’actifs décroissaient. La raison de ce développement est que les futures sur dividendes est un outil de couverture idéal contre le risque de paiement d’un dividende. Or, si on regarde uniquement en Europe, les 50 sociétés de l’EuroStoxx 50 vont verser environ 1,000 milliards de dollars de dividendes dans les années à venir. Imaginez donc la quantité de risque à couvrir, dans un marché où ces mêmes sociétés ont en moyenne coupé leurs dividendes depuis 2008 jusqu’à aujourd’hui.
Au-delà de leur utilisation comme produit de couverture, les futures sur dividendes sont d’une telle simplicité qu’ils devraient inciter les investisseurs à les préférer aux actions.
Un dernier avantage réside dans la faible volatilité des dividendes par rapport aux actions, principalement due à l’inefficience du marché action qui dépend énormément du psychologique plutôt que du fondamental.
Les 'futures' sur dividendes sur l'Eurostoxx 50 anticipent une baisse des dividendes chaque année, pendant les 10 prochaines années. Or toutes les autres classes d'actifs (actions, taux, crédit, inflation, etc…) intègrent une reprise de la croissance économique en Europe. Nous avons donc des points d'entrée sur nos stratégies qui sont nettement plus intéressants que nos concurrents, qui opèrent sur des actifs qui traitent aujourd'hui à des prix beaucoup plus élevés.Jad Comair, CEO, Melanion Capital
L’intérêt des futures sur dividendes semble effectivement progresser. En témoignent les nouveaux fonds qui se lancent sur le créneau. Pour autant, quel est en est l’attrait pour les investisseurs ?
Les stratégies de futures sur dividendes, comme toute stratégie de gestion de portefeuille, comporte des risques qu’il faut savoir maitriser. La stratégie de futures sur dividendes de Melanion Capital permet aux investisseurs d’avoir une nouvelle source de rendement, très peu corrélée aux stratégies traditionnelles de gestion de portefeuille. En effet, parce que nous opérons sur une nouvelle classe d’actifs, nous pouvons offrir des rendement très différents en terme de timing et d’amplitude.
Les théories de l’allocation d’actif démontrent qu’il est préférable d’allouer son capital sur des actifs à faible corrélation, de manière à maximiser son rapport rendement-sur-risque. Ainsi, une allocation d’actif qui incorpore la stratégie de Melanion Capital permet de diversifier son exposition tout en augmentant le rapport rendement-sur-risque de l’investisseur (sharp ratio). De plus, ces futures étant listés, le risque de contrepartie est nettement plus limité que sur les actions ou les obligations.
Au-delà de l’intérêt pour les investisseurs en terme de diversification, quelles sont les sources d’alpha que vous pouvez leur offrir aujourd’hui dans ce marché ?
Melanion a d’abord une très forte expertise dans ce marché, puisque son équipe s’est spécialisée sur ces produits depuis leur création en 2008, ce qui nous permet de capturer une grande partie des opportunités présentes qui s’y trouvent. De plus, nous opérons dans un marché où il y a une très forte pression vendeuse sur les futures sur dividendes, vu le risque non-couvert que je décrivais ultérieurement (1,000 milliard de dollars sur l’EuroStoxx 50 uniquement). Pour illustrer cette pression vendeuse, vous pouvez vous référer aux futures sur dividendes sur l’Eurostoxx 50, qui anticipent une baisse des dividendes en Europe, chaque année, pendant les 10 prochaines années. Or toutes les autres classes d’actifs (actions, taux, crédit, inflation, etc…) intègrent une reprise de la croissance économique en Europe. Nous avons donc des points d’entrée sur nos stratégies qui sont nettement plus intéressants que nos concurrents, qui opèrent sur des actifs qui traitent aujourd’hui à des prix beaucoup plus élevés.